Paroles à terre
(Ceci n’est pas de la poésie, ni de la rose poétique…j’avais des mots bloqués dans ma poitrine qui ne passaient pas le nœud de la gorge ; des paroles à taire.)
Ma parole, je ne suis pas entendue.
Ma présence, je ne suis pas vue.
Surprenant, hier encore j’ai fait sursauter quelqu’un. Est-ce un problème de personne ou d’approche silencieuse ? Mon esprit cartésien me suggère d’acheter des chaussures aux semelles rigides ou de revenir à la bonne vieille pratique des fers sous les talons.
Dans la rue j’attire les passants, tel un aimant. L’autre jour une femme s’est exclamée en me croisant : « Oh, Mon Dieu, je n’y arriverai pas ! »
J’ai poursuivi ma route, un point d’interrogation au-dessus de ma tête. Voyez-vous, je suis le point, un point c’est tout. La question garde son mystère, et je reste avec cette énergie intense qu’il faut bien que je sorte afin qu’elle se disperse.
Ma parole n’a pas lieu d’être…à longueur de sorties quand je côtoie la foule, je saisis des nouvelles qui ne colportent que bavardages stériles ; l’espace est encombré de pensées, telles des ronciers elles envahissent ma terre en friche. Je me cogne à des murs d’angoisse, j’enfonce des clous mais les parois sont poreuses.
La nature, sans la présence humaine, m’est douce, et rencontrer un animal, lièvre, biche, renard m’enchante, mais rencontrer l’homme est une autre affaire. L’homme ne sait pas laisser sa neutralité, sa liberté, à l’espace audible, il brouille les ondes, je n’entends que les perturbations qu’il véhicule avec lui.
J’aime le silence, j’aime la parole aussi.
Que dire ? Quand le dire ?
Dans le doute je préfère m’autocensurer plutôt que d’être censurée.
J’aime la parole, celle dont les vibrations sont chant joyeux qui accompagne le mouvement de l’intime, les pulsations du cœur.
Ma parole est en perpétuel décalage dans ce monde bruyant. J’en suis responsable, mais je ne l’assume pas, je trimballe une blessure de parole sans cesse ravivée.
Il me reste la poésie ; mon reposoir à paroles en souffrance, mais combien je lui préfèrerais la parole vivante !
Coucher mes mots sur le papier, souvent à demi-mots, les border comme des enfants malades, me trouble. Je crains, un jour, de ne plus pouvoir les séquestrer dans cette prison d’amour. Cette prison que la famille, la société m’ont toujours imposée. Je suis ainsi devenue la geôlière de mes propres mots.
Je tourne la clef, et si mon langage est maladroit ou mystérieux, je le ponctuerai de l’éclat de mon rire.
Garance, le 14 septembre 2010