Vous vous êtes assise là, au grimoire,
aux pensées offertes quand flâne l’instant,
j’y ai deviné vos traits en un vaste jardin,
votre main si généreuse de mots.
Sous vos doigt mêlés de rêves,
d’un infini où les tourments perdent haleine,
vous chantiez les contours du bonheur.
Vous étiez assise là, renaissante,
et vos vers s’écoulaient si purs,
tout se penchait sur vous, vos quatrains,
et le jour pâle ravivait d’étranges rêves.
A l’horloge obstinée, votre plume
m’avait dessiné les rumeurs du temps,
ces fronts inquiets et pâlissants
cherchant dans les cimes brumeuses
quelque secret pour apaiser les cœurs.
A l’ébauche de ces parfums d’éternité
se formaient des images aux couleurs inconnues
d’où jaillissait leur tremblante lumière.
D’où vient cette encre au dessin si parfait,
cette enfant qu’effleuraient les saisons
sous d’orgueilleux soleil caressants.
d’ou vient ce vent aimable comblé de douceur ?
Demain, au fardeau de mes habitudes,
quand succombera avec lenteur le jour
dans ma profonde mémoire,
loin des affres moribondes et agacées,
j’entendrai encore votre chant,
au seuil vermeil, au flou d’un ailleurs.
Vous étiez là, assise sous un ciel clair,
et l’érable chantait tous les automnes,
puis, dans ces corridors où chemine l’ennui,
je vous ai vue immortelle, au bout de la nuit.
(Dédié à mon amie Sylvie Méheut)
prix Hérédia 2010 de l'Académie Française