Sur la route des enfers

Sur la route des enfers


Le lit de ce fleuve morbide
Vomit la chaleur de l’été dans le rouge.
Nous pensons et parlons
Dans cette mélancolie de pseudo-romantiques désincarnés,
Expulsés dans le monde du gris.
Nous vantons l’enfer,
Ses teintes de feu
Qui descendent d’un air désinvolte,
Tâches dans le ciel encore bleu,
Et viennent brûler la terre gelée.
Et nous marchons sur ce tapis de lave,
Comme en pleur de la beauté des choses.
Sous nos pieds qui craquèlent
La vie fuit ses derniers instants,
Se saigne et se rompt sous nos mots.
Quels démons se cachent,
Nous épient sous l’écorce.
N’entends-tu pas la rumeur des jours de haine
Qui nous relèvent de notre âpreté.
Ne sens-tu pas dans ta gorge
Le poison amer de l’existence,
Qui s’écoule comme un baume
A ton cœur de grand idéaux,
De grandes déceptions.
Qu’attends-tu de ce monde,
Réfugié dans ta peine,
Amoureux de la splendeur ancestrale
Des temps qui ne sont plus.
Dans ta douleur, cette impression
De vivre si profondément
Au creux de ton âme
Et si loin du cœur des hommes.
As-tu regardé dans le miroir,
Au fond de ton mépris,
Dans l’eau d’une source claire
Sur laquelle tu as pleuré
Et écrit des dizaines de pages.
Vois-tu sur ton visage
Le même trait
Que sur celui de tes frères reniés ?
Allons ! Je vois bien tes entrailles se tordre
A cette pensée.
Retourne donc boire tes vers
A la coupe de ton ventre béant
Enivre toi de souffrance,
Puisque tel est ton souhait !
Saoule donc ton cœur
De ce sang noir d’ébène.
Car la route est longue, mon frère,
Vers l’abîme que tu chéris,
Et les arbres mourants s’amusent
Du fardeau que tu veux porter seul sur tes épaules
Attendant, impatient, les tentacules de la nuit.
Mais marchons, mon frère, marchons,
Nos pas sont lourds sur le chemin
De l’enfer, dans l’automne enflammée.
La route est longue, mon frère,
Vers l’abîme qui nous attend.

C'est l'Enfer de Dante revisité, et tu remplaces donc Virgile ?
Ou c'est une coïncidence ?

En tout cas j'y retrouve la même ambiance, bien que la Divine comédie soit en vers rimés.

Autre coïncidence : "N’entends-tu pas la rumeur", dis-tu.
Alors écoute ma dernière chanson toute fraîche :
https://cercle.forumperso.com/chansons-musique-f5/la-rumeur-mamapapa-t1468.htm


Sinon, tu devrais te relire :
"Vois-tu sur ton visage
Le même (que) trait"

Content de te voir passer par ici, Kanlay, surtout avec de la matière.
Ceci dit, un truc plus gai aurait pu faire l'affaire, aussi !

C'est magnifiquement écrit et riche de sens!
Cependant, ces plongées dans la noiceur sans fond des ténèbres, sont un luxe que je ne suis plus en mesure de m'offrir...

C'est l'automne, tout va vers le bas et les profondeurs...pour mieux renaître? Marchons, marchons, jour après jour suffit sa peine. C'est à toi-même que tu adresses ces mots?
Deux petites remarques: la même que Filo pour un "que" de trop et je ne comprends pas que tu emploies le mot "baume" pour quelque chose qui ressemble à un poison. J'aurai dit "fiel" par exemple car il me semble que baume va à contresens de ce que tu exprimes de l'état d'esprit de ton interlocuteur.
Mais je peux me tromper.
Pour le reste, je suis sous le charme de l'ombre et de ses flammes. Dantesque, comme dit Filo. Et bienvenue ici.

Images trés fortes, émule de Dante.
Lui en est sorti des Enfers!
Il faut passer par le feu pour se régènérer!
Je suis d'accord avec Geho, le baume soigne les plaies et ce n'est pas ton propos.
J'aime beaucoup ce parcours.
Bienvenue au 7ème cercle!

Je crois que le "baume" est justifié justement par le fond du propos qui présente la mort et l'enfer comme une délivrance attendue.

A relire, autant pour moi, le sens va bien dans celui du baume.
v'là c'que c'est de lire trop vite. Excuses, Kanlay.

Oh ben! Y en a des réponses! j'ai rectifié le que en plus!
Pour ce qui est du baume, je vous redirige vers la réponse de Filo, je ne dirais pas mieux!
Et sinon...
Non, je ne m'adresse pas à moi-même.
Et, non, je ne suis pas déprimée! :p
Mais écrire des textes joyeux, c'est difficile!
Enfin... j'ai une ou deux petites nouvelles en préparation... Peut-être...
Merci pour vos réponses, en tout cas!

Je trouve ce texte d'une grande richesse, et surtout d'une belle cohérence. Pas de digression, tu suis ta route dans un déluge de mots et d'impressions, mais le tout reste ramassé, rien d'inutile malgré l'abondance du propos.
J'aime cette envolée si généreuse dans sa forme. La réflexion en elle même donne une impression d'amertume et de noirceur,pas très gaie évidemment... m'enfin, si tu dis que ça va...