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 L'Homme Dual

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filo
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MessageSujet: Re: L'Homme Dual   L'Homme Dual - Page 2 Icon_minitimeLun 24 Sep - 14:06

CHAPITRE VI
Affrontements et lumière

Tant que persistera cette dualité entre ce qui est et ce qui devrait être
-l’homme s’efforçant de devenir quelque chose de différent,
faisant des efforts pour atteindre à “ce qui devrait être”-
ce conflit sera cause d’un gaspillage d’énergie
Tant qu’existe ce conflit entre les opposés, l’homme n’a pas assez d’énergie pour changer.


Krishnamurti - Le vol de l’aigle

-1-


Extrait de L'Homme Dual :

Lorsqu’Ahmed Talib, Québécois d’origine arabe, un client dont j’avais sauvé les placements financiers, me présenta sa fille Ireena, ce fut entre elle et moi le coup de foudre. Je n’avais jamais ressenti réellement de l’amour pour une femme, ni avant Léo ni depuis. Ma vie aventureuse me l’interdisait, en quelque sorte. Mais je sentis alors que rien ne serait plus comme avant. Car Léo en moi ressentait les mêmes émotions, et la part -infime- d’individualité qui me restait de Blake en ressentait une jalousie. Sentiment que Léo percevait aussitôt, bien entendu, puisque nous n’étions qu’un.
Pis encore: le même élan de possessivité s’était déclenché simultanément dans sa propre part intime.
Ce fut une sorte d’étincelle, déclencheur d’une partition dans notre écheveau mental, ce double piédestal supportant une seule âme, croyions-nous. Une lézarde bénigne, mais soudain exponentielle, se transformant vite en fracture et divisant deux moitiés égales.

Loin de nous rendre à chacun notre personnalité d’origine, cette dualité nouvelle, même si elle pouvait ressembler de l’extérieur à une rivalité entre deux frères jaloux, s’avérait en fait être une forme inédite de schizophrénie. De plus chacun savait parfaitement le mal nouveau que ressentait l’autre. Et aucun des deux ne pouvait surprendre ou dominer l’autre par un argument ou une action.

La première fois que je revis Ireena seule, c’était à l’Institut du Monde Arabe à Paris (et lorsque je dis je, il s’agit bien physiquement de Blake). Nous avions discuté, sympathisé, et échangé des points de vue sur l’identité et le métissage, et des difficultés que celui-ci entraîne immanquablement dans les deux communautés d’origine. Elle en avait apparemment plus souffert que moi, dans une société déjà en butte à une dualité franco-américaine. Elle y jouait en quelque sorte le rôle de l’étrangère mulâtre, peut-être musulmane, alors qu’elle était née à Québec dans une famille chrétienne, et lorsqu’elle rendait visite à ses grands parents paternels au Maroc, on l’appelait l’Américaine.
L’étincelle alors n’avait pas encore entraîné la fracture entre mes deux moitiés d’âme. J’étais encore serein à ce sujet, mais j’étais incontestablement séduit, et en train de séduire.

Nous nous revîmes de plus en plus, mais rien ne se passait entre nous. J’avais vaguement évoqué l’existence d’un frère jumeau, mais n’avais pu continuer sur ce terrain glissant. Léo voulait me rejoindre en France, la rejoindre ; mais quelque chose en moi s’y refusait bien entendu. Ce fut là le véritable déclencheur. La crise qui nous déchirait prit le pas sur tout le reste. Nous ne pouvions plus nous permettre de dormir, par exemple, car l’autre risquait alors d’agir avec plus de liberté à ce moment.
Nous étions devenus malades à tous les sens du terme. Nous étions rivaux.

Ireena devait être protégée. Un jour, je lui dis que j’avais une affaire importante à régler, que je partais, et que je l’appellerais à mon retour. Léo était en route.
L’affrontement était devenu inévitable. Nous le savions tous les deux, mais ne pouvions pas échafauder de plans l’un contre l’autre, tant l’empathie qui nous unissait prenait le pas sur notre part respective d’individualité. J’avais quelque part l’avantage, puisque c’était Blake et non Léo qu’Ireena avait rencontré, mais ce n’était en rien un atout contre lui.
Le drame inéluctable survint dès notre rencontre physique.




-2-


Ce grand brun aux yeux clairs lui plaisait incontestablement. Pourquoi fallait-il qu’elle fut toujours séduite par des mecs inaccessibles qui ne faisaient aucun cas d’elle ? Et surtout pourquoi toujours au moment où elle n’était pas libre ?
D’ailleurs avait-elle déjà été libre ? Elle se rendit compte que non. Depuis le premier, son grand amour du lycée Pasquet, jusqu’à l’actuel, le frère de sa patronne, Coralie n’avait jamais eu de répit, de période disponible supérieure à deux semaines entre ses relations.
Bon, évidemment, elle en avait eu seulement trois. Lion était le quatrième.
Ce qui lui plaisait en lui, c’est qu’il était un homme, un vrai. Avec la maturité, l’expérience et l’assurance qu’elle n’avait pas trouvées chez les garçons de son âge. Avec lui, elle se sentait plus adulte et en totale sécurité. De plus, la clandestinité qu’ils entretenaient (même envers Ambre) restait sans aucun doute très excitante, même si ce n’était pas toujours facile.

Il lui avait dit qu’il l’aimait. Etre aimé d’un homme qui a déjà tant vécu était pour elle un honneur, un privilège, même si elle ne pouvait pas s’empêcher de penser que sa jeunesse devait être une aubaine pour lui. Mais des filles, il pouvait en avoir facilement, même de son âge ; elle savait que ça lui serait facile s’il le voulait. Pourtant il l’avait choisie elle, et il l’aimait, la couvrait de cadeaux, et lui faisait l’amour avec une fougue qu’elle n’avait jamais connue, ni même supposée avant.

Alors pourquoi n’arrivait-elle pas à y croire vraiment ? Pourquoi avait-elle l’impression que quelque chose clochait ? Pourquoi ne se sentait-elle pas vraiment, profondément amoureuse ?
Et comment pouvait-elle craquer si facilement sur ce grand parisien, Hugo Bertie, qui pourtant ne savait que l’assaillir de questions sur les Kamel ?

C’est vrai qu’elle n’avait jamais vu le frère et la sœur en même temps. Et c’est vrai qu’en y réfléchissant bien, ils étaient bizarres. C’était Ambre la patronne, mais c’était Lion qui semblait tout régir. Il n’ignorait rien de ce qui se passait en son absence, et lorsqu’il venait retrouver Coralie, Ambre s’effaçait avant, comme si tout était arrangé.

Quelque chose lui disait que le journaliste risquait de déplaire à Lion. Et Coralie savait parfaitement qu’il n’était pas bon de déplaire à Lion.
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MessageSujet: Re: L'Homme Dual   L'Homme Dual - Page 2 Icon_minitimeLun 24 Sep - 14:06

-3-

Hugo déboucha dans le Val d’Enfer à toute vitesse et dut même ralentir dans la descente ; il n’avait pas envie de se planter si près du but en endommageant en plus une voiture de location.
Le ciel de plomb semblait présager une mauvaise fortune, mais il se dit que le ciel était le même pour Lion Kamel, et que la situation était beaucoup plus embarrassante pour lui.
Parce que si j’échoue à le confondre, s’il m’arrive quoi que ce soit, la lettre que j’ai laissée sur ma table de nuit ira tôt ou tard à la police.

La 205 était à sa place, au bout du chemin qu’Hugo remonta en troisième. Il freina au dernier moment et immobilisa la R19 juste derrière la voiture noire qui se retrouva ainsi coincée.
Comme à Maussane, il n’avait rien prévu, aucun discours préparé, aucun plan. Sa colère suffisait.
Il sonna comme un forcené et aussitôt Ambre parut sur le seuil, en robe noire, gilet noir et cheveux en chignon.

“Encore vous ? cria-t-elle, mais que voulez-vous, à la fin ? Vous ne pouvez pas nous laisser tranquilles ? Je vous ai dit que mon frère n’est pas là en ce moment.
- Vous savez très bien pourquoi je suis ici. Laissez-moi entrer et dites à Lion que je veux lui parler, je sais qu'il est là.
- Il n’est pas ... visible, pour le moment. Partez!
- Ouvrez cette grille, je n’en ai pas après vous, je veux seulement parler à votre frère. S’il est au petit coin, j’attendrai qu’il en sorte!
- Je vous croyais plus subtil que ça, Hugo. Je vous ai averti de ne pas vous mêler de nos affaires, et vous allez trop loin... Mais que faites-vous ? Arrêtez!

Hugo escaladait la grille, il enjamba les pointes avec aisance, puis sauta à l’intérieur de la propriété.
- Prévenez la police! dit-il en souriant, je n’attends que ça!
- Vous êtes cinglé, mon frère va vous faire regretter ...
- Oui, votre frère, votre frère, le redoutable El Assad, le redresseur de torts, il va s’occuper de moi comme il s’est occupé de mon père, et de mon ami Eddy, n’est-ce pas ?

Elle eut un regard terrible, contenu et silencieux, empoigna une grande pelle qui était appuyée sur les marches du perron, et la brandit à deux mains.
- Je ne veux pas me battre avec vous, dit Hugo, appelez Lion qu’on s’explique.
Ambre proféra des insultes en arabe, tout en fouettant de sa pelle l’air devant Hugo.

Son regard changea.
- Allez-vous-en, pendant qu’il en est encore temps!
Hugo profita de ce changement (de cette absence ?) pour attraper aussi la pelle, et ils se la disputèrent.
- Qu’avez-vous fait d’Eddy ? Répondez! Il n’est pour rien dans cette histoire. Il est inoffensif, il est seulement fondu d’amour pour vous, comme mon père l’était, d’ailleurs, non? C’est donc si dangereux de vous aimer ?"
Le regard d’Ambre passait d’une colère bestiale à une détresse désespérée, et semblait alterner les deux selon les paroles d’Hugo, et selon les mouvements de leur empoignade. Lorsque la colère l’emportait, sa force était considérable.

Et puis soudain, contre toute attente, elle s’écroula. Une perte de connaissance si subite qu’Hugo crut d’abord l’avoir assommée sans s’en rendre compte. Il tenait encore la pelle à deux mains, Ambre à ses pieds, lorsqu’une cavalcade bruyante se fit entendre depuis les escaliers de la maison. La pluie commença à tomber au moment exact où Lion surgit - oui comme un fauve - de la maison, et hurla du haut du perron “Touche pas à ma sœur, rapace fouille-merde!”

Sous son T-shirt saillait une musculature inattendue, Hugo pouvait voir de nombreuses cicatrices sur ses bras noirs de poils. Une seule mèche de ses cheveux était déplacée et tombait sur ses sourcils noirs très fournis.
Et là, un regard haineux, un regard de fou.

“Alors, Hugo Bertie, ne t’es-tu pas trompé de quête ? dit-il dans un rictus. Puis il descendit les cinq marches du perron. Tu voulais me voir, tu me vois. Accouche, maintenant.
- Qu’avez-vous fait d’Eddy ?
- Eddy ? - il regardait à droite et gauche, tout en s'approchant d’un pas tranquille - Eddy qui ?
- Ne faites pas le malin, vous savez tr...
- Nr’d’n’Mok! Me traite pas de malin, petit con! C’est toi qui fais ton malin, là. Pour qui tu te prends ? Tu crois que j’ai pas compris ton petit jeu ? Tu t’es introduit chez moi, tu as harcelé Combas, puis Coralie à la boutique, puis ma sœur, et tu oses encore me dire que je fais le malin ?
- OK. Alors qu’avez-vous fait de mon père ?
- Ton père est mort, tu le sais déjà.
- C’est vous qui l’avez tué!
- Hé non, c’est pas moi, m’accuse pas comme ça, petit con!”
Il avança encore.

La pluie tombait drue à présent. Lion fonçait maintenant sur Hugo, qui se sentit un peu dépassé par les événements. Sa colère ne le portait plus assez. Il avait longtemps pratiqué la boxe chinoise, le wu-shu, ce qui lui avait toujours permis de se sentir en confiance en toute circonstance, mais ce type-là n’était pas juste une circonstance. Par pur réflexe de défense, il avança brusquement la pelle qu’il tenait toujours à deux mains, du bas vers le haut ; elle atteignit Lion au menton, d’un uppercut spectaculaire et sonore qui le mit au tapis aussitôt.

Hugo en tremblait encore, les yeux humides (mais il pleuvait), lorsqu’il jeta la pelle dans l’herbe. Il reçut alors de derrière un coup de poing à la tempe droite. Ambre avait pris le relais: elle avait donc repris très vite conscience. Il évita de justesse un coup de pied qui l’aurait atteint à la tête. Elle criait en arabe tout en abattant ses coups.
S’ensuivit une bagarre à bras le corps. Ils roulèrent dans l’herbe en se tapant tant bien que mal. Hugo essayait surtout d’éviter les coups et d’immobiliser la furie, plutôt que de l’assommer. Mais sa force était incroyable.
“Arrêtez! cria-t-il, mais arrêtez, Ambre, c’est ... (Coup de genoux entre les jambes) Ah!... vous l’aurez voulu! Il la plaqua à plat ventre par terre et lui fit une clef de bras, assortie d’un étranglement.
Et là, vous vous calmez, oui ? hurla-t-il, ça suffit maintenant!”

D’un seul coup, elle n’opposa plus aucune résistance, et redevint flasque. Hugo comprit juste à temps : il se retourna et vit Lion en train de bondir droit sur lui. Il plongea sur le côté sans réfléchir, fit une roulade et se retrouva debout, l’autre en fit autant aussitôt.
“Ton copain et toi allez payer votre curiosité!”

Le moment n’était plus à la parole ni à la réflexion ; pourtant, il eut le temps d’en déduire qu’Eddy était encore en vie, et de comprendre comment “fonctionnaient” Lion et Ambre, et pourquoi on ne les voyait jamais ensemble.
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MessageSujet: Re: L'Homme Dual   L'Homme Dual - Page 2 Icon_minitimeLun 24 Sep - 14:07

-4-

Eddy avait dû se résoudre à dormir dans cette cave humide. Le vieux n’avait pas bougé de la nuit ni de la matinée.
Incroyable! il ne se réveille pas... personne ne s’occupe de lui... il n’est pas nourri, ne va pas aux toilettes ? Pourtant il se porte plutôt bien.
Il n’avait pas même bronché lorsqu’Eddy l’avait soulevé et transporté tant bien que mal sur le lit de camp pour démonter le canapé-lit.
En effet, dans l’armature, il avait remarqué une barre de fer, et après de longs efforts, armé seulement du tournevis et d’un bout de lame de scie à métaux, sa plus belle trouvaille, il était venu à bout des rivets qui la fixaient au reste. Le tout à la lumière des bougies. Grâce à cette barre qu’il enfila dans un maillon de la chaîne, il allait peut-être venir à bout de cette porte, après une séance de sciage.

L’après-midi était déjà bien avancée lorsqu’il réussit à traverser une extrémité du maillon. Sa main droite était dans un piteux état. Il fallait à présent écarteler le maillon à l’aide de la barre de fer. A ce moment, il entendit un gémissement derrière lui. Il se retourna et vit le vieux frissonner, et esquisser un geste en avant, et ce fut tout. Retour à l’inconscience.
Eddy s’approcha prudemment. “Monsieur Kamel!... Monsieur Kamel ?” Aucune réaction. En revanche, des bruits résonnaient à présent au dessus, quelqu’un courait.
Derrière le bruit de la pluie qui commençait à battre le vasistas, il entendit des cris, trop lointains pour les identifier. Dehors, il se passait quelque chose.

“Monsieur Kamel! (il le secoua) Monsieur Kamel, réveillez-vous.”
C’était inutile. Il le lâcha et retourna à sa chaîne ; il n’en avait plus pour longtemps.
Il tira sur la barre, mais le maillon n’était pas fixe, il lui fit faire un tour, puis un autre, ce qui cala le tout. De toutes ses forces, il pesait à présent sur la barre, qui commençait à se tordre un peu, mais le maillon s’écartait... Encore un peu, encore un peu...
Le maillon ne cassa pas mais finit par s’ouvrir suffisamment pour libérer son voisin, ce qui rompit la chaîne.

Ouais! Bravo Eddy! T’es le meilleur!
Il n’avait pas encore ouvert la porte quand l’écrivain recommença à s’agiter. Il émit même un cri: “Ah! Non!”, puis un spasme, et à nouveau plus rien. Eddy tenta encore le coup: “Monsieur Kamel, vous êtes libre! Venez, on va sortir de là! Monsieur Kamel!” Ses yeux papillotaient, et son corps n’était plus complètement inerte. Eddy lui tapota les joues. “Monsieur Kamel! vous m’entendez ?
Il répondit par des mots presque inaudibles en arabe. Ses yeux s’entrouvraient mais ne voyaient rien.
Réveillez-vous, tout va bien!
- Aah, laisse-la.... non!
- Monsieur Kamel?”
A nouveau inerte. Eddy pensa aux sept savants de Tintin et les sept boules de cristal, qui faisaient exactement pareil à certaines heures de la journée, à cause d’un sort que le roi des incas leur avait jeté via des statuettes à leur image.
Pour l’heure, il devait sortir d’ici, avec ou sans ce malheureux.

Il revint à la porte, l’ouvrit sans problème, la laissa grande ouverte et examina l’autre côté. Un petit couloir sur la gauche menait à un escalier. Il prit une bougie, sortit et gravit l’escalier.
Un rai de lumière, une porte qu’il ouvrit prudemment. Une grande cuisine impeccablement rangée lui faisait face, par la fenêtre de laquelle il voyait la pluie tomber dehors. Au loin, on distinguait la “tête de loup” qui n’en était pas vraiment une sous cet angle. Des bruits venaient de l’extérieur, à sa gauche. Il se trouvait sous les marches d’un escalier à travers lequel il pouvait voir la porte d’entrée de la maison, au fond du hall. Elle était grande ouverte, il s’y précipita, et une fois sur le perron, vit les deux hommes se battre sous la pluie.

Il ne les reconnut pas tout de suite. Il s’avança, descendit les marches et vit Ambre, allongée sur le ventre dans l’herbe, inconsciente. Le bas de sa robe était déchirée, une grosse pelle gisait à côté. Il s’avança doucement, à l’insu de Lion qui venait de mettre un méchant coup de poing à Hugo, lequel s’écroula par terre.
Hugo était venu le sauver! (du moins essayer!) Il ramassa la pelle et fonça droit sur le boute-en-train qui eut à peine le temps de se retourner avant de se prendre un coup monumental de pelle sur l’oreille. Son regard dément eut soudain une absence, et il s’écroula sur les jambes d’Hugo, qui eut un cri de douleur.

Eddy eut l’impression fugace d’y être allé trop fort, mais son acte de bravoure l’avait remonté.
“Hugo! Sacré vieux! Tu es venu! T’as vu un peu ? Mais dis-donc t’es salement amoché...
- Attention à Ambre!
Eddy se retourna, vers elle, la femme en noir qui l’avait tellement fait fantasmer... et qui l’avait frappé par derrière la veille. Mais elle était toujours inconsciente par terre.
- Non, rien à craindre. C’est toi qui l’a assommée ?
- Ouais, enfin non. Hugo se releva en titubant. C’est bizarre, jusqu’ici, chaque fois que j’en sonnais un des deux, l’autre se relevait et ne me laissait pas de répit. Et là, il sont tous les deux out. J’ai du mal à comprendre. Bon, toi ça va ?
- Je viens de m’évader de la cave. A temps, on dirait. Au fait, ils sont bien deux personnes, finalement...
- Oui, mais quand je t’expliquerai ce que je crois, tu verras que c’est encore plus incroyable. Pour le moment, allons vite les attacher. Attends, je vais traîner Lion à l’intérieur, toi suis-moi avec la pelle au cas où il se réveillerait avant que j’ai fini.

Après l’avoir rentré, ils installèrent Lion sur une chaise de la cuisine dont ils allumèrent le néon central, et se mirent à chercher de quoi l’immobiliser.
- Hugo, regarde son oreille, j’espère que je l’ai pas tué!
- Oui, ça saigne, tu n’y as pas été de main morte... Bon, il est vivant, mais il ne va plus nous prendre la tête pour le moment. Surveille-le quand même, je vais chercher sa sœur, elle est toujours sous la pluie.
- Fais gaffe.”

Hugo sortit, et Eddy n’était pas du tout rassuré. Il se demandait s’il aurait encore le courage de frapper Lion s’il reprenait connaissance. Puis il entendit des pas venant de la cave: le vieux avait enfin émergé! Sa démarche était lente et saccadé, il devait être tout ankylosé, forcément!
La porte s’ouvrit d’en dessous les escaliers et Selim Kamel apparut, ébloui par la lumière, la barre de fer dans les mains. Il avait visiblement du mal à se déplacer, mais avançait toutefois vers Eddy, d’un air menaçant.
- Sale fouineurs, fouille-merde, vous êtes morts tous les deux.
- Monsieur Kamel ? Mais...
- Je vais... han... t’éclater... la tête... aah!”

Il leva la barre vers Eddy, mais mollement, puis tomba à genoux puis à quatre pattes. Hugo surgit à ce moment, portant Ambre toujours inconsciente. “Attention, Eddy, cria-t-il en s’avançant, c’est lui qui a pris le relais!”
Selim resta par terre à genoux et semblait souffrir. La barre tomba sur le carrelage en rebondissant bruyamment. Il cria encore, eut un spasme, et se tut.
Ambre ouvrit les yeux et dit doucement à Hugo: “Tu peux me lâcher maintenant, tout va bien.”

Selim Kamel releva doucement la tête, face à Eddy qui brandissait la pelle et à Hugo soutenant Ambre. Hugo reconnut le regard de Lémak, celui du gribouillis. Il comprit tout, une seconde avant de l’entendre parler.
“Messieurs, notre frère Lion vient de mourir.
Ambre, fermant les yeux, murmura: Nous sommes libres.”
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MessageSujet: Re: L'Homme Dual   L'Homme Dual - Page 2 Icon_minitimeLun 24 Sep - 14:07

-5-


Hugo, Eddy, Selim et Ambre, épuisés, bouleversés par les événements, s’étaient tous assis dans le salon, laissant le corps de Lion dans la cuisine.
Ce fut Hugo qui rompit le silence:
“Je crois que vous nous devez bien des explications.
Ambre se tourna vers son frère. Selim releva la tête, les yeux plein de larmes. Il avait l’air diminué, beaucoup plus vieux que le jour des dédicaces.
- Ce n’est pas facile, je ne sais pas si vous allez croire, ou au moins comprendre...
- Commencez par mon père, dit Hugo.
Selim regarda Ambre.
- Ton père et moi avons été amants quand nous étions jeunes, dit-elle, c’était en 63, un an après la fin de la guerre d’Algérie qui avait tué nos parents. Il était venu prendre des photos du Val d’Enfer, puis de Selim qui lui avait ensuite offert l’hospitalité pour quelques jours. Ils passaient leur temps à refaire le monde comme de vieux amis, et dès le deuxième jour, nous nous retrouvions chaque nuit. En secret, car mes frères ne l’auraient jamais admis, surtout Lion. Lui, je crois qu’il l’a détesté tout de suite, comme tous les garçons qui m’approchaient. Alain est reparti au bout de dix jours avec en poche un manuscrit de Selim, un essai sur les Harkis, qu’il a fait publier grâce à ses connaissances à Paris. C’est donc grâce à lui que Selim a commencé sa carrière, notamment comme chroniqueur à l’Aurore.
Puis nous avons correspondu, mais plus tard. J’ai reçu des lettres du monde entier pendant quelques années, de plus en plus espacées.
Les dernières nouvelles que nous avons reçues accompagnaient le livre dédicacé qui retraçait ses voyages.

“Lion passait son temps à Marseille pour son travail - sécurité rapprochée d’hommes influents de la communauté musulmane - et rentrait le week-end. Je détestais ces week-ends.
C’est lui qui nous faisait vivre, et il nous soumettait à sa loi. Si nous avions le malheur de nous en écarter ou ne serait-ce que de parler mal de lui en son absence, il le savait, il le sentait. Il lisait en nous comme dans un livre. Il a toujours eu cette espèce de don.
Au début des années 80, il a arrêté complètement ses activités à Marseille ; il était recherché. Nous sommes retournés trois mois en Algérie, et là-bas, nous avions des séances “mystiques” autour de narguilés, avec des gens qui me faisaient peur.
C’est à partir de là que son emprise sur nous deux a commencé vraiment...
- Oui, intervint Selim, je ne sais pas ce qu’il a fait exactement, mais nous étions faibles et lui était très fort. Sa personnalité nous dominait nettement, et peu à peu son esprit lui-même s’est immiscé en nous.
- Vous voulez dire comme dans votre roman ? dit Eddy.
- Il y a de ça, mais pas exactement. Au début, c’était à peine perceptible, comme une sorte de télépathie sans pensées formulées, par un regard ou un geste, il nous imposait sa pensée. Puis ça a empiré, peu à peu il nous possédait, surtout dans notre sommeil. Au bout de quelques années, nous étions nous-même seulement lorsqu’il le décidait.
- Incroyable! C’est de la science-fiction!
- Hélas non. Depuis presque dix ans, il se sert de nous totalement ; lorsqu’il décide d’entrer dans l’un de nous, il s’endort et laisse le troisième en partie libre, c’est dans ces rares moments que je peux écrire, ou Ambre s’occuper du salon.
- Mais, intervint Hugo, comment se fait-il que celui de vous deux qui est libre ne lui règle pas son compte lorsqu’il dort?
- Nous ne sommes jamais libres complètement, (il montra l’arrière de son crâne) il est toujours là derrière à l’affût. C’était le cas il y a dix jours à Paris lorsque nous nous sommes rencontrés, et que j’ai réussi à laisser des indices sur le livre. Je l’ai chèrement payé par la suite, puisque depuis, il m’a mis en stand-by. C’est comme un coma.
- Comme mon père vous décrit dans son journal, pendant la guerre du Golfe...
- Oui.
- Que faisiez-vous là-bas ? Et pour mon père...
- Il m’avait emmené comme corps de rechange en quelque sorte, au cas où il se ferait descendre. Lorsqu’Alain est intervenu, la fuite était imminente, et en juillet nous étions déjà de retour ici. Sa rancœur vis-à-vis de ses ennemis s’est focalisée alors sur Alain, qu’il a voulu utiliser, par l’intermédiaire d’Ambre.
Il se tourna vers sa sœur.
- Non, je ne peux pas parler de ça, dit-elle dans un sanglot.
- Ecoutez, dit Hugo, j’ai besoin de savoir, vous comprenez ? Mon père est mort... (ils aquiescèrent en silence) OK, mais je dois savoir comment ; Lion m’a dit tout-à-l’heure que ce n’est pas lui qui l’a tué.
Ambre se jeta dans les bras de Selim en pleurant.
- Je ne peux pas! Dis-lui, toi.

Eddy et Hugo se regardèrent en silence. Ils étaient couvert de bleus et de plaies, trempés, sales, assis sur le canapé du salon. Avec en face d’eux ce tragique duo et leur histoire que personne ne pourrait croire, et un cadavre assis sur sa chaise à côté dans la cuisine.
Dehors, la pluie s'abattait sans relâche. L’irréalité de la situation était à son comble. Le suspense et l’impatience d’Hugo également.

Selim reprit:
- Disons qu’il se servait aussi d’Ambre parfois pour... s’amuser à être une femme, et... à assouvir certains fantasmes. Cette fois, ce fut pour séduire Alain et le tuer.
Ton père était très affaibli par son emprisonnement, et malgré la résistance d’Ambre, Lion a réussi, à travers elle, à le poignarder en plein orgasme.
- Oh non, souffla Hugo le visage dans ses mains.
- J’ai résisté, dit Ambre les yeux fermés, Dieu sait si j’ai résisté, mais je n’ai pas pu l’empêcher. Ton père était le seul homme que j’ai aimé, et Lion ne pouvait que le savoir puisqu’il avait accès à tous mes sentiments. Il nous a punis tous les deux d’un coup.

Hugo ne bougeait plus, derrière ses mains. Eddy lui toucha l’épaule.
- Ca va aller, mec ? (puis à Selim:)
Je ne voudrais pas abuser, mais un truc me semble bizarre: vous avez dit que Lion a emporté votre corps dans une caisse au Proche-Orient au cas où il se ferait tuer. Alors comment se fait-il qu’aujourd’hui quand il a expiré, vous avez été libérés ? Si ce que vous avez dit avait été possible là-bas, pourquoi ne serait-il pas dans l’un de vous en ce moment ?
- Oui, dit Hugo en relevant son visage couvert de larmes, je me le demande aussi ; ou bien serait-ce comme à la fin de votre livre ?
- Ne faites pas ces têtes suspicieuses, dit l’écrivain avec un triste sourire, je comprends que vous vous posiez la question, mais rassurez-vous: Lion est bel et bien mort corps et âme. En ce qui nous concerne, nous sommes libres de son emprise, et si ce n’était pas le cas, il serait incapable de rester là à discuter, surtout avec vous, de plus sans avoir essayé avant de sauver son corps. Non, ce n’était qu'une supposition de sa part, une sécurité au cas où cela marcherait.
Quant à l’épilogue de mon livre, c’est juste ce que je crois, c’est ma foi personnelle qui entre en compte ; mais malgré ce que prétendent certaines écritures et les gens qui les prennent comme références, je suis convaincu que personne ne peut savoir avec certitude ce qui arrive à notre esprit après le trépas, pas même Lion. Ce n’est pas une affaire de certitude, mais de foi.
- Qu’allez-vous faire maintenant ?
- Enterrer notre frère, et... revivre, dit Ambre en regardant Selim.
- Oui, revivre... et vous accorder votre fichue interview, je vous dois bien ça.”
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MessageSujet: Re: L'Homme Dual   L'Homme Dual - Page 2 Icon_minitimeLun 24 Sep - 14:08

-EPILOGUE-


Ils avaient rendez-vous à la Halle St Pierre. Hugo était un habitué du bar où il venait régulièrement lire devant un thé au jasmin. Sur les murs tout autour de lui, on accrochait les calligraphies de H. Massoudy à qui la prochaine exposition était consacrée.
Eddy était en retard, mais Hugo n’en était pas étonné. Ce devait être la première fois qu’il venait à Paris, et bien des choses devaient le ralentir.

De sa table, Hugo pouvait voir plusieurs exemplaires de L’Homme Dual sur les présentoirs de la librairie, à l’autre coin du hall. Le texte de la bande rouge avait changé puisqu’il avait bel et bien été primé.
Le prix littéraire avait propulsé Miles Lémak au devant de la scène médiatique et - était-ce le fait d’être libéré de l’emprise de son frère - il semblait y prendre goût. L’écrivain réservé et secret avait laissé place à un homme public parfaitement à l’aise dans les interviews, qu’il accumulait depuis trois mois.

Hugo et Eddy ne s’étaient pas vus depuis le réveillon du nouvel an qu’ils avaient passé ensemble à Baumanière. Selim et Ambre n’avaient pas pu être présents car ils étaient alors partis en Algérie.
Début janvier, en rentrant à Paris, Hugo avait reçu d’Ambre un superbe portrait de Selim, dans un style touffu, hachuré au crayon. Il avait été touché par l’attention, et il avait décidé de garder le dessin plutôt que de le porter au magazine, où il eût pourtant été bienvenu.

Eddy arriva enfin. Il avait laissé pousser ses cheveux encore plus longs, ce qui accentuait son aspect androgyne. Il avait l’air en pleine forme, et n’arrêta pas de plaisanter tout au long de l’heure qui suivit. Ils parlèrent de leur aventure aux Baux, du succès de Selim, puis de leur travail respectif. Eddy voulait absolument voir où vivait Hugo, et jeter enfin un coup d’œil à ses photos.

Hugo n’habitait pas loin, en haut d’un vieil immeuble sis rue des Trois Frères.
Eddy ne manqua pas de lui faire une remarque sur cette adresse.

La première chose qu’il vit en entrant fut le portrait de Selim accroché au mur.
“C’est un dessin d’Ambre, non ?
- Oui, elle me l’a envoyé après les fêtes.
- Cool, moi aussi j’en ai reçu un : celui que j’avais vu le premier jour par la fenêtre, tu sais, comme la couverture de L’Homme Dual, avec les deux types dans l’autre sens, mais elle a augmenté le dessin.
- Augmenté ?
- Oui, au dessus de la double tête, elle a ajouté un super aigle, la tête vers le haut, crachant des flammes et avec des ailes de feu. Il est magnifique.
- Un phénix, tu veux dire.
- Peut-être bien, j’y connais pas grand chose.
- Le phénix, c’est un symbole égyptien de l’immortalité, un oiseau qui renaît après sa mort.
- Elle a donc représenté la renaissance de sa nouvelle vie.
- Sûrement... Quoique, le fait qu’un phénix s’élève d’un double portrait d’homme ne correspond pas vraiment à son cas personnel.
- Mais si, justement. En tous cas, je l’ai vue début janvier, je l’ai remerciée, mais je ne lui ai pas posé la question.
Au fait, j’oubliais: ce jour-là, elle m’a chargé de te donner un truc.”

Eddy fouilla dans son sac besace et en tira un minuscule paquet emballé de papier kraft, de la taille d’une boîte de pellicule photo.
Hugo défit l’emballage et ouvrit la petite boîte en carton qui ne contenait qu’une gomme blanche, neuve.
Ils se regardèrent, ébahis.
“Heu... il faut comprendre quelque chose ? dit Hugo en pouffant.
- Elle ne m’a rien dit de plus, je t’assure. Elle avait l’air très pressé.”

Hugo inspecta la boîte en fronçant les sourcils, rien n’y était inscrit. Eddy, manifestement pris d’un fou-rire, s’y abandonna franchement lorsqu’il vit Hugo examiner le papier kraft en transparence à la lumière de la fenêtre.
“Arrête! Tu vas me faire mourir de rire!
Mais Hugo ne riait pas. Il se tenait planté là, dos à la fenêtre, face à Eddy.
- Tu n’as pas remarqué un truc bizarre dans ce dessin, dit-il en fixant un point derrière Eddy, qui en essuyant ses larmes se tourna vers le portrait de Selim. Tous les dessins d’Ambre sont à l’encre de chine noire. Tous, sauf celui-ci qui est tracé au crayon à papier. Et elle m’envoie une gomme.

Hugo alla décrocher le portrait avec détermination, armé de la gomme.
- Non, attends, tu vas pas effacer ce dessin ?
- Si. C’est évident.
Il se mit à gommer énergiquement.
- Mais arrête! Essaye au moins dans un coin... Alors, si elle t’avait envoyé des allumettes, tu l’aurais brûlé, c’est ça ?
- Tais-toi et regarde!”
A la place des épaisses hachures crayonnées apparaissait à présent un autre portrait au trait simple exécuté de toute évidence à l’encre diluée:
“Lion!” s’écrièrent-ils en chœur.

Ils se regardèrent en silence.
“Tu crois que ça veut dire qu’on s’est fait avoir ? dit Eddy.
Hugo aquiesça lentement de la tête.
- J’en ai bien peur.
- On n’en est pas sûr... Je veux dire... on n’a aucune preuve...
- Justement. Il le sait très bien. Et puis qu’est-ce que ça changerait ? Il sait aussi que personne ne nous croirait.
- Donc Miles Lémak...
- ... a bien changé ces derniers temps... Soudain plus orateur qu’écrivain. Mais il était inconnu avant ; qui pourrait voir à présent la différence, à part justement sa sœur ?
- Mais alors, mon dessin...
- Oui, le phénix ne meurt pas, il renaît de ses cendres.”








EPILOGUE DE L’HOMME DUAL


Ireena Talib avait été l’élément pertubateur de l’osmose sans précédent qui unissait les deux parts de mon être, et avait par là-même déchiré mon je en nous. Mais elle fut surtout à l’origine d’une grande révélation.
Jamais elle ne le sut, jamais elle n’apprit comment Léo est mort un matin de printemps, lors d’un duel à l’ancienne manière, sans témoin. C’était la première fois que nous utilisions une arme à feu. La sienne était défectueuse, la mienne non. Et si cet élément extérieur et aléatoire n’était pas intervenu, nous serions morts tous les deux.

Mais Léo n’est pas mort.
Physiquement oui, c’est évident, j’ai vécu et partagé ses derniers instants ; j’ai trépassé moi-même en simultané. J’ai connu les affres de la souffrance, très brève, et du désespoir, j’ai ressenti l’élévation, le bilan d’une vie en une seconde, puis le détachement, le laisser-aller, comme celui de l’enfant bercé par sa mère qui s’abandonne au sommeil car il est alors en sécurité, rien d’extérieur ne pouvant plus l’atteindre ; puis le pardon, et enfin la félicité. Cet état hors de l’état, ce stade hors du temps, cette conscience sans limite de l’univers, où tout s’éclaire, tout se rejoint, où tout et chacun est important, du grain de sable à l’étoile, de l’amibe à l’homme.
J’ai eu le privilège de comprendre enfin où était l’essentiel, d'appréhender in situ le Grand Dessein : tout est là, ici et maintenant ; tout ce qui a été, ce qui sera, tout ce qui est et tout ce qui n’est pas. J’ai compris que le rien n’existe pas, car il fait partie du tout ; j’ai compris à quel point la vie est précieuse, et l’Amour est son moteur.

Léo n’est donc pas vraiment mort, il est toujours là, en moi, et partout. Dans chaque grain de sable, dans chaque étoile. Notre âme est toujours commune, plus encore qu’avant, car elle est à présent consciente de notre rôle.
Malgré la violence et le gâchis physique de notre séparation, la mort anticipé de l’un de nos deux symbiotes était nécessaire à cette prise de conscience qui est libération pour chacun de nous deux.

Cette révélation eût été la même pour lui si j’avais eu l’arme défectueuse.
Il en va de même pour les lignes que je viens de tracer: ce serait les mêmes, au mot près.





FIN




. filo



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MessageSujet: Re: L'Homme Dual   L'Homme Dual - Page 2 Icon_minitimeLun 24 Sep - 14:47

Héhé, j'ai de l'avance sur les autres, puisque j'ai déjà lu le roman, deux fois même.
Ma réflexion est la suivante, tu la connais déjà : tu as écris un excellent, un passionnant roman. Mais la fin est un peu déconcertante. Tout ton récit est ancré dans la réalité, il met en valeur la psychologie des personnages avec beaucoup de finesse et parvient à jouer sur nos nerfs avec cette progression si habile. Et puis la fin bascule, pas franchement dans du fantastique, mais dans de l'irréel , de l'imaginaire pur. C'est une peu étrange par rapport à l'ensemble de l'histoire, et je comprends qu'on puisse y voir une rupture.
Cela rend ton roman inclassable, et tant d'esprits chagrins aiment classer dans des petites cases...
A la deuxième lecture, je me suis plus laisser aller, sans à-priori ni attente d'aucune sorte. Du coup, la fin m'a paru presque logique. Et j'ai encore plus aimé.
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MessageSujet: Re: L'Homme Dual   L'Homme Dual - Page 2 Icon_minitimeVen 23 Nov - 15:42

Je ne t'avais pas remercié pour ce commentaire et son objectivité, qui correspond exactement au constat qu'en a fait l'éditorialiste d'Actes Sud.
Comme je l'ai déjà expliqué ailleurs, si je changeais la fin, ils acceptaient de me publier, mais j'ai refusé. Car mon récit est tel quel et pas autrement.

Je ne publie pas ici La Juste Parole car je vais participer avec à un concours qui interdit toute publication, même sur le net...
Il va donc falloir, dans le courant 2008, que je le supprime des autres support, y compris de mon site A.C.T.E.S.
Si je ne suis pas lauréat, La Juste Parole sera lisible ici dans un an. Et j'espère, mon troisième roman, qui est en préparation.

Merci Constante.
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