LE CERCLE
Vous souhaitez réagir à ce message ? Créez un compte en quelques clics ou connectez-vous pour continuer.

LE CERCLE

Forum littéraire
 
AccueilPortailGalerieRechercherDernières imagesS'enregistrerConnexion
-28%
Le deal à ne pas rater :
-28% Machine à café avec broyeur à grain MELITTA Purista
229.99 € 318.99 €
Voir le deal

 

 Salle des crânes

Aller en bas 
3 participants
AuteurMessage
Invité
Invité




Salle des crânes Empty
MessageSujet: Salle des crânes   Salle des crânes Icon_minitimeJeu 16 Aoû - 19:27

Salle des crânes





Pierre était paléoanthropologue. Un de ces jeunes scientifiques encore pleins d’espoirs et d’innocence. Ainsi, tous les jours, il se rendait au laboratoire de paléontologie humaine de Marseille, grande ville française avec vue sur la mer Méditerranée. Son boulot le passionnait, il en avait rêvé toute son enfance et son adolescence.

Comme bien des mômes, il faisait des trous dans le jardin de ses grands-parents sous l’œil affectueux de sa mamy qui s’empressait de tout reboucher avant que papy ne s’en aperçoive. Sa chambre ressemblait bien plus à une grotte qu’à une chambre d’enfant classique. On n’y trouvait pas les posters de stars, mais l’échelle des temps géologiques, les dinosaures ou un poster gigantesque d’un homme de Neandertal. A Noël, sa famille mettait un point d’honneur à lui offrir les derniers livres sortis sur les terribles lézards ou sur les hommes préhistoriques. Même quand il ne savait pas encore lire, ses rêves se nourrissaient des dessins effrayants de monstres disparus. Il avait grandi avec une seule idée en tête : étudier les squelettes d’animaux morts depuis des milliers voire des millions d’années. A sa remise des diplômes, il était enfin arrivé à son but ultime. Evidemment, trouver un travail dans cette branche n’avait pas été simple, mais il y avait vraiment mis tout son cœur et toute sa tête. Il pouvait maintenant se reposer et réfléchir à son prochain but.

Souvent, à son bureau, il aimait se sentir seul dans le vaste laboratoire austère quand la fin de la journée avait fait fuir tous ses collègues. Personne n’était plus là pour l’empêcher de réfléchir. Pas une voix ne venait le perturber dans ses rêves. Les images dans sa tête étaient pour deux personnes seulement. Celles dont il se souvenait à peine. Sa porte ouverte sur le couloir désert, il écoutait sa musique préférée en fumant un énième cigarette. Il finissait par ranger ses affaires, fermer sa porte à clés, fermer le labo et arpenter le dernier couloir éclairé, se grisant des frissons que les moulages de sépultures préhistoriques lui donnaient tous les soirs. Et enfin il sortait, retrouvant le monde actuel, sa voiture, et les embouteillages. Il roulait pour retrouver son chez-soi, vide, seul. Son appartement ressemblait à sa chambre d’enfant. Rien n’avait vraiment changé.

Il dînait seul tous les soirs. A part les coups de téléphone d’amis, Pierre ne recevait jamais d’appel de sa famille. Ses grands-parents qui l’avaient élevés étaient décédés depuis quelques années déjà. Les oncles et tantes ne semblaient pas se soucier de lui, et il était fils unique.

Il finissait toujours par se coucher très tard après avoir parcouru de nombreuses pages Internet à la recherche de ses origines. A défaut d’avoir une famille, il essayait de reconstituer son arbre généalogique via des sites spécialisés.

Le sommeil qui s’emparait finalement de lui ne lui apportait que vides insondables et il se réveillait en sueur au matin, bien avant que son réveil ne sonne.

Sans prendre son petit-déjeuner, Pierre prenait sa voiture et retournait travailler.

*

Ce soir-là, Pierre était encore seul. Le laboratoire vide laissait quelques bruits lui échapper, mais Pierre ne les entendait pas, la musique les couvrait. Mais soudain un bruit sourd se fit entendre entre deux paroles d’une chanson. Pierre sursauta mais ne s’inquiéta pas. Il était fréquent qu’un lieu désert rappelle aux mortels que lui aussi est vivant. Quelques minutes passèrent, et un autre bruit légèrement différent retentit. Pierre, intrigué, éteignit son poste radio. Il écouta. Une cacophonie indescriptible troublait ses rêves. Il hésita. Il n’était pas sûr que cela vienne du laboratoire, cela aurait pu tout aussi bien venir des étages supérieurs. Pourtant, quelque chose en lui, lui soufflait que ce n’était pas anodin. En plus il serait responsable s’il arrivait quelque chose en sa présence au labo et qu’il n’intervenait pas. Préoccupé, il saisit son marteau de géologue, son téléphone portable, ses clés et sortit prudemment de son bureau. Le couloir était vide, comme d’habitude à cette heure-ci, rien de bien inquiétant. Les bruits continuaient. Il avança un peu plus dans le couloir en direction de ces bruits. Les squelettes suspendus aux murs ne lui étaient jamais apparus si menaçants. Il sentait sa claustrophobie enfantine s’abattre sur lui comme une épée de Damoclès. Un peu paranoïaque de nature, il se retournait parfois avec cette insaisissable sensation d’être observé de partout à la fois. Il tourna à angle droit dans un autre couloir. Il alluma la lumière. Il entendait toujours les bruits. Ils devenaient de plus en plus distincts. Pierre localisa leur provenance. En face de lui, se trouvait l’immense salle des collections. Rien que penser à tous ces crânes et ces squelettes humains entreposés dans cette salle le faisait frissonner. Quelqu’un s’était introduit dans cette pièce, et en entendant les bruits qu’il faisait, il ne devait pas être seul. Qu’est-ce qu’ils pouvaient bien trouver d’intéressant à faire avec tous ces os ? Qu’aurait pu faire Pierre, tout seul, avec son marteau en acier trempé ? Il aurait sans doute du appeler le gardien, la police, mais il ouvrit seul la grande porte fermée à clé, sans doute de l’intérieur puisqu’il la ne la fermait qu’en partant.

Il lui sembla que le bruit que fit la porte en s’ouvrant était incroyablement fort. Tant et si bien que le bruit provenant de la salle cessa. Les lumières des couloirs du laboratoire s’éteignirent d’un seul coup et Pierre se retrouva dans le noir complet, n’osant même plus respirer. Lentement sa main gauche tâta le mur à la recherche de l’interrupteur. Quand le bouton bascula, la lumière l’aveugla un instant. Quand il récupéra l’usage de ses yeux, son sang se glaça dans ses veines. Rien ne l’avait préparé à ce qu’il vit. Rien dans ses cauchemars n’était comparable à ce qui se passait devant ses yeux. Il se tenait dos à la porte, tétanisé, les yeux exorbités, la bouche grande ouverte, et à n’en pas douter, les cheveux dressés sur la tête. Il devait être pâle, très pâle, comme la mort. Celle-là même qui dansait devant lui sous la forme d’une centaine de squelettes dégingandés dont les orbites vides le fixait. Ces anges de la mort arboraient un sourire édenté et inquiétant. Quelques uns s’approchèrent de Pierre. Il aurait voulu pouvoir s’enfuir, mais il ne pouvait plus bouger. La peur l’avait pétrifié. Il ne sentit même pas le liquide chaud tremper son pantalon. Deux squelettes le saisirent par les bras. Le contact des mains d’os cliquetants sur son corps l’agita d’un violent frisson de dégoût. Ils l’entraînèrent au centre de la salle, là où, semblait-il, le gros de la fête macabre se déroulait. Il essaya de hurler mais rien ne sortait de ses lèvres. Il était muet, muet de terreur.

Les deux squelettes le portèrent sur une table, où normalement étaient posées les pièces à étudier. Ils le maintinrent allongé avec une force incroyable.

Au bout de quelques secondes, Pierre cessa de gesticuler. Etendu sur le dos, retenu par ces êtres abominables, il se sentit soudainement las et se laissa finalement aller à l’étrange ballet qui se déroulait autour de lui. Les os dansaient autour de lui, virevoltant dans la nuit, au rythme d’une musique démoniaque, inaudible pour d’autres qu’eux et Pierre. Les bruits qu’il avait entendu de son bureau prenait, à présent, la forme d’une sombre musique, envoûtante, hypnotisante.

Son inconscient essayait de lutter contre tout ceci, mais ses muscles ne répondaient plus aux sollicitations de son cerveau. En était-il encore capable de toute façon ? Il ne pouvait plus bouger, et pourtant les deux squelettes qui l’avaient retenu étaient partis rejoindre la danse. Il était à présent seul sur la table blanche avec les néons qui l’aveuglaient. Il avait cette sensation insoutenable d’être sur une table d’opération, attendant que le chirurgien veuille bien commencer à couper les chairs. Il essaya de crier qu’on ne l’avait pas anesthésié avant, mais ses mots muets se perdirent dans le bruit cacophonique.

Un squelette, visiblement beaucoup plus âgé que tous les autres en terme géologique, s’avança vers Pierre. Il lui manquait une partie du crâne, qui n’avait probablement pas été retrouvé au cours de la fouille, et aussi beaucoup d’autres os du corps et des membres. Comment pouvait-il tenir debout ?, se demanda une partie cérébrale de Pierre dédiée à la science.

Un bras se leva au dessus de son torse, sans arme ni instruments chirurgicales. La mâchoire décharnée articula une sorte d’incantation magique.

Pierre ne sentit pas son sang fuir son corps, se répandre sur la table, et couler en cascade sur le sol. En tournant la tête, il vit juste qu’au sol, le sang était comme absorbé aussi vite qu’il y arrivait, sans laisser une seule tache sur la moquette intemporelle. Aucune douleur physique ne tordait son corps. Son esprit essayait de se convaincre qu’il mourrait. Mais comment comprendre la mort sans douleur ? Toujours conscient, Pierre sentit peut-être sa peau se dissoudre en même temps que ses muscles et ses entrailles, tombant en poussière comme sous l’action accélérée du temps. Il voyait tout ça lui arriver, il savait qu’il n’était plus qu’un squelette répugnant, effrayant. Il avait peur, oui. Il rêvait, peut-être, mais ce cauchemar était le pire qu’il ait pu faire, le seul dont il ne savait pas comment cela finirait. Se réveillerait-il seulement ?

La danse prit brusquement fin sous l’ordre bref du bourreau qui se tenait toujours près de Pierre. Les squelettes-danseurs s’écartèrent pour former deux rangés distinctes. Les deux squelettes qui s’étaient emparés de Pierre le redressèrent. Il put enfin admirer ses os blanchis, libérés du carcan de ses chairs. Il leva ses orbites vides vers les spectateurs silencieux. Du fond de la salle, un squelette s’avança. Il semblait vieux, très vieux. Pierre su de qui il s’agissait. Ce grand individu, sortit tout droit du mur donnant directement sur son bureau, s’arrêta a à peine un mètre de lui. Un souvenir fugace lui fit remarquer l’absence du squelette dans le couloir quelques instants plus tôt. Il l’avait eu sous les yeux pendant des années et il n’avait pas remarqué son absence en passant devant. Pierre connaissait d’ailleurs chacun d’entres eux par son numéro d’inventaire. Le grand squelette ouvrit ses maxillaires comme pour prononcer d’improbables paroles. Pierre les entendit pourtant. Pas avec ses oreilles, il n’en avait plus, mais son esprit emprisonné dans sa boite crânienne les recevait.

« Tu es enfin parmi les tiens. Nous t’avons laissé le temps de vivre ta vie de chair et de sang. Tes parents t’attendaient depuis longtemps. »

Il montra d’une main frémissante un couple de squelettes, dont on ne pouvait distinguer l’homme de la femme, se serrant l’un contre l’autre. Un autre squelette s’approcha de Pierre. Un stylo à encre noire à la main, ce dernier nota sur le crâne de Pierre son numéro d’inventaire : 135. Ses parents approchèrent et l’enserrèrent de leurs bras immondes. Pierre ne savait pas qu’en manipulant les numéros 133 et 134, il tenait les crânes de ses parents disparus. Il eut encore envie de hurler. Il ne voulait pas faire partie de cette famille. Il avait rêvé les retrouver, les revoir enfin mais pas comme ça !

*

Au petit matin, le laboratoire retrouva l’effervescence d’une journée de travail. Des paroles résonnaient partout dans les salles et les bureaux. Des rires s’échappaient de l’endroit qui servait de cafétéria. Un chercheur entra même dans la salle des collections, appelée familièrement, la salle des crânes. Il s’installa à la table centrale après avoir pris sur une étagère un crâne parfait pour son étude.

Personne ne remarqua le squelette supplémentaire dans les collections, tout au plus un étudiant s’interrogerait un jour sur le sérieux de l’inventaire. Personne ne s’inquiéta de la disparition soudaine de Pierre, les gens allaient et venaient dans ce laboratoire. On supposa simplement qu’il était parti en mission. Après quelques mois, ses affaires furent mises dans un carton au fond d’une armoire pour le cas où il reviendrait. Mais il ne reviendrait jamais, il était toujours là…
Revenir en haut Aller en bas
filo
Admin
Admin
filo


Nombre de messages : 2078
Age : 52
Signe particulier : grand guru
Date d'inscription : 06/07/2007

Salle des crânes Empty
MessageSujet: Re: Salle des crânes   Salle des crânes Icon_minitimeJeu 16 Aoû - 20:07

Pour être tout à fait sincère, je n'accroche pas à cette histoire, pour moi c'est vraiment trop gros, et je n'arrive pas à y croire, à me laisser emporter, même si c'est bien écrit.

Mais j'ai lu des nouvelles de toi qui m'avaient bien accroché, donc j'attends avec confiance la suite.
Revenir en haut Aller en bas
https://www.filosphere.fr
constance
Prophète
Prophète
constance


Nombre de messages : 4029
Date d'inscription : 07/07/2007

Salle des crânes Empty
MessageSujet: Re: Salle des crânes   Salle des crânes Icon_minitimeJeu 16 Aoû - 23:58

Moi ça me fout le frisson ! un vrai cauchemar d'enfant...
Revenir en haut Aller en bas
http://eaux-douces.bloxode.com
margo
Maître
Maître
margo


Nombre de messages : 1790
Date d'inscription : 08/07/2007

Salle des crânes Empty
MessageSujet: Re: Salle des crânes   Salle des crânes Icon_minitimeVen 17 Aoû - 0:27

Un humour noir qui m'a fait sourire et un peu frissonner quand même...
J'attends les prochaines histoires en écoutant "La danse macabre."What a Face
Revenir en haut Aller en bas
Contenu sponsorisé





Salle des crânes Empty
MessageSujet: Re: Salle des crânes   Salle des crânes Icon_minitime

Revenir en haut Aller en bas
 
Salle des crânes
Revenir en haut 
Page 1 sur 1
 Sujets similaires
-
» Salle d’attente
» Y-a-t-il un Italien dans la salle ?

Permission de ce forum:Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
LE CERCLE :: ECRITURE :: Nouvelles, feuilletons, romans-
Sauter vers: