Le chagrin

[size=12]Le chagrin



Le chagrin goutte à goutte ronge acide le cœur,

Il vit secret dans l’angle obscur de nuits sans rêves,

Il s’alimente solitaire

Dans l’album où crie l’absence au sourire figé.

Il se chante en plaintes à vous déchirer les pleurs

En lambeaux de soupirs.

Il habille d’un manteau qui vous colle l’hiver à la peau

Et protège des printemps.

Il ne s’ouvre à la joie qu’au jour du grand départ

Où dire : « enfin je te rejoins » !

Il entretient le feu éteint, n’a ni colère ni vengeance,

Le chagrin subit

Et murmure : « à quoi bon » ?

Il paraît nimbé d’indifférence et dedans,

Au tréfonds,

Il bouillonne sa crue

A inonder les anniversaires,

Ou submerger au souffle d’un souvenir,

A l’allusion d’un mot,

A une ressemblance entrevue.

Comme un lierre à l’arbre mort

Et la mousse aux pierres de la ruine,

Le chagrin a sa beauté fidèle et acharnée,

La douceur des larmes tièdes

Et les ravines de son ravage incessant ;

Il appelle la fin comme un bonheur

Et la mort ne le cherche pas, il se présente à sa porte

Et la frappe, et la frappe,

Pour sortir de sa prison à perpétuité.[/size]

"Comme un lierre à l’arbre mort
Et la mousse aux pierres de la ruine"

"Et la mort ne le cherche pas, il se présente à sa porte
Et la frappe, et la frappe,"
Je ne sais pas pourquoi, mais je me serais arrêtée là.

O combien...
Bien que cette sensation puisse être contestable, j'ai le sentiment intime que ce texte n'a pu être écrit que par quelqu'un qui a tutoyé le chagrin, le vrai, de très près. Ce qui après tout n'a rien de très extraordinaire.
Ce qui l'est, extraordinaire et rare, c'est de pouvoir rendre en mots, en phrases, en rythmes, ce sentiment impossible à raconter, impossible à vivre, impossible à mourir.
Ne change rien.

Ce chagrin, c'est celui d'une mère ayant perdu son enfant. J'en ai vu de si proches...
Merci de vos petits mots.

"il bouillonne sa crue"....
"il appelle la fin comme un bonheur"....
oui, et moi aussi je me suis arrêtée à "et la frappe, et la frappe"
merci geho!

"Il bouillonne sa crue
A inonder les anniversaires..."

Une image qui résonne !

Touchée, en plein cœur.

" Je suis en retard, en retard !"
C'est un chagrin décapant, une douleur au vitriol !
J'aurais mis prison à perpétuité en titre, et laissé la poésie se terminer par "et la frappe". Pour le reste, ne rien toucher...je ne dis pas un mot de plus.

Tes écrits on le parfum du vent le vent qui parle et qui raconte.

J'aime beaucoup.

Je l'avais manqué ce chagrin, et c'est dommage.
Une grande force. tu l'appliques à celui d'une mère, mais il est vrai de tous les chagrins (y en a t-il plusieurs?) qui sont la conséquence d'une perte.