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 François Villon : la fameuse ballade

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filo
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François Villon : la fameuse ballade Empty
MessageSujet: François Villon : la fameuse ballade   François Villon : la fameuse ballade Icon_minitimeVen 22 Avr - 1:14

Son titre moderne est "La ballade des pendus", mais en fait, elle n'a jamais eu de titre, et lui donner ce titre dévoile trop tôt le mystère de sa provenance narrative.
Elle devrait donc être titrée "Frères humains", comme il est d'usage en cas d'absence de titre, et c'est d'ailleurs ainsi que ce texte a toujours été titré jadis.

3 dizains et un quintil, le tout en décasyllabes, avec répétition du dernier vers dans chaque strophe, et similarité des rimes : c'est le canon typique d'une grande ballade.

En voici la version originale (en italique), suivie de la traduction en français moderne :

Frères humains qui après nous vivez
N'ayez les coeurs contre nous endurciz,
Car, se pitié de nous pauvres avez,
Dieu en aura plus tost de vous merciz.
Vous nous voyez cy attachez cinq, six
Quant de la chair, que trop avons nourrie,
Elle est pieça devoree et pourrie,
Et nous les os, devenons cendre et pouldre.
De nostre mal personne ne s'en rie :
Mais priez Dieu que tous nous veuille absouldre !

Se frères vous clamons, pas n'en devez
Avoir desdain, quoy que fusmes occiz
Par justice. Toutesfois, vous savez
Que tous hommes n'ont pas le sens rassiz ;
Excusez nous, puis que sommes transis,
Envers le filz de la Vierge Marie,
Que sa grâce ne soit pour nous tarie,
Nous préservant de l'infernale fouldre.
Nous sommes mors, ame ne nous harie ;
Mais priez Dieu que tous nous vueille absouldre !

La pluye nous a débuez et lavez,
Et le soleil desséchez et noirciz :
Pies, corbeaulx nous ont les yeulx cavez
Et arraché la barbe et les sourciz.
Jamais nul temps nous ne sommes assis ;
Puis ça, puis la, comme le vent varie,
A son plaisir sans cesser nous charie,
Plus becquetez d'oiseaulx que dez à couldre.
Ne soyez donc de nostre confrarie ;
Mais priez Dieu que tous nous vueille absouldre !

Prince Jhesus, qui sur tous a maistrie,
Garde qu'Enfer n'ait de nous seigneurie :
A luy n'avons que faire ne que souldre.
Hommes, icy n'a point de mocquerie;
Mais priez Dieu que tous nous vueille absouldre.



Frères humains qui après nous vivez,
N'ayez pas vos cœurs durcis à notre égard,
Car si vous avez pitié de nous, pauvres,
Dieu aura plus tôt miséricorde de vous.
Vous nous voyez attachés ici, cinq, six :
Quant à notre chair, que nous avons trop nourrie,
Elle est depuis longtemps dévorée et pourrie,
Et nous, les os, devenons cendre et poussière.
De notre malheur, que personne ne se moque,
Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre !

Si nous vous appelons frères, vous n'en devez
Avoir dédain, bien que nous ayons été tués
Par justice. Toutefois vous savez
Que tous les hommes n'ont pas l'esprit bien rassis.
Excusez-nous, puisque nous sommes trépassés,
Auprès du fils de la Vierge Marie,
De façon que sa grâce ne soit pas tarie pour nous,
Et qu'il nous préserve de la foudre infernale.
Nous sommes morts, que personne ne nous tourmente,
Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre !

La pluie nous a lessivés et lavés
Et le soleil nous a séchés et noircis ;
Pies, corbeaux nous ont crevé les yeux,
Et arraché la barbe et les sourcils.
Jamais un seul instant nous ne sommes assis ;
De ci de là, selon que le vent tourne,
Il ne cesse de nous ballotter à son gré,
Plus becquetés d'oiseaux que dés à coudre.
Ne soyez donc de notre confrérie,
Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre !

Prince Jésus qui a puissance sur tous,
Fais que l'enfer n'ait sur nous aucun pouvoir :
N'ayons rien à faire ou à solder avec lui.
Hommes, ici pas de plaisanterie,
Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre.


Concernant ce poème faisant appel à la charité chrétienne, il existe une anecdote qui n'est qu'une théorie de plus sur les circonstances de sa genèse, mais qui est des plus plaisantes :
Suite à plusieurs larcins, Villon fut emprisonné plusieurs fois, et même libéré une fois par le roi.
Mais on l'avait à l"œil comme récidiviste. Présent lors d'une rixe à Paris où un notaire pontifical, Maître Ferrebouc, trouve la mort, c'est à lui qu'on fait porter le chapeau (alors qu'il était probablement innocent de ce crime), et il se retrouve emprisonné et condamné au gibet.
Ce serait dans sa geôle qu'il aurait écrit cette ballade et l'aurait faite porter au roi de France (Louis XI, au trône depuis moins de deux ans à l'époque) qui, fin lettré, et touché par l'éloquence du poème, aurait accepté de le grâcier de la potence : il n'écope que d'un bannissement de la ville pendant 10 ans.
À partir de cet événement, on ignore ce qu'est devenu le poète maudit.


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