Si Platon avait raison?

S'il avait raison le vieux barbu avec son Mythe de la Caverne?
Si le monde qu'on nous impose n'était qu'illusions? Si la vraie vie était autre, s'il falait se libérer de ses chaînes pour aller rencontrer la lumière?

On ne nous écouterait pas si nous revenions le dire aux enchaînés, parce qu'ils préfèrent leurs chaînes, on sait le sort réservé à ceux qui disent qu'il y a d'autres possibles, qui ouvrent d'autres perspectives.
Parce que se sont des emmerdeurs qui secouent le ronron et que c'est plus confortable d'être enchaîné.

Platon n'avait pas idée de ce que l'homme a inventé aprés lui pour s'enchaîner toujours plus surement...

Pas tort.
Mais l'état de liberté est-il simplement possible ? Nous sommes tenus par le minimum que réclame notre corps, de la chaleur l'hiver, de la nourriture, et quelques "agréments" comme une bonne douche et des vêtements propres.
Chacun fait avec sa conscience pour se procurer le strict nécessaire, moi j'estimerais humiliant d'être une femme au foyer qui doit quémander à son mari pour se payer une robe, mais ça ne dérange pas d'autres.
J'ai choisi d'être indépendante, et donc de travailler, en considérant le travail certes comme une obligation, mais surtout comme une libération. Et surtout, j'ai choisi mon travail, en m'orientant vers quelque chose où je me sentais utile et où je pouvais m'épanouir, malgré les difficultés.
C'est quand on a le nécessaire qu'on peut passer au "superflu" : la culture, l'art, qui je l'avoue pour moi, est toute aussi nécessaire que le pain quotidien (quand j'étais étudiante, je m'achetais des livres, mais bien peu de viande...). Et faire une juste mesure entre le temps qu'on met à gagner de l'argent pour survivre, et se réserver du temps de vivre ses passions.
Je crois que la vraie liberté, c'est de choisir ses chaînes en toute conscience, et d'avoir la maturité de savoir faire la balance entre nécessaire, essentiel, et superflu. Quelque chose, évidemment, qu'on s'abstient soigneusement d'enseigner aux "masses laborieuses", histoire qu'elles consomment plus sans trop se poser de questions.

Si Platon avait vécu de nos jours et dans notre société, il se serait peut-être retrouvé dans un appart à payer un loyer et faire ses courses à Monoprix, lui aussi. Et il n'aurait certainement pas eu les mêmes idéaux.
Il aurait eu internet (tiens il aurait été bienvenu au Cercle d'ailleurs) et son discours politique et philosophique, inspiré par un Socrate militant chez Besancenot peut-être, eut été à coup sûr différent. Peut-être serait-il alors devenu célèbre, genre éditorialiste chez Politis ou rédacteur au Monde Diplo ou encore à France Inter, et serait devenu bobo. Mais la caverne, hein, faut oublier.
Bon je m'amuse, là, faut pas m'en vouloir, je plaisante. Mais tout est question de contexte quand même.

constance a écrit:

Je crois que la vraie liberté, c'est de choisir ses chaînes en toute conscience, et d'avoir la maturité de savoir faire la balance entre nécessaire, essentiel, et superflu.

C'est hélas la liberté qui nous reste peut-être, mais permets-moi de faire de la résistance à cette concession-là. Car cela demeure une acceptation du système. Personnellement, je ne désespère pas d'y arriver autrement, mais j'ai encore un peu de chemin avant d'y arriver sans aide.
Je préfère être esclave de cet idéal que celui de ce système.

"Nous voici maintenant devant le Portique.
Son nom nous dit M.N* , est "L'Instant ».
Derrière les innombrables instants, il y a L'instant.

On y arrive pas comme ça, au Portique. Il faut marcher longtemps au crépuscule parmi les éboulis de montagne. L'esprit de lourdeur et de pesanteur, votre démon, votre ennemi mortel, est un nain assis sur vos épaules, il vous tire sans cesse vers le bas, il s'insinue à travers votre crâne jusqu'à votre cerveau, en vous versant dans l'oreille, goutte à goutte, des pensées de plomb. Il chuchote en détachant les syllabes. Il vous prédit votre chute, il met votre crâne sous vos yeux et il le compare à une pierre qui va dévaler la pente.

Bon, il faut s'arrêter. Maintenant commence l’épreuve de l’éternel retour."


Philippe Sollers.

*M.N : Monsieur Nietzsche

Pour moi, la question ne se pose pas. Tout le problème est d'y arriver sans se faire repérer ce qui n'est pas une mince affaire!

Heu, je ne paie pas de loyer, puisque je suis une terrible capitaliste propriétaire, mais je fais mes courses à Monoprix...
Socrate, chez Besancenot, pas bien sûre, mais ça se médite. Je vois très bien Socrate en bobo, dans la mouvance de Delanoe.
Quant à faire de la résistance, Filo, oui, je sais que tu n'as jamais transigé sur ce que tu estimais être ta liberté. J'admire, mais je suis une femme, et les femmes ont tendance à vouloir construire (ça doit être génétique). Construire implique de se projeter un peu dans l'avenir, ne serait-ce qu'un peu.
Et puis, sans vouloir faire de sexisme, je pense que les femmes sont un peu plus pragmatiques que les hommes, elles n'apprécient pas plus que cela de vivre au jour le jour, simplement parce que la nature fait qu'elles ont des petits à nourrir.
J'ai toujours affirmé que si Madame Cromagnon n'avait pas tanné Monsieur pour qu'il lui installe des étagères dans la caverne, on en serait toujours à chasser le mammouth.
Cette lucidité induit sans doute qu'elles voient bien certaines de ces chaînes, mais qu'elles font le tri rationnellement de ce qui leur est utile ou non.
Un couple, par exemple, aimer un homme, c'est une chaîne après tout, mais beaucoup l'accepte volontiers tant que le contrat moral implicite est respecté.
J'espère que tu arriveras à faire coller ce magnifique idéal qui est le tien avec notre parfois douloureuse réalité, je ne parle même pas de la société désespérante dans laquelle nous vivons... Mais tu sais que tu as notre soutien à tous ici dans la poursuite de ta voie, dont nous sommes après tout les bénéficiaires ici. Le Cercle, c'est beaucoup toi.
Sinon Margo, je retrouve là un esprit très féminin, celui d'une fine mouche. J'avoue que je fais parfois la même chose : se heurter de front aux gens plus puissants ne le fait pas, je me suis beaucoup usée à me révolter sans cesse, alors maintenant je contourne. Dans mon boulot, sans me faire repérer, je n'en ai toujours fait qu'à ma tête, et mené ma barque selon mes convictions, qui sont d'aider et de secourir les plus faibles.
Je fais la 5ème colonne à moi toute seule ! Ca me va, j'ai l'habitude de me battre toute seule.