Feuille blanche
Encre noire
Écriture franche
Dans la nuit noire
Qui sera blanche
Sorte de grimoire
Sur les noires branches
Du désespoir.
La lune est là
Qui me prend de haut
Avec sa face triste et bouffie
De vieux clown blanc
Rictus figé en coin
Loupiote qui se veut soleil
Ne brillant que grâce aux ténèbres
Antique veilleuse au terne éclat
Des romances désuètes aux vers éculés
Vieille dame au teint fatigué et morbide
Des choses qui ont trop vécu
Allant de déclins en déclins
Vers les abysses de la décrépitude !
Tout n'est qu'illusion
Tout n'est que leurre
Tout est factice, éphémère et trompeur
Comme cette vie aux promesses infinies
Faites aux crédules à la foi tenace
S'accrochant,espérant en de meilleurs lendemains
Et qui s'aperçoivent un peu trop tard
Aux abords même du tombeau
Que leurs vies si longues
Aux souffrances élastiques
N'accouchera en tout et pour tout
Que d'une crotte inerte
Que l'on enfouira sous terre
Pour ne jamais plus la voir
A la manière des chats
Qui enfouissent leurs souillures
Telles des dépouilles mortelles
Pour s'en laver les mains
Une fois pour toutes.
Les hommes naissent
Larves molles et sans consistance
Aux bouches voraces de sangsues
Fragiles comme des vers
Qu'on pourrait écraser par inadvertance
Et s'ils en réchappent, se mettant à plat ventre
Comme de vulgaires varans
Reptiles à pattes et à bras
Pour ramper vers le monde
Posture très commode
inspirant tant la pitié
Que quelques uns garderont leur vie durant.
Les autres se mettront à quatre pattes
Pour aller plus vite et plus loin
Mais pourquoi aller plus vite ???
Et pourquoi aller plus loin ???
On n'ira jamais plus vite que la lumière!
Ni jamais plus loin que la tombe !!!
A quatre pattes on ne vous refuse rien
C'est comme cela qu'on déclare sa flamme
à sa dulcinée prise de court
Ne sachant que faire : en pleurer ou en rire ?
Elle versera deux larmes émues
Comme une aumône salutaire
Offerte au déclarant
lui restituant un peu de sa dignité perdue
En une si comique posture.
D'autres feront leur demande de mariage
A leurs futures épousées
A quatre pattes comme des chiots
Pour s'assurer qu 'elles ne diront pas non
Les femmes ne peuvent rien refuser aux chiots
Des hommes l'ont compris
Qui passeront toute leur vie à quatre pattes
Devant leurs femmes, leurs patrons, l'autorité,
Et même devant le bon dieu en désespoir de cause
Ils ne se relèveront jamais et mourront ainsi
« On ne change pas une posture qui gagne ! ».
Les autres quitteront cette position
Qui fait si mal aux genoux
Pour se mettre debout et marcher
Homo Sapiens dans toute sa splendeur
« Je marche donc je suis. »
On se redresse pour bien se distinguer du singe
Les malchanceux, bien que debout et bien redressés
Resteront à jamais des singes pour les autres
Qui estiment avoir la bonne couleur
Cette couleur fade qui se dit supérieure
La bonne langue, le bon accent, en un mot le génie !
Ceux- là sont des Homos certes mais qui n'ont rien de sapiens ?
On s'est mis debout pour voir loin .
Mais verra t-on plus loin que la tombe ?
Jamais, peine perdue, çà se saurait depuis le temps !
Tout ce qu'on sait, c'est qu'on ne saura jamais rien.
Alors on suppute, on subodore, on spécule.
P'tet bien que oui ? P'tet bien que non ?
Va savoir toi le dégourdi !
Homme debout, autonomie parfaite
Pour aller et venir, explorer, étudier, vivre, aimer
En un mot : Marcher.
C'est en marchant que l'homme a conquis la planète
En marchant dans les forêts, les campagnes, les grèves, les déserts.
La conquête est la sœur de la marche !
En marchant au pas cadencé au son du clairon
Pour rencontrer ses semblables qui marchent du même pas
Et tous ces hommes en ordre de marche
Se marcheront dessus dans une folie exterminatrice
Qui finira avec un « vaincu »
Et un « Vainqueur » sur un fleuve de sang et d'âmes écrabouillées.
En vérité, il n'y a point de vainqueurs et point de vaincus
Le seul triomphe revient à notre bêtise!
Oui de tous temps et depuis que l'homme marche
Depuis que Caïn a tué Abel
L'homme a tué son frère l'homme.
L'homme a fait de son frère l'homme, son esclave
L'homme a fait de l'homme son valet, son larbin, sa chose
L'homme tue l'homme pour lui prendre sa femme, ses biens, ses terres
L'homme tue l'homme pour une frontière, un filon, un point d'eau
L'homme tue l'homme pour une idée
Qui ne pense pas comme moi est contre moi
Qui est contre moi doit mourir
Depuis que l'homme est homme
Il n 'y a jamais eu de place pour deux
C'est lui ou c'est moi ! Pas d'arrangement !
L'homme tue l'homme au nom de son Dieu
Il tue au nom de Yahvé, de Géovah et d'Allah
Ce même Dieu d'amour, de Clémence et de Miséricorde infinies
Qu'on décline à toutes les sauces
Qu'on salit au nom de nos bassesses
Quand l'homme n'a plus eu de chef de guerre
Il a incorporé Dieu dans ses bataillons !
L'avidité, la cupidité, la soif de pouvoir
Autant de mobiles qui justifieront le meurtre
Jusqu'à la fin des temps.
L'homme est un tueur-né
Et le plus grand ennemi de l'homme, c'est lui-même !
Tout çà pourquoi ? Marcher vers où ? Marcher vers quoi ?
On commence sa vie en rampant sur le ventre
Puis on se met à quatre pattes
Puis on se met debout et on marche
Puis on marche tellement qu'à la fin on se courbe
Puis on se courbe tellement qu'on ne peut plus marcher
Pour finir dans un lit couchés sur le dos
Afin d'agoniser tout notre saoul
Et du lit on glissera dans la tombe
Où l'on nous enfouira
Telle une vulgaire crotte de chat
Dont tout le monde s'en lavera les mains
Jusqu'à.......... ???
Ahcène.