Mon beau jardin
Dans mon jardin, s'il pleuvait moins
j'y dormirais chaque saison
J'aime sa terre gonflée d'octobre
se laissant caresser, nourrir et couvrir
en récompense des derniers fruits,
de ses fleurs sur le tard et de ses graines espoir.
Courges rondes, radis noirs,
poireaux bleus du ciel d'été,
choux rebondis et laitues chicorées,
capsules des pavots, calices d'onagre et d'ancolie,
étoiles de bourrache, cosmos dentelle, trémières fières,
tournesols boudeurs, grenier pour les mésanges,
Et les soucis calendula, et les géants hélianthèmes,
petits soleils des jours assombris.
Je dis octobre mais septembre,
le paon du jour contait l'amour aux fleurs du lierre, le grimpant né,
les limaces ajouraient les salades
et sous un bout de tôle,
l'orvet de bronze et la musaraigne signaient des arabesques
après leur repas de nuisibles.
Dans l'arbre mort, totem à son heure,
le pic épeiche frappait sa percussion à faire pleuvoir les pommes.
Dans mon jardin, s'il pleuvait moins
je dormirais l'été,
dans le parfum de son bouquet
dahlias, glaïeuls, oeillets, bleuets
coquelicots et mufliers
zinnias, gaillardes, marguerites
rose en rosée, lavande bleue, romarin blanc et sauge grise.
J'y dormirais tout le printemps
pour voir la vie en renaissance
dans les verts tendres et les fleurs
du forsythia aux primevères
et des jonquilles au muguet
pour être tôt, ouvrir les mains,
à la terre, aux outils, à l'humus,
au semoir, au plantoir, et à l'eau de la pluie.
Pour écouter sous le tilleul, le murmure des abeilles,
et voir ses formes imiter les contours de sa feuille en cœur.
Même l'hiver, j'y dormirais
entendre s'y poser la neige, y voir sauter le merle noir
écouter craquer les arbres qui se ressourcent en profondeur,
sourire des outils qui s'usent avec les forces
et tailler le brin de frêne pour emmancher le quatre dents
pendant qu'un rouge gorge chanterait le matin.
Dans mon jardin je me promène,
et dans son livre lis la vie,
les couleurs, les senteurs et les chants de la terre
me bercent le sommeil et m'égayent l'humeur.