Des illusions

Vivre de peu de mots, sans les sourires forcés que la bienséance injecte sur nos faces soumises ; entre diplomatie et hypocrisie la marge est mince.

Méditer dans le vacarme des glas quotidiens, des défilés désespérés, troupeaux de la dernière chance, sous l'œil impavide des grands frères pervertis.

Garder l'équilibre sur le fil ténu des aspirations/inspirations intimes, tendu entre la vulve maternelle et un horizon fantasmagorique, qu'on érige vertical en feignant d'ignorer son implacable et fatale horizontalité.

Vomir les conditionnements, ceux inoculés afin de feindre la norme et l'équilibre, dégueuler les traditions pour gagner le droit à l'authentique foi personnelle.

Aimer l'Autre, non le miroir ni le fantasme, juste le complément, la différence, la nécessaire altérité, malgré la superficialité érigée en art de vivre, où les sentiments s'avèrent jetables, les passions s'essoufflent, se blasent.

Créer, hurler, tâcher notre parcelle d'univers de notre empreinte, du moins s'efforcer de lui trouver une place dans les multitudes d'artifices redondants, interchangeables et si bien promus.

Ne pas faire la pute pour survivre, et pire pour vivre mieux.
Ne pas faire semblant d'aimer pour être aimé.
Ne pas écrire pour tuer l'ennui, mais pour dire ce qui n'a pas encore été dit.
Ne suivre personne.
Ne pas me suivre.




(texte préambule à "Éloge de la limite" )

Rien que de trop vrai,

Aimer l'Autre, oui, mais pas tous les autres non plus

Je n'aime que moi
N'aime qu'à me suivre
et comme tu le dis pour finir
Ne me suivez pas.

"Garder l'équilibre", un exercice de tout les instants, il est si facile de basculer!

"Aimer l'Autre, non le miroir ni le fantasme, juste le complément, la
différence, la nécessaire altérité, malgré la superficialité érigée en
art de vivre, où les sentiments s'avèrent jetables, les passions
s'essoufflent, se blasent."

Oui tout à fait vrai, aimer l'autre et non son propre reflet, ne pas projeter sur l'autre ses désirs refoulés, ses propres frustrations, afin d'éviter l'illusion puis l'écœurement. Savoir faire la différence entre l'accessible et l'inaccessible.

La dernière ligne, "ne pas me suivre" résume la pureté totale de cet engagement.
Je te l'ai dit parfois, sur le ton de la plaisanterie, certes, mais je le pensais : si tes intentions avaient été intéressées, mercantiles, vaniteuses, manipulatrices, tu aurais fait un merveilleux et redoutable leader de secte.
Mais tu vis ainsi, soulignant même tes défauts et tes manquements, préférant la solitude à la compromission.
Même si ton texte soulève des vérités parfois terribles, je dois quand même tempérer ce qui pourrait passer pour de l'intransigeance, une superbe et difficile intransigeance : vivre "dans le monde" est une chose difficile, qui nécessite de garder un équilibre souvent instable entre ses principes (les personnels, pas ceux imposés) et les compromissions que nous impose la société.
Mais c'est possible, si l'on garde une ligne suffisamment droite pour pouvoir se regarder sans crainte dans la glace chaque matin, et suffisamment courbe pour s'adapter aux circonstances. Tu vois, juste une question de géométrie...
Ce texte, je trouve, te convient plutôt bien...