30/04/08
I) MYTHES ET LEGENDES
C’est la nuit du 30 Avril au 1er Mai.
Depuis toujours dans toute l’Europe elle est réputée funeste.
Le 21 Avril le soleil entre dans le signe du Taureau. Une période de transition considérée comme dangereuse (toutes les transitions l’étaient) commençait, entourée de rites de protection.
C’est le début de la transhumance: les bergers réputés magiciens et protecteurs quittaient les villages pour rejoindre les pâturages d’été. Pendant 9 nuits, les puissances solaires luttaient contre les forces de la nuit.
Le point culminant de ce combat est la nuit de Walpurgis durant laquelle les petits dieux protecteurs des foyers (les lares romains) quittaient les maisons pour rejoindre les esprits dans les champs et les bois.
Il fallait enfermer les bêtes de bonne heure, leur accrocher à la queue du sorbier ou de la marjolaine, placer de l’églantine un peu partout, dans l’étable, aux portes des maisons. Et surtout ne pas mettre le nez dehors du coucher au lever du soleil.
Les esprits malfaisants ménent la sarabande, la nuit est à eux, c’est la dernière de l’année où ils peuvent se promener sur terre, et malheur à qui les croise!
La tradition médiévale fera de cette nuit celle du Grand Sabbat des sorcières.
Celui qui regarde danser les esprits est entraîné dans leur ronde et doit danser jusqu’à la mort.
On retrouvr là, la matrice de nombreux contes de danses encorcelées. les bossus et les contrefaits peuvent être tirés du lit malgré eux pour danser toute la nuit. Dans les contes qui s’en inspirent le bossu qui se montre aimable avec les esprits peut se retrouver droit sans sa bosse à l’aube, mais malheur sur qui est malgracieux à leur encontre, ces espritslà sont capricieux et trés succeptibles. On ne peut jamais prévoir leurs réaction, alors soyez polis (c’est la gardienne qui vous parle...).
L’Eglise reprendra cet aspect du mythe à son compte pour interdire les danses qu’elle juge “lubrique et indécentes” (toutes les danses ou quasi) et menacer des foudres de l’Enfer ceux qui s’y adonnent trop. Là aussi c’est source de maints contes.
Les puits, les sources, les rivières étaient empoisonnés par le sperme des dragons.
Bien sûr, Dragon proteste véhémentement, quel andouille écailleux irait gâcher sa semence dans l’eau? Mais il voit rouge dés qu’on dit du mal des dragons, lol!
Les sorciers volaient et jetaient des sorts aux bêtes et habitants des maisons non protégées.
Là c’est une délégation de sorciers qui débarque, Dragon a cafté que je disait “Du mal” des habitants de l’Autre Monde et qu’en étant la gardienne j’ai pas le droit de faire ça!
Mais j’en dit pas du “mal” j’explique aux humains ce que croyaient leurs ancêtres (pas si lointains).
Quel métier, historienne des mythes et légendes et Gardienne d’Avalon, y’a des moments où j’ai envie de rendre ma baguette!
Bon: Assemblée ce soir sous le Grand Pommier, et laissez moi bosser, vous avez la Fête à préparer et j’ai pas envie que les esprits déboulent furax s’il manque quelque chose, du balai les sorciers! Dragon, va voir chez ta dernière petite copine si j’y suis, non mais, qui fait la loi ici?
J’en était où déjà?
Oui, les sarabandes d’esprits et les rites propitiatoires. Dans certaines régions, outre les plantes protectrices, on suspendait une clochette au cou des bêtes. Parfois on immolait avant la nuit un agneau ou un jeune taureau qui était chargé de purifier et dont la tête était enterrée au centre du village. Dans d’autres des colliers d’ail servaient de protection contre les chasseurs de la nuit (ça vous rappelle quelque chose?)
On retrouve dans toutes ces pratiques qui varient selon les régions la necessité comunément ressentie de se protéger contre tous les esprits malfaisants lâchés sur le monde des vivants, et une source inépuisable de mythes, légendes, contes, de superstions encore bien en cours aussi.
II) L’ARBRE DE MAI
Mais, c’est bien connu, les forces lumineuses finissent toujours par triompher.
Le 1er Mai est un jour trés occupé. on devait d’abord purifier les fontaines, les sources, les rivières en fouettant l’eau avec des branches fleuries d’églantines, puis on allumait un grand feu pour rejeter l’haleine fétide que les bêtes monstrueuse avaient laissé dans l’atmosphère.
Ensuite on cueillait le muguet, qui n’a aucune propriété médicale mais a toujours été lié en Europe aux cultes anciens célébrés le 1er mai (c’est là qu’il fleurit). On remplaçait sorbier et marjolaine aux queues des animaux par un brin de muguet.
Les chats (animaux sinon maléfiques au moins ambigus) qui avaient été jeté dehors pour “danser avec les autres” pouvaient rentrer dans les maisons et on enterrait les oeufs pondus ce jour là. sans doute parce qu’on lupposait souillés par l’haleine maudite de la nuit.
Pour finir, les villageois allaient en procession chercher “L’Arbre de Mai”: frêne, sorbier ou noisetier. Le bûcheron demandait pardon à l’arbre qui allait être abattu et priait l’esprit de la nature qui l’habitait de passer dans un autre arbre.
C’est bien joli cette pratique, elle prouve un respect des arbres qu’on a hélas perdu, les tronçonneuses ne savent pas demander pardon...
On le ramenait en grande pompe au centre du village, on le décorait des premiers fruits et de fleurs et on procédait à son mariage.
Les mariages ont longtemps été interdits pendant le mois de Mai en Europe de l’Ouest et du Nord car c’était le mois où on mariait l’arbre et où les dieux s’épousaient sur terre et dans le ciel. de là une superstition encore vivace: il ne faut pas se marier en Mai, la femme serait stérile.
Une jeune fille, la plus jolie où celle qui devenait pubère, couronnée d’aubépine épousait l’arbre de son corps pendant qu’une ronde commençait autour d’elle. Elle devait appuyer son flanc droit contre le tronc pour avoir descendants mâles. Elle était sûre de se marier dans l’année ( la “Fiancée de Mai” était trés prisée parce que bénie par le rite) et quêtait des oboles qui constituaient sa dot.
S’il pleuvait pendant la danse c’était bon signe: récoltes abondantes.
Si le rosignol chantait: la jeune fille serait heureuse et féconde.
Le bûcheron pendait ses vêtements aux branches et se transformait pour un jour en “Homme Vert” l’esprit de la nature. On dansait et mangeait jusqu’à l’aube.
L’Arbre de Mai se dressait sur la place jusqu’à la St Jean où il était brûlé.
Ces rites demeurent trés populaires au Moyen Age malgré les multiples interdictions de L’Eglise. De multiples petits saints sont substitués aux dieux du foyer puisque les interdits restent lettre morte.
L’Eglise ne reculant devant aucun sacrifice pour le bien des âmes paye même le voyage (en première classe garanti sans émission de CO2) d’Irlande à une immense inconnue: Sainte Walpurge dont la fête (quel heureux hasard) fut fixée le 30 Avril. D’où le nom de “Nuit de Walpurgis”. Et pour en finir avec ce mois maudit, l’Eglise instaure Mai le “Mois de Marie”, la Vierge pour contrer tout ce que les pratiques de fertilité avaient de sexuel; ce qui est logique si on y pense parce que la fécondité sans sexualité, à part l’opération du Saint Esprit, je vois pas...
Ce qui n’empêche rien, les anciens dieux et les esprits ont la peau dure, et le pouvoir de Mai tient dans les rites sexuels et le culte du taureau, simplement, on se réunit dans des lieux isolés qui échappaient à la surveillance cléricale. Tous les saints du paradis, même irlandais n’y peuvent mais...
Les rites agraires remontent à des temps immémoriaux et sont profondément enracinés dans la façon de vivre et de croire des gens du “pagus”, le pays des champs d’où vient le mot “Païen’” parce qu’ils furent bien plus diffciles à christianiser que les citadins déjà plus éloignés de la nature.
Ces rustauds (ils faut voir comment les textes les traitent) qu’on méprise mais dont on a besoin pour produire ce qu’on mange sont profondément attachés à la Terre et il connaissent la nature, qu’ils cherchent à se la concilier n’a rien que de trés “naturel”, eux la respectaient.!
Le Concile de Milan au XVème siècle finit par interdire jusqu’à la pratique de l’Arbre de Mai, mais elle subsiste ici et là et revient sous la forme des “Arbres de la Liberté” pendant la Révolution.[i]