Morgane Maître
Nombre de messages : 1711 Age : 76 Date d'inscription : 09/07/2007
| Sujet: Vous avez dit gosse de Paris? Mer 10 Mar - 19:42 | |
| 09/03/10VOUS AVEZ DIT PARISIENNE ?
GOSSE DE PARIS
Parisienne de naissance, longtemps fière de l’être, j’ai fortement rabaissé mon caquet de « capitalienne » (pas capitaliste, lol) depuis que j’ai découvert que contrairement à l’idée dans laquelle a baigné mon enfance, Paris n’est ni le centre du monde, ni même celui de la France.
D’ailleurs le centre de la France est dans un petit patelin du Berry, plus précisément dans le Cher et c’est pas un mais trois qui revendiquent cet honneur!
Vesdun, Bruère Allichamps et Saulzaie le Potier… je suis passée à Vesdun en 2003, c’est joli la Sologne !
Puis je découvris la Province, et qu’elle recélait des trésors.
Mais habiter hors de Paris, inenvisageable jusqu’à ce que, mon 1er poste de prof titulaire m’exile dans le Val d’Oise, à 26 ans, et que j’ai pas envie de me taper tous les jours le trajet, avec des trains plutôt rares, et une gare de banlieue à des bornes du collège.
Ce fut donc le premier exil, dans ce qui était encore la campagne (même si les horribles tours de Sarcelles n’étaient pas loin), où les renards rôdaient au milieu des vergers de poiriers et des champs de pivoines.
Puis ce fut la Corse, l’Ariège, la Haute Garonne, la Lozère (déjà) re la Corse et retour en région parisienne, mais pas à Paris : Essonne, Yvelines.
Enfin le grand départ pour 10 ans de cocotiers…
La retraite arrivant, je voulais rentrer chez moi, mais pas habiter Paris. Les transports s’étant nettement améliorés, c’est assez facile d’y aller de n’importe quel angle de l’Hexagone, et même du milieu (faut jamais que 7H1/2 pour faire Mende/ Paris !
Alors je choisis la Bretagne, chère à mon cœur et mon âme depuis l’enfance, sans racines terriennes, mais selon l’expression « bretonne de cœur », je m’y sens bien.
Pourquoi pas Paris ?
J’aime ma ville, ses paysages, son animation culturelle, son histoire, la Sorbonne, mais pas ce qu’elle est devenue, celle des bobos têtes à baffes et des touristes chinois et japonais Avenue de l’Opéra, les seuls qui ont les moyens d’acheter ce qu’on y propose.
Mon Paris c’est celui de Doisneau, là où j’ai grandi, quand Evry et Corbeil Essonne (j’ai habité les deux) étaient la campagne et Melun la Province.
Le Paris des terrains vagues quand on jouait sur les fortifs, celui des blouses grises et des doigts plein d’encre.
Quand passer ses vacances en Bretagne était réservé aux paumés qui n’avaient pas les moyens de la Méditerranée, qu’il fallait une journée entière de train pour aller à Paimpol ou à Plouharnel. C’était se perdre au fin fond d’un finistère, chez des attardés où il pleut (c’est bien connu) 365/365 jours !
Les parisiens n’ont pas de racines pour les gens du terroir, elles ne peuvent pas se planter dans le bitume.
En 2000, je passais quelques jours chez une amie, dans le tout petit village de la Drôme où elle a grandi, son père, un vieux monsieur aujourd’hui décédé m’a demandé :
« Vous êtes de quelle région ?
-Je suis parisienne
-C’est pas une région, c’est une ville ! »
Et je suis restée toute conne, plus déracinée que jamais !
Quand j’avais 16/17 ans, un marseillais m’a lancé : « Té, tu as l’assent de Paris toi ! ». L’accent de Paris ? Moi, la parisienne, un accent ? ca va pas la tête, l’accent c’est pour les péquenots, c’est bien connu. Lequel accent se perd de plus en plus d’ailleurs, je sais pas à quoi s’est du, peut être après qu’on parle de moins en moins ces « patois » élevés au rang plus noble de « Langues Régionales » après qu’ils aient résisté à la tentative de meurtre dont ils firent l’objet.
Mais, déjà emmerdeuse qui pose des questions, la petite parisienne (qui aimait bien la campagne et la mer pourtant) se demandait pourquoi, à l’école primaire, on lui faisait apprendre les saisons avec les travaux des champs : semailles, moissons, vendanges-bon, y’a des vendanges à Montmartre, mais on ne l’emmenait pas les voir, et que le vin est paraît-il dégueu-, la chasse et le ski…
Elle aurait voulu dans sa naïveté qu’on lui parle de sa vie à elle, qu’on lui parle de sa ville.
Elle ignorait bien sûr que sa ville avait une histoire bien trop sulfureuse pour qu’on la raconte aux enfants. La Commune, connaît pas, la canaille : méprisable. On racontait l’Histoire en images d’Epinal, et la morale à coup d’exemples tellement exemplaire que même les gosses en rigolaient…
Aujourd’hui, Paris, SON Paris ne survit plus que dans les quartiers excentrés, ou au creux de ceux qu’on visite trop vite pour les apprendre. On a déchiré son ventre pour y inséminer un centre commercial.
La ville « Lumière » n’est peut être plus qu’un lumignon, on y fait du miel, la campagne environnante, phagocyté, prend sa revanche, comme au temps d’Esméralda, il y a des faucons dans les tours de Notre Dame.
Et la gosse revient chez elle de temps à autre, se retrouver, elle déteste les bobos, ce ne sont pas eux les vrais parisiens.
« Prince, aux dames parisiennes
De bien parler donner le prix ;
Quoi que l’on dit d’italiennes,
Il n’est bon bec que Paris. »
Ballade des Dames de Paris François Villon
Quelques chansons de Paris, parmi des centaines.
« Paname » a beaucoup inspiré naguère, mais aujourd’hui, qui songerait à chanter Paris ?
1) Rouge Gorge Renaud http://www.musicme.com/Renaud/albums/100-Chansons-0094636922423-02.html?play=07
2) Un gamin de Paris Patachou http://www.musicme.com/Patachou/albums/Un-Gamin-De-Paris-3700368441657.html?play=15
3) Paname Léo ferré http://www.musicme.com/Leo-Ferre/albums/Avec-Le-Temps-0042284191920.html?play=02
4) Paris, je ne t’aime plus Léo Ferré http://www.musicme.com/Leo-Ferre/albums/Leo-Ferre-Au-Theatre-Libertaire-De-Paris-0794881826223-04.html?play=15
J’adore Léo, mais je l’ai détesté quand il a écrit ça (en 68/69) avant de comprendre bien des années plus tard ce qu’il voulait dire.
| |
|