LE CERCLE Forum littéraire |
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| Le fil corse | |
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Auteur | Message |
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Farouche Gardien de la foi
Nombre de messages : 452 Date d'inscription : 22/05/2008
| Sujet: Le fil corse Ven 20 Juin - 1:35 | |
| C'est ici que vous trouverez les histoires et anecdotes que j'importerai de l'ile pour vous | |
| | | Farouche Gardien de la foi
Nombre de messages : 452 Date d'inscription : 22/05/2008
| Sujet: Re: Le fil corse Ven 20 Juin - 1:38 | |
| Il s’appelait Jean-Bati (diminutif de Jean-Baptiste, bien sûr).
C’était un homme tendre et rude. Il cachait des traits presque aristocratiques derrière une grosse barbe très noire et une tignasse qui n’avait plus connu de peigne depuis son enfance. Grand et maigre, il n’avait que les muscles nécessaires sous sa grosse veste de chasse. Mais Jean-Bati ne chassait pas, il aimait bien trop les oiseaux et toutes les bêtes du maquis. En Corse, un homme qui ne chasse pas est suspect, et normalement, il aurait dû se retrouver mis au ban pour cela. Mais c’était Jean-Bati et lui, tout le monde l’aimait. Même si on le trouvait un peu étrange, même si on se moquait un peu.
Il était berger. L’hiver, il restait dans la plaine, dans la minuscule ferme familiale, avec ses parents et ses nombreux frères et sœurs. Au printemps, il faisait la transhumance avec ses chèvres pour passer toute la belle saison en altitude. Il y restait seul avec ses bêtes, dans un abri précaire de pierres sèches. Il fabriquait les fromages qu’il vendrait en redescendant. Il pouvait lire et écrire, mais il s’en foutait bien. Parce que ce qu’il savait le mieux ne s’apprend dans aucun livre. Il savait les sources, il savait les pierres, il savait les bêtes, il tutoyait la montagne.
J’étais toute petite. Et comme les autres enfants du village, j’étais fascinée par cet homme si fort et si doux. Quand il descendait nous voir, il nous emmenait en forêt et, pour nous faire plaisir, appelait les cochons. Que je vous explique brièvement : à cette époque, la forêt était pleine de ce que nous appelons des cochons sauvages. Ils appartiennent à un cochonnier, qui seul sait reconnaître les siens, les dénombrer, les trouver. On fabriquait avec ces cochons nourris par la nature la meilleure charcuterie du monde. Mais Jean-Bati, lui, perché sur un rocher et produisant un son inimitable les faisait tous venir, bien qu’il ne fût pas cochonnier. Pour les gamins que nous étions, ce spectacle valait tous les cirques du monde. Imaginez ! Des centaines de cochons, surgissant de nulle part, des mères, suivies de leur ribambelle de petits si mignons, et parfois même, des sangliers à la crinière hérissée. Il nous intimait le silence de sa voix grave, qui ne criait jamais, afin de ne pas les faire fuir et nous retenions tant bien que mal nos élans d’enthousiasme.
J’aimais Jean-Bati, et lui aussi m’aimait. Plus que les autres enfants. J’avais bien de la chance. Alors parfois, il passait me prendre et disait à mes parents : « J’emmène la petite. » Il prononçait rarement plus de trois mots consécutifs. Je le suivais aveuglément. Il prenait soin de ma petite taille et de ma maladresse enfantine. Il m’aidait à escalader les immenses rochers de granit, tendait sa main toujours avant ma chute, m’indiquait les obstacles, m’épargnait les ronces mais pas les mûres dessus ! Il me faisait goûter les herbes sauvages qui piquent la langue, m’éclaboussait aux sources glacées. Il me fredonnait les airs qu’il chantait à ses chèvres pour les apaiser, pour les distraire. Il me souriait de grands sourires blancs dans sa barbe noire. Je rentrais fourbue, parfumée de marjolaine, les jambes griffées, toute étourdie de l’air vif, toute barbouillée de mûres et de framboises sauvages, le cœur en fête. J’avais tutoyé la montagne. « Alors, vous avez fait quoi avec Jean-Bati ? - On s’est promenés. » Je ne racontais jamais rien. C’était mon trésor et mon secret.
Jean-Bati avait un rêve inaccessible. Celui d’avoir une famille à lui. Une femme à aimer, des petits à qui apprendre sa montagne. Mais il n’aurait jamais pu renoncer à sa vie de berger. Et une femme, ça veut une maison, ça veut des robes, ça veut aller danser. Ça ne veut pas d’un homme qui aime en silence, qui part pendant cinq mois tout seul chaque printemps, qui a pour toute possession son couteau, ses chèvres et les hardes qui l’habillent. Alors, un peu après ses trente ans, Jean-Bati a écrit une lettre pour expliquer tout ça et puis… Il s’est pendu. | |
| | | margo Maître
Nombre de messages : 1790 Date d'inscription : 08/07/2007
| Sujet: Re: Le fil corse Ven 20 Juin - 11:20 | |
| C'est une bonne idée! Est-ce que je pourrais moi aussi y déposer mes petites... histoires corses? | |
| | | Farouche Gardien de la foi
Nombre de messages : 452 Date d'inscription : 22/05/2008
| Sujet: Re: Le fil corse Ven 20 Juin - 11:22 | |
| Benvenuta ! Avec joie. | |
| | | Farouche Gardien de la foi
Nombre de messages : 452 Date d'inscription : 22/05/2008
| Sujet: Re: Le fil corse Sam 21 Juin - 3:34 | |
| Je vais vous conter un souvenir d’un autre âge. Un souvenir de ce qui n’arrivera probablement plus ; en tout cas, dans mon chez moi de là-bas, c’est fini hélas. Puisse ma mémoire faire revivre ces instants pour les sauver de l’oubli.
Le décor : mon village, Agnaronu, dans la forêt de Lospedale, en Corse du sud, petit hameau perché à 1000 m d’altitude.
Je suis une petite fille excitée comme une puce, ainsi que tous les autres enfants, parce que cette nuit, on va faire le brocciu. -Le brocciu, c’est un fromage frais de brebis, qui se mange nature avec du sel et du poivre, ou en accompagnement des beignets de farine de châtaignes saupoudré de sucre et arrosé d’eau de vie, ou qui sert à farcir les aubergines, ou en gâteau sans pâte parfumé de zeste d’oranges qu’on appelle fiadone à Bastia mais embrucciata chez moi.- Tout le monde sera là. On a fait venir le lait, il n’y a pas de brebis au village, la montagne n’a pas de pâturages, seules les chèvres y trouvent leur pitance. On allume un feu gigantesque : il faudra qu’il brûle toute la nuit pour chauffer à blanc les pierres qu’on jettera dans le lait après y avoir ajouté la présure. Elle va être longue cette nuit. Il va falloir l’occuper. Par ordonnance spéciale, les enfants n’iront pas se coucher. Personne ne les forcera à dormir. C’est une nuit magique, c’est sacré, chacun doit pouvoir participer. Le feu gronde et tempête, on y ajoute sans cesse du bois, des sarments de vigne, des herbes sauvages pour le parfumer. Le ciel vient juste d’allumer ses lampions, les enfants courent, jouent, crient. Les hommes dissertent sur la meilleure façon de tenir le feu, sur la chasse du jour, ils plaisantent, se disputent. Les femmes apportent des sièges et papotent, certaines tricotent ou brodent. Les heures passent. Le feu est descendu. Le tapis de braises est incroyablement dense, on rajoute encore du bois pour l’entretenir. On y installe de gros galets ronds et lisses, de la taille d’une belle assiette (Je ne me souviens pas d‘où ils proviennent). Croyez-moi, il faut des braises de l’enfer pour chauffer des pierres à les blanchir. Les enfants se fatiguent, viennent s’asseoir auprès des grands, ou pour les plus petits, grimpent sur des genoux accueillants.
Et c’est là que l’on quitte le monde pour entrer dans un autre monde. Celui des hommes corses qui chantent. Cela commence par un qui lance un thème mélodique, en improvisant des paroles. Des mots simples, qui parlent de montagne, de sources, de jolies filles, de mouflons. Quand l’homme a fini, un autre reprend aussitôt une variation du thème qu’il brode, en musique et en paroles. Petit à petit, d’autres voix s’élèvent, en une polyphonie magistrale que n’enseigne aucune école de musique. Les tessitures s’entremêlent en un filet inextricable. Cette façon de chanter s’appelle la paghjella (prononcer "padiella", l'écriture du corse est un cauchemar). Elle vient du fond des âges, je crois. Pour les Corses, elle est le plus court chemin de l’oreille au cœur. Pour les « pinsuti » (les pointus) c’est à dire les français du continent, cette musique est bien étrange, elle peut sembler dissonante même, parce qu’elle est parfois atonale. La paghjella n’est pas sans rappeler les chants grégoriens. Ce n’est pas une musique « facile » pour une oreille non exercée. Les Corses n’apprennent pas à chanter. Ils chantent parce qu’ils sont Corses (comme d’autres peuples musiciens, nos frères irlandais par exemple) et parce que le sang le commande. -Et ceux qui chantent faux ou mal, parce qu’il y en a ! se taisent par respect.- Toute la nuit, les chants vont se succéder, tandis que les plus jeunes sombrent à même le sol, près du foyer rougeoyant et que les autres écarquillent les yeux (pour mieux lutter contre le sommeil) et les oreilles (pour être bien sûrs qu’ils ne rêvent pas).
Lorsque l’aube pointe, on réveille les petits endormis afin qu’ils ne manquent pas ce pourquoi on a fait nuit blanche. On apporte de grandes lessiveuses pleines de lait. Les femmes mesurent et jettent dedans la présure qui fera cailler le lait. Et enfin, enfin ! Les hommes à l’aide de grosses pinces de fer noir prennent les pierres et les lâchent dans le lait, qui instantanément se met à bouillir tant elles sont brûlantes, et à coaguler presque aussi vite. Les gosses tout ensommeillés baillent et tapent des pieds pour se réchauffer, il fait froid au petit matin à mille mètres d’altitude quand on a dormi ou pas dormi dehors. Mais ils ne perdent pas une miette de ce spectacle du lait qui se vaporise en bouillonnant avec des pcchhhhhh et des blblblblblbl impressionnants. Avec de grosses louches, les femmes prélèveront ensuite le fromage pour le mettre à égoutter dans des faisselles. Les enfants iront finir leur nuit, les hommes vraisemblablement partiront chasser. Je ne sais pas trop. Parce que moi, j’ai sept ou huit ans, j’ai tenu jusqu’au matin (à part une petite sieste en milieu de nuit) et je tombe de sommeil. J’ai la tête emplie de merveilles mais j’ai froid, et je veux mon lit. | |
| | | margo Maître
Nombre de messages : 1790 Date d'inscription : 08/07/2007
| Sujet: Re: Le fil corse Sam 21 Juin - 9:47 | |
| Je n'ai jamais assisté au "rituel" du brocciu. Mais j'ai mangé celui du berger de Carbonaccia, celui qu'on allait chercher avec une assiette et une serviette à carreaux. Je n'ai jamais rien mangé de meilleur! Si tu savais à quel point je comprends ce dont tu nous parles, moi qui ne suis pourtant à mon grand regret d'ailleurs... qu'une demi-corse ou au choix une demi-"pinsuti". Merci du fond du coeur Farouche, j'aime profondemment ce que tu écris là. | |
| | | Farouche Gardien de la foi
Nombre de messages : 452 Date d'inscription : 22/05/2008
| Sujet: Re: Le fil corse Sam 21 Juin - 11:27 | |
| Je me rends compte que j'éprouve beaucoup de plaisir à vous narrer ces souvenirs. Si ce plaisir est partagé, c'est encore mieux Tu sais, les Corses d'adoption sont parfois plus corses que les vrais Et un des trucs sympa de la mentalité de ces gens, c'est que si tu as ne serait-ce que 2 ou 3% de sang ilien, tu peux revendiquer ta "corsitude" , c'est même vivement recommandé, alors, à moitié ! Mais tu ES Corse, ma belle ! | |
| | | margo Maître
Nombre de messages : 1790 Date d'inscription : 08/07/2007
| Sujet: Re: Le fil corse Sam 21 Juin - 11:59 | |
| Alors, continue. Merci. | |
| | | filo Admin
Nombre de messages : 2078 Age : 52 Signe particulier : grand guru Date d'inscription : 06/07/2007
| Sujet: Re: Le fil corse Sam 21 Juin - 14:12 | |
| J'adore la façon dont tu racontes tout cela. On s'y croirait.
Au fait, j'ai un quart de sang corse ! En effet, mon grand-père maternel était stérile, et tout le monde sait dans la famille que ma grand-mère était allée avec un corse pour tomber enceinte de ma mère. Mais on ne saura jamais qui. | |
| | | constance Prophète
Nombre de messages : 4029 Date d'inscription : 07/07/2007
| Sujet: Re: Le fil corse Sam 21 Juin - 14:30 | |
| C'est magique ! on s'y croirait en effet, et je me suis régalée de cette histoire, les yeux tout écarquillés de plaisir, comme les gosses dont tu parles. Heu, même en faisant un effort, et malgré mes origines multi-variées, je ne pense pas pouvoir revendiquer ne serait-ce qu'un millième de sang corse. Je connaissais l'histoire, Filo. Elle a eu rudement raison, ta grand-mère : il est bon que les sangs se mélangent, le résultat est souvent réussi. D'après les photos que j'ai vu de ta mère, c'était une magnifique jeune femme (et le reste de la "lignée" pas mal non plus...) . | |
| | | Morgane Maître
Nombre de messages : 1711 Age : 76 Date d'inscription : 09/07/2007
| Sujet: Re: Le fil corse Sam 21 Juin - 14:59 | |
| Ca va en suprendre certains, mais la Corse, vue comme ça, j'aime... Le bruccio, (j'ignorais ce rituel) est un délice, la montagne une splendeur et la mer une merveille... Mes enfants gardent un souvenir ébloui de leur "période corse", mon fils est né à Bastia... Et étant nés d'un demi corse et d'une parisienne ils ont du sang corse, mais quel %,??? Pour moi la "période corse" tient du cauchemar... Mais j'ai un souvenir: Un matin je me suis levée trés tôt, juste avant le jour, je ne sais plus pourquoi (pas vraiment mes habitudes). Je suis sortie dans le jardin et je me suis retrouvée baignant dans une lumière violette, oui, violette, complétement ailleurs, jusqu'au blanchiement du ciel annonciateur du jour... Un autre jour, juste avant un orage, tout était orange... Et avec les enfants, on cueillait des mûres, des asperges et des poireaux sauvages... Et le parfum du maquis ne se raconte pas, il faut le respirer. | |
| | | margo Maître
Nombre de messages : 1790 Date d'inscription : 08/07/2007
| Sujet: Re: Le fil corse Sam 21 Juin - 15:34 | |
| Que de bonnes nouvelles!
Cette histoire de grand-mère est adorable!
Voici un petit extrait (pour la couleur) de la chronique écrite dans les années soixante par mon oncle "pinsutu") et dont j'avais déjà posté un passage:
" Lorsqu'elle met les pieds sur le sol corse, Anne surprend toujours. Plus désinvolte, plus lègére, ou au contraire plus attachée au sol? Je ne sais. Son île est en tous cas le lieu où, tout réflexe de défense soudain inutile, Anne s'épanouïe spontanément. Son nom se transforme du même coup. Anne devient Nunciada. Place Saint Nicolas. Alignements des parasols, en ordre et couleurs de parade. Nous déjeunons sous l'un d'eux. Myriam renverse sa tasse. La mer est de l'intensité du violet de la gentiane...."
Dernière édition par margo le Sam 21 Juin - 17:13, édité 2 fois | |
| | | Farouche Gardien de la foi
Nombre de messages : 452 Date d'inscription : 22/05/2008
| Sujet: Re: Le fil corse Sam 21 Juin - 16:41 | |
| En attendant la prochaine histoire, une petite précision sans conséquence, mais bon, hein, on ne se refait pas... Pinsuti est le pluriel de pinsutu, avec un U. Donc, ton oncle est un "pinsutU" | |
| | | margo Maître
Nombre de messages : 1790 Date d'inscription : 08/07/2007
| Sujet: Re: Le fil corse Sam 21 Juin - 17:14 | |
| *Corrigé. Et pourtant ça, je le savais!" Lapsus donc... Je te l'avais dit que je n'étais qu'une moitée d'orange. | |
| | | Farouche Gardien de la foi
Nombre de messages : 452 Date d'inscription : 22/05/2008
| Sujet: Re: Le fil corse Sam 21 Juin - 19:15 | |
| Depuis que j'ai ouvert ce fil, j'ai toute la Corse qui me remonte...
- Mais Missià (grand-père en Corse du Sud), je n'y habite pas, je n'y suis même pas née moi, je ne parle pas corse, je le comprends avec peine... - Et alors, ma petite fille ? Tu crois que les exilés peuvent oublier d'où ils viennent ? (Les exilés, il y va fort, mon grand-père !) La Corse est en toi. Tu peux toujours ne pas l'écouter, mais tu ne pourras pas la faire taire. Elle coule dans ton sang, c'est comme ça. Tu as oublié les odeurs de ton enfance ? - Ah non ! - Tu peux manger du jambon cru sans le comparer au nôtre ? - Impossible. - Quand les gens te demandent d'où tu viens, tu dis quoi ? - Je dis : je suis Corse... mais c'est la culture familiale aussi qui veut ça, non ? - Et elle te vient d'où la culture familiale ? (sourire moqueur) - Ben oui, mais, justement. C'est ce qu'on m'a appris. Mais est-ce que dans moi, vraiment... - Quand tu parles de cette Corse à d'autres gens, de cet endroit où tu n'es pas née, où tu ne vis pas, où tu ne viens presque jamais (froncement de sourcils) ; quand tu leur décris notre terre, qu'est-ce que tu dis ? - Je dis... CHEZ MOI, en Corse.
Fin de la leçon. Merci Missià. | |
| | | Pétaloïde Fidèle
Nombre de messages : 53 Age : 35 Date d'inscription : 19/06/2008
| Sujet: Re: Le fil corse Dim 22 Juin - 12:58 | |
| C'est à la fois merveilleux et rageant de lire tout ça. Je fais parti de ces corses dont le pourcentage de granite et de méditerranée reste flou. Je ne parle pas le Corse, je ne le comprends même pas, je n'y vais qu'une fois tous les 4 ou 5 ans. La culture corse m'est plus étrangère qu'à un touriste assidu qui prendrait le temps de l'absorber tranquillement, de repas en paysages. Mais bordel, j'aime la Corse. Il est peut être difficile, voire douloureux, de songer de nouveau à tes souvenirs de petite fille Farouche, car ses traditions et cette magie toute particulière tu ne pourras plus les vivre*. En pensant cela, songe également que moi je suis trop jeune pour pouvoir les vivre. Manque de Q, je suis née trop tard. Trop tard pour les cochons sauvages, trop tard pour la paghjella, trop tard pour tous les Jean-Bati...
Alors comment on dit? Si toi, tu souffres de nostalgie, moi je souffre de quoi?
*je ne veux pas la moindre seconde dénigrer ce que tu peux ressentir ni l'amoindrir | |
| | | margo Maître
Nombre de messages : 1790 Date d'inscription : 08/07/2007
| Sujet: Re: Le fil corse Dim 22 Juin - 14:11 | |
| Je suis boulversée par tout ça! Farouche, maintenant tu sais que tu dois écrire, nous parler d' "Elle", pour nous qui l'aimons si profondemment et puis aussi pour les autres afin qu'ils comprennent.
Ps: heureuse de te rencontrer ici Pétaloïde! | |
| | | margo Maître
Nombre de messages : 1790 Date d'inscription : 08/07/2007
| Sujet: Re: Le fil corse Dim 22 Juin - 15:48 | |
| César.
César vivait au bout du village, c'est-à-dire à l’autre bout du monde, seul, dans la petite maison blanche avec sa grande terrasse de béton gris. De temps en temps saisissant sa guitare, César improvisait des chansons à tue tête, en tapant sauvagement sur les cordes.
César était heureux.
César jouait aux boules. Il était maître en la matière. Fumeur incorruptible mais passablement édenté, il plaçait systématiquement sa cigarette entre les quelques dents de devant qui lui restaient encore, ce qui lui permettait de continuer à fumer tout en gardant les mains libres, pour le jeu.
César avait le sens pratique.
A cheval entre Picasso et Matisse, il peignait ses folies multicolores à la tombée de la nuit quand le ciel s’ouvre au dessus de la mer.
César était un artiste.
Il n’avait jamais cru aux errances des savants qui affirment de façon péremptoire que « la Terre est ronde et tourne autour du soleil!»
Car César connaissait bien sa Terre et son Soleil. Ils vivaient avec lui, en lui depuis toujours. Il l’avait vu se lever, enfant, par la fenêtre de sa chambre et il l’avait contemplé depuis, chaque jour que Dieu fait, de l’aube rouge au crépuscule.
Non, la Terre ne tournait pas autour du soleil. Elle était plate, comme une limande, bien ancrée dans l’espace de sa présence éternelle et chaque soir, le soleil fatigué pour se rafraîchir, allait se coucher dans la mer bleue opaline, en face, de l’autre côté de la colline.
Il le savait, il l’avait vu depuis toujours. Et rien ni personne ne le ferait changer d’avis. Non, jamais. | |
| | | Pétaloïde Fidèle
Nombre de messages : 53 Age : 35 Date d'inscription : 19/06/2008
| Sujet: Re: Le fil corse Dim 22 Juin - 17:24 | |
| Charmante histoire, comme tous les bout de vie que tu nous racontes et que j'ai pu lire jusqu'à présent. | |
| | | constance Prophète
Nombre de messages : 4029 Date d'inscription : 07/07/2007
| Sujet: Re: Le fil corse Dim 22 Juin - 21:17 | |
| Absolument ! qui a dit que la Terre était ronde ? et tournait autour du soleil ? on en a brûlé pour moins que ça, ma bonne dame... J'adore ces bouts de vie si essentiels, il y a effectivement matière à écrire un vrai recueil. Peut-être toutes les deux ? ou alors un ouvrage commun des Corses du Cercle ? L'est bonne, l'idée, hein ? | |
| | | margo Maître
Nombre de messages : 1790 Date d'inscription : 08/07/2007
| Sujet: Re: Le fil corse Dim 22 Juin - 21:38 | |
| Si on organisait un concourt de nouvelles : les Corses contre les Bretons! Mais bon, sans blaguer , je suis partante pour un ouvrage en commun. | |
| | | constance Prophète
Nombre de messages : 4029 Date d'inscription : 07/07/2007
| Sujet: Re: Le fil corse Dim 22 Juin - 22:03 | |
| Ben, heu, moi je suis Sarthoise à la base, ça compte ? Enfin, maintenant plus parisienne qu'autre chose... | |
| | | margo Maître
Nombre de messages : 1790 Date d'inscription : 08/07/2007
| Sujet: Re: Le fil corse Dim 22 Juin - 22:47 | |
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| | | Farouche Gardien de la foi
Nombre de messages : 452 Date d'inscription : 22/05/2008
| Sujet: Re: Le fil corse Lun 23 Juin - 11:23 | |
| Continuons donc à tisser ce fil, qui sait ce qui en sortira quand il sera suffisamment long et solide... ? Pour l'instant, je vous avoue que partager avec vous me suffit, mais nul ne connaît l'avenir... - Citation :
- Alors comment on dit? Si toi, tu souffres de nostalgie, moi je souffre de quoi?
Probablement de la nostalgie aussi... d'un monde qui se dilue peu à peu, d'un passé qui n'est plus. Mais il faut relativiser : chaque génération ressent la même chose du "bon vieux temps". Tu auras toi aussi tes propres souvenirs d'enfance qui un jour remonteront à ta surface (peut-être est-ce déjà le cas). Sans doute seront-ils moins corses que les miens, mais ils auront autant de force et tu les regarderas toi aussi avec l'oeil humide du passé qui ne reviendra pas. Restons positifs : on évoque ici des moments particuliers. Dans le passé, il y a aussi un tas de choses dont on est bien content qu'elles soient révolues Alors un peu de nostalgie, d'accord, pour la poésie qu'elle véhicule, mais pas de passéisme. Merci Margo pour l'histoire de César La prochaine fois, je vous parle.... d'amour ! | |
| | | margo Maître
Nombre de messages : 1790 Date d'inscription : 08/07/2007
| Sujet: Re: Le fil corse Lun 23 Juin - 11:44 | |
| Dans le passé, il y a aussi un tas de choses dont on est bien content qu'elles soient révolues ". Oui, en effet! | |
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