Marina avait raison

Il faut à la journée son point : on attend le dîner. De vieux manques macèrent tranquillement et les légumes sont sur le feu. Crâne et casserole.

"Rien qui ne peste
Qui ne harangue ni ne piaffe,
Un silence ne flattant pas le bruit...
J'ai mon désert dans la goutte d'eau sur le manche,
Je trouve n'importe quel horizon bouché
-D'un torchon ou d'une montagne-
Et je le passe en esprit
Derrière, le tapage aux tapageurs...

Mince,
De quoi ai-je besoin pour taire ?
Les beaux jours sonnent
Les mauvais vibrent dans le rouge
-Comme les gens et leurs issues-
Mince
Un silence ça se pétrit,
Ça se laisse lever ?"

Pense-t-elle cuisant courgettes
Cousant jupon,
Une oreille à la fenêtre des yeux plein les mains,
Le front et les mots léchés de vapeur.

Et puis s'étire lasse, jette l'eau,
Asphyxiant sa vue
Bouillonnant le silence : dans l'assiette il n'y aura rien à lire.

C'est drôle comme souvent
Les choses sont moins poignantes dans la cuisine
Entre un pot de farine un flacon de thym froid
Sous les mille relents des couverts et repas.


*

Tiens, disais-je
Ce n'est pas à la cuisine que j'ai appris la mort du vieux chat.
Des graines y germent dans un pot
-Début de plante après sa nuit-
Qui sentent encore toute la vieillesse du monde,
La vieillesse de mon vieux chat fermée dans la verrine
D'une vieillesses de rideaux ajourés
Par la vieillesse d'une tante...

Et la radio alors
Qui tous les jours répète des nouvelles
Vieilles comme le monde...
Matin on boit un thé ouvrant les yeux
Sur le germoir devant la fenêtre et les pigeons derrière
On change les noms les lieux les moyens,
On recommence
Avec toujours les chiffonniers
En cravate en bleu en tailleur
-Jamais nus
Jamais
Jamais nus de la nudité des funambules
À qui les filets demandent de ne pas tomber-

Je suis vieille aussi :
Le vieux chat meurt,
J'écris.

Je suis peut-être l'eau, je ferai du sel en léchant les rochers...
Et les torsions de mes impuissances
N'auront été que l'impatience qui s'est prise
Pour l'éternité.

Je suis... comment dire... conquis !
Rien d'autre à dire, je reste sans mot.

j'adore aussi. Communion d'émotions culinaires. Encore !

Je ne sais pas pourquoi, mais une pensée m'est venue en te lisant : "Le mateau de Nietzsche".

"Je suis peut-être l'eau, je ferai du sel en léchant les rochers...
Et les torsions de mes impuissances
N'auront été que l'impatience qui s'est prise
Pour l'éternité."

Non, finalement, je sais pourquoi.

Bien vu, Margo, mais ce ne sont que deux phrases... Difficile de crier au plagiat avec tout ce qui les précède. Disons un hommage.

De Nietzsche je n'ai commencé que "Ainsi parlait Zarathoustra", les premières pages. Ce serait dedans peut-être ?
C'est beaucoup plus une coïncidence qu'un hommage ou un plagiat, parce que je n'ai rien retenu de ma lecture, enfin au moins consciemment... maintenant j'ai des doutes, c'est malin, j'ai tellement l'impression de ne rien retenir de mes lectures mis à part les ambiances, les styles, les rythmes et très vaguement les contenus ... Je suis curieuse d'avoir la citation exacte du coup

Surtout qu'en plus, j'ai donné le titre à ce poème en référence à Marina Tsvétaïeva qui disait que les tâches quotidiennes l'empêchaient d'écrire comme elle le voulait.

Aucune citation, aucune allusion à un quelconque plagiat, ni même à un hommage !!!
Je faisais juste référence à l'esprit. Je suis frappée par tes mots, voilà tout !
Et d'ailleurs moi aussi je ne retiens rien de mes lectures...

Haaaa bon ! Me voilà rassuré, tout de même. Ton post laissait penser que...
Ouf !

La grande classe, Mel ! L'originalité des images le dispute à la pertinence des idées. Et la forme est pour moi impeccable en tout point.
J'étais étonnée au début du choix d'une présentation en "poème", mais finalement, ça met en exergue certaines formules très judicieusement.

Je ne saurais pas écrire dans une autre forme, les retours à la ligne correspondent à un rythme qui est aussi le rythme de ma réflexion et qui m'est complètement nécessaire, donc un passage à un ou deux paragraphes me semblerait artificiel, même si je l'ai déjà fait sur d'autres textes.

Filo et Margo, faudra que je retente de lire Nietzsche du coup !