Le prélude au festin, au “ couaneut ”, au repas,
Qui met en appétit, ne s’escamote pas.
Il convient de laisser au “ lever de rideau ”,
Qu’on y prenne un alcool, qu’on s’y abreuve d’eau,
Ou d'un petit sirop, tout le temps, saperlotte !
Pour s’en bien aiguiser l’estomac par la glotte !
“ Que boirez-vous, mon cher ? Votre dame, c’est quoi ? ”
Puis le troisième avoue :« Il suffira pour moi
D'un doigt de ce Porto. ” Le quatrième dit :
“ Me proposeriez-vous un peu de cet anis,
Celui de monsieur Paul, qui louchit dans les verres ? ”
Et pendant qu’il servait les alcools, arrivèrent
Les petits toasts beurrés, joliment décorés
D’œufs de caille et d’anchois et les petits carrés
D’omelette, piqués d’un bâtonnet de bois.
“ Moi, dit timidement la cinquième, je bois,
Si vous le voulez bien, la boisson du chanoine. ”
De cet oubli « divin », ma joue devint pivoine
Et je versai le vin moelleux sur le cassis.
L’incident oublié, nous voilà tous assis
Pour l’entrechoquement : “ À la vôtre ! À la tienne ! ”
Et la lèvre s’humecte et les mains vont et viennent
Des toasts aux petits bols regorgeant de pistaches,
Noix de cajou, raisins et olives qui cachent
Au cœur de leur corps vert, un noyau en amande.
Untel parle du temps, une autre redemande
“ Finalement un doigt de plus de ce Porto. ”
Les liquides encor sont resservis bientôt...
Les enfants, la santé, le travail, tout et rien :
Une conversation du train-train quotidien...
La fonte des glaçons d’un derechef nous prive.
Mais c’est tant mieux : voilà que sur la table arrive
La soupière, exhalant son fumet mystérieux...
L’appétit aiguisé, nous regagnons le lieu
Du repas convivial. “ À la tienne ! à la vôtre ! ”
Le prélude cordial a pris “ faim ” ; voici l’autre :
Il s’appelle repas de famille, amical,
Mais c’est une autre histoire, autre instant primordial...
gepetto