Un matin à Bénarès
L'haleine du fleuve amène dans la chambre ouverte aux quatre vents
les cris suraigus des singes qui se chamaillent sur les toits
la puja répétée à chaque aube nouvelle : chant monocorde du brahmane, le tintement de sa cloche et la trompette péremptoire de sa conque marine
une radio Bollywood, ses refrains repris en choeur par les hommes de ménage, dans un brouhaha de seaux renversés et de portes claquées
le meuglement régulier de la vache attachée dans la ruelle, sa tête basse lustrée de mouches
les pétarades des générateurs qui ralentissent et s'arrêtent enfin
des bribes de rires américains et de mots dans toutes les langues de Babel
les vols d'oiseaux qui s'interpellent au dessus du fleuve, et la visite de l'oiseau ricaneur devant la porte de notre chambre
le bourdonnement linéaire de la ville en prière, entrecoupé par le cri des marchands de rue
quelques notes soudaines de cithare s'élevant au-dessus des toits
les aboiements rageurs de deux chiens qui se battent
au loin, l'appel du muezzin
Et dans cette mélodieuse cacophonie
un soupir du vent
la plénitude du silence dans nos âmes.