La jeune fille. (Histoires vraies.)

Une fois de plus, il avait fallu aller à l’hôpital St Roch parce qu’elle avait avalé des cachets encore et que tu l’avais retrouvée au bas du lit encore, le visage tuméfié, boursouflé, le corps couvert d’excréments.

Tu étais entrée dans la chambre numéro 27. Elle t’avait accueillie souriante, telle une reine sur son trône.

A côté, il y a cette jeune fille, le visage ravagé, la bouche maintenue par une étroite mâchoire de fer. Les yeux sont fixes, grands ouverts. Elle semble morte dans l’effroi.

Quand tu entres dans la chambre, tu la reçois dans le ventre et tu chavires, un peu.

Surtout ne pas flancher. Pas cette fois. D’autant que tante Anne, la professeur de philosophie, une femme solide et froide et qui sait se tenir, est en visite.

Soudain, la radio, à côté du lit de la jeune fille dont tu apprends qu’elle s’est jetée du deuxième étage du foyer dans lequel elle réside se brisant ainsi la mâchoire et les dents, la radio, complice, diffuse cette chanson désuète des années trente : « On a pas tous les jours vingt ans. »

Tenir. Ne pas fléchir. Ne pas regarder le visage de statue. Et puis les autres ne semblent pas voir ce qui se joue à cet instant, sous leurs yeux de marbre.

Tu flanches, sortir.

Aller aux toilettes, vomir. Et puis l’eau sur le visage et les yeux froids pour donner le change.

C’est ce jour là que tu as commencé à la haïr.

C'est lourd, c'est prenant, de quoi nous faire suffoquer. L'emploi du "tu" à la place du "je" ou du "elle" est très judicieux.

En revanche, le passage de l'imparfait/plus-que-parfait au présent est maladroit et surtout inutile. j'aurais écrit :

Citation :

Une fois de plus, il a fallu aller à l’hôpital St Roch parce qu’elle a avalé des cachets encore et que tu l’as retrouvée au bas du lit encore, le visage tuméfié, boursouflé, le corps couvert d’excréments.

Tu es entrée dans la chambre numéro 27. Elle t’a accueillie souriante, telle une reine sur son trône.

Cela ne change rien au sens, la notion de passé est préservée, la concordance des temps est plus correcte, et cela permet une entrée de plein fouet dans l'histoire.

Citation :

le visage de statut

= statue

Merci Farouche pour l'intérêt que tu portes à mes petites histoires. Je cherche, tu sais... Je comprends pour la concordance des temps et ce que tu as écrit est plus juste mais je voudrais vraiment arriver à donner cette impression de durée au début pour traduire un état qui persiste dans le temps et puis soudain "gros plan sur la jeune fille" pour traduire le choc. Si le passage du passé au présent est maladroit, il va falloir que je trouve autre chose.
Merci encore.

Ps: Je vais corriger "statue", décidemment!

Je t'en prie, tout le plaisir est pour moi

J'ai au moins une idée pour ton problème de durée, mais j'imagine que tu préfères trouver par toi-même...

Non, non, dis-là moi !

C'est glaçant.
J'avais une amie, avant, qui tombait parfois dans des dépressions très sévères, et il fallait l'interner avant qu'elle ne commette l'irréparable contre elle, ce qu'elle avait tenté plusieurs fois.
Je suis allée la voir à Saint-Antoine, un jour. Je suis pour ma part incapable de raconter ce que j'ai vu, mon esprit s'est paralysé pour l'occasion.

Citation :

Une fois de plus, il avait fallu aller à
l’hôpital St Roch parce qu’elle avait avalé des cachets encore et que
tu l’avais retrouvée au bas du lit encore, le visage tuméfié,
boursouflé, le corps couvert d’excréments.

Tu étais entrée dans la chambre numéro 27. Elle t’avait accueillie souriante, telle une reine sur son trône.

Tu pourrais jouer sur l'accumulation des adverbes et locutions adverbiales (tu as d'ailleurs très bien commencé) pour créer comme une ritournelle de répétition des faits dans ce genre-là :

Encore une fois, il a fallu aller à l'hôpital St Roch, parce qu'elle a avalé des cachets encore, et que tu l'as retrouvée au bas du lit encore, le visage tuméfié, boursouflé, le corps couvert d'excréments, encore une fois, oui.

Tu es entrée dans la chambre, la 27 cette fois-ci. Elle t'a accueillie souriante, telle une reine sur son trône.

C'est une possibilité, je peux en chercher d'autres

J'ai toutes ces choses en moi, que je ne pensais jamais pouvoir écrire. Et puis voilà, elles s'imposent. Et pourtant, ce n'est pas que je me complaise dans le passé, je n'ai pas le goût du malheur! C'est plutôt une forme de libération et aussi un hommage envers tous ces anonymes que j'ai croisé. C'est aussi une manière, il me semble, de rendre à certain leur dignité et peut-être, du moins j'ose l'espérer, de les porter où qu'ils soient à présent, plus haut.
Je sais que cela peut paraître étrange mais c'est ainsi.

Ha! Nos messages se sont percutés!
Ca m'a l'air d'être une belle idée, je vais aller y voir ce soir ou demain...
Bisou à vous.

Non, je n'arrive pas à changer; c'est sans doute qu'il faut tout réécrire.

Laisse reposer un peu, tu y reviendras plus tard. Ne t'omnubiles pas sur ce qui bloque. Ce texte est plein de qualités.