LE CERCLE Forum littéraire |
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| Carnet de route en Turquie | |
| | Auteur | Message |
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constance Prophète
Nombre de messages : 4029 Date d'inscription : 07/07/2007
| Sujet: Carnet de route en Turquie Sam 9 Mar - 17:12 | |
| Octobre 2012. Une magnifique occasion se présente à moi : Annie, ma grande amie de la danse, me propose de l'accompagner dans un périple en Turquie, tous frais payés. Autre avantage de taille, que je découvrirai seulement après : Annie connait le pays comme sa poche et se débrouille parfaitement avec la langue turque. Elle partagera généreusement ses connaissances et me servira plus d'une fois de guide. Nous atterrissons à Antalya, pour une très brève halte nocturne avant de prendre la route pour la Cappadoce. Nous disposons d'un minibus en tout petit comité, et d'un guide francophone qui s'avérera excellent, drôle et cultivé. Notre première visite nous conduit près de Konya, au tombeau de Mevlâna, le fondateur au 13e siècle de l'ordre des derviches tourneurs On connait peu de choses du personnage, sinon qu'il naquit en Perse et voyagea dans toute l'Anatolie. Mystique soufi, il inventa cette doctrine, syncrétisme entre certains éléments de l'islam et de la chrétienté orthodoxe. Cette philosophie, basée sur la sagesse et la tolérance, présente 4 étapes ("les 4 portes") permettant d'accéder à l'illumination et au final, à la communion extatique avec Dieu. Elle prône l'amour universel entre les humains, quelle que soit leur religion et leur condition. Certains dirigeants actuels feraient bien de s'en inspirer... La musique et surtout la danse giratoire des derviches (la "sema") permettent de se libérer de l'angoisse de la vie matérielle et d'atteindre cette extase sacrée. Le tombeau de celui qui est considéré comme un saint constitue un pèlerinages majeur dans le pays, le personnage et sa philosophie étant toujours très respectés. Il jouxte un ancien monastère fondé par Mevlâna, dont certaines salles ont été aménagées pour présenter des aspects de la vie quotidienne des derviches. Ils apparaissent vêtus d'une longue robe blanche, symbolisant leur linceul, d'un ample manteau noir qu'ils quittent juste avant de commencer à danser, représentant leur sépulture, et d'un chapeau conique symbolisant leur pierre tombale. Ceci pour leur rappeler leur condition mortelle et leur ôter toute vanité. Sur la photo, vous pouvez distinguer au premier plan une planchette d'entrainement disposant d'une roulette centrale pour les danseurs néophytes, qui leur permet d'acquérir la technique et la résistance pour tourner ainsi sur eux mêmes pendant de longs moments. Un détail intéressant : il a toujours existé des femmes derviches tourneurs, elles sont tout aussi considérées et certaines sont enterrées avec les plus hauts personnages de l'ordre. Par ailleurs, il est conseillé de recouvrir sa tête par respect quand on entre dans la salle où se trouve le tombeau de Mevlâna, mais si on ne le fait pas, personne ne viendra vous le faire remarquer. Nous reprenons la route pour la Cappadoce, et notre arrêt suivant nous mène au très beau caravansérail de Sultan Hani. Un caravansérail, c'est en fait un bâtiment fortifié constituant un gite d'étape pour les caravanes de marchands sur les routes commerciales. Dans cette région, elles ont été construites aux époques seldjoukide et ottomane afin de développer le commerce en protégeant les marchands des pillards. Il en existe plus d'une centaine en Anatolie, suivant le tracé des anciennes routes romaines et byzantines. Voici un détail de la porte d'entrée du caravansérail Ces bâtiments massifs étaient protégés par des gardes armés, les caravanes y entraient pour y passer la nuit, hommes et bêtes, et disposaient de ravitaillement, d'eau, mais aussi de dortoirs, de hammams et de salles de prières. Les 3 premières nuits étaient gratuites, après il fallait verser une participation. On pourrait même parler d'un service public ! En tous cas, ce système permis au commerce de se développer considérablement et au pouvoir ottoman de se renforcer et de s'enrichir. On peut admirer la sobriété et l'état de conservation de cette belle architecture Enfin arrivés en plein coeur de la Cappadoce, nous ne disposons que d'une très courte nuit : en effet, alors que l'aube est encore loin, nous nous préparons à vivre une aventure unique, le survol de la région en montgolfière. Voici l'engin dans lequel nous ferons cette ascension Il faut imaginer toute une population de candidats au voyage, excités et frigorifiés (les nuits peuvent être vraiment glaciales), qui regardent avec une pointe d'appréhension ces énormes ballons, que les aérostiers gonflent au moyen d'air chaud généré par des brûleurs alimentés au gaz. J'ai réussi à convaincre Annie, qui souffre habituellement de vertige, à se joindre à l'aventure. Je crois qu'elle ne le regrettera pas ! Lorsque nous décollons enfin, une centaine de montgolfières nous accompagne dans une envolée lente et majestueuse Nous assistons à un lever de soleil en technicolor. La sensation dans cette montgolfière est très étrange : il n'y a aucun bruit, sinon celui des brûleurs qu'ouvre l'aérostier pour prendre de l'altitude. On a vraiment l'impression de glisser tant le vol est doux, sans à-coups. Et aucune sensation de vertige, puisqu'on n'est pas enfermé et qu'on perd tous ses repères dans ce flottement hypnotique La géologie de la Cappadoce est une incroyable alchimie, unique en son genre. Ce paysage s'est crée il y a 30 millions d'années : les éruptions volcaniques ont recouvert la région d'un manteau de cendres, qui en se solidifiant s'est transformé en tuf, une pierre qui s'érode facilement. Puis des roches volcaniques plus dures ont recouvert par endroits ce tuf, et les deux pierres en s'usant à des vitesses différentes ont crée ces paysages étrange et ces concrétions particulières qu'on appelle les cheminées des fées, que je vous ferai visiter plus tard. En attendant, nous voilà à 1000 mètres d'altitude ! Le plus étonnant, c'est que dans ces paysages absolument lunaires, sans route apparente, on distingue très bien des cultures et des habitations troglodytes typiques du pays. Il faut savoir que les habitants, depuis des siècles, ont aménagé leur habitat en s'adaptant à ce rude environnement. Ils ont construit des villes souterraines immenses, disposant de greniers à céréales, de puits, d'églises, afin de se réfugier, parfois durant des mois, en cas d'invasions. Ces endroits sont donc habités et mis en valeur. On y cultive l'olivier, la vigne, des légumes et des céréales dans les interstices disposant de terre arable. Quelques sensations fortes en faisant du rase-motte pour admirer les habitations troglodytes On distingue très souvent ces petites niches creusées dans la roche : il s'agit de pigeonniers L'aube chasse les derniers nuages... ... un ciel d'un bleu hardi nous apparait, d'une pureté cristalline, un paysage aux contrastes affirmés qui ravira les photographes Certains de ces reliefs semblent recouverts de velours D'autres offrent toute une diversité de couleurs, avec un blanc si éclatant par endroit qu'on dirait de la neige. Mais c'est le gigantisme du paysage qui nous impressionne autant que sa beauté sauvage. Vous distinguez la taille des montgolfières, pourtant peu négligeable, par rapport aux montagnes environnantes Il me viendra souvent à l'esprit que cette géologie a un aspect organique, que je trouve étrangement rassurant. Ces montagnes ressemblent parfois à des grosses bêtes endormies, repliées sur elles mêmes Après toutes ces émotions, nous effectuons un atterrissage impeccable, grisés par le grand air (plutôt revigorant en altitude). Les employés s'attellent au pliage du ballon, une tâche plutôt ardue mais très organisée | |
| | | constance Prophète
Nombre de messages : 4029 Date d'inscription : 07/07/2007
| Sujet: Re: Carnet de route en Turquie Dim 10 Mar - 17:15 | |
| 2ème partie.Je ne sais pas pour vous, mais j'ai un peu de mal à regagner la terre ferme. On se refait une petite photo d'altitude ? Revenons sur terre... Les jours suivants, nous allons à la découvertes des nombreuses vallées où pullulent les habitations troglodytes. Pourquoi ce style de constructions, et donc de vie très particulier ? Tout d'abord, pour des raisons pratiques : la roche tendre est facile à creuser, pourquoi donc construire ce qui peut être excavé, et agrandi à volonté ? De plus, les habitations gardent une température agréable, fraîche durant les étés torrides, tiède durant les nuits et les hivers glacials. Ensuite, pour des raisons historiques : cette partie de la Turquie a été maintes fois envahie. Les Hittites s'y installèrent entre 1800 et 1200 avant JC, puis les Perses, les Romains et les Byzantins, puis vinrent les royaumes seldjoukide et ottoman. Autant dire que les réseaux de villes souterraines permettaient aux habitants de se cacher durablement quand les armées traversaient le pays... Voici une très belle maison, mis-construite mi-troglodyte, reconvertie en chambre d'hôtes haut de gamme. Nous sommes à çovusin Un détail de l'entrée : l'amphore et surtout l'oeil porte-bonheur (qui éloigne le mauvais sort), décliné sous toutes ses formes en Turquie Nous continuons par une petite randonnée dans la Vallée rouge, de là, la vue est imprenable sur les habitations typiques de la région On nous avait prévenus : chaussures solides requises pour ces excursions, le terrain est rude... mais quelle vue ! Après l'effort... nous voilà devant un très improbable bistrot en plein nulle part. Le patron nous explique qu'il vient d'être relié à l'électricité, mais toujours pas à l'eau Après une belle escalade, nous pouvons enfin admirer cette église rupestre. Durant l'époque romaine et byzantine, les premiers chrétiens trouvèrent refuge dans cette région. Du 4ème au 11ème siècle, période où le christianisme s'épanouit, de nombreuses églises et monastères rupestres de ce style furent construits. Il est à noter que sous la domination seldjoukide et ottomane, les chrétiens furent traités avec une grande tolérance. Nous poursuivons la promenade dans la Vallée des Moines Et là, nous tombons en arrêt devant nos premières cheminées des fées vues de près. Vous vous souvenez, je vous ai expliqué que les cendres volcaniques, après les éruptions, ce sont transformées en tuf, une pierre tendre, puis que la roche volcanique, très dure, l'a recouverte par endroit. Le résultat, après une érosion inégale des deux roches, donne ce qu'on appelle une cheminée des fées, dénomination donnée par les premiers habitants Vu de près, c'est tout de même très surprenant et unique en son genre Nous repartons visiter, sous un soleil éblouissant (n'oublions pas qu'on est en octobre, tout de même), la bien nommée Vallée du chameau. Non non, pas à cause de celui-ci, qui ne fait que décorer... ...mais plutôt à cause de celui-là Et voici une des formations la plus visitée, admirée, photographiée : on l'appelle les 3 demoiselles Pour ne pas perdre la main (enfin, les pieds), nous repartons excursionner dans la très belle Vallée des roses, riche en végétation Une atmosphère parfois inquiétante D'autant plus que le ciel commence à se couvrir sérieusement Dans ce tunnel creusé par les eaux d'une petite rivière, petite mais sujette à de vastes débordements nous dit le guide, nous pouvons observer l'usure et les diverses strates de la roche Un dernier coup d'oeil au paysage (là il est vraiment temps de rentrer...) A une petite chapelle isolée Aux arbres presque minéraux Et nous regagnons, sains et saufs mais passablement exténués, le village au bout de la vallée | |
| | | constance Prophète
Nombre de messages : 4029 Date d'inscription : 07/07/2007
| Sujet: Re: Carnet de route en Turquie Sam 16 Mar - 19:59 | |
| 3e partie.Nous nous dirigeons vers le village de Göreme, réputé pour sa douceur de vivre, et pour cela nous traversons une de ses innombrables vallées aux noms évocateurs : vallée de la Rose, vallée du Miel ou des Pigeons. L'artisanat est très présent, et ce n'est pas juste une histoire de tourisme. Les femmes ont encore l'habitude ici de faire du crochet, leurs intérieurs sont jonchés de riches tapis, de coussins brodés et de multiples napperons ou décorations au crochet. Nous voilà dans le délicieux village de Göreme, où la vie est dit-on si agréable que de nombreux français et anglais s'y sont installés. Il existe de très nombreuses habitations troglodytes, bien rénovées et mises en valeur. Ca grimpe sec dans le village, mais la vue est assez impressionnante. J'ai beaucoup aimé ce pain de sucre qui ressemble à une tête : en regardant de plus près, on voit au niveau de la "bouche" un pot de fleur et un tapis sur la rambarde... Comme partout, des femmes âgées proposent leurs travaux d'aiguille Panorama Et oui, pour répondre à une question que je vois venir : il y a vraiment des gens qui utilisent ces excavations troglodytes. Toutes ne sont pas habitées, certaines servent de remises, de caves, voir d'écuries Dans la vallée des Pigeons, un arbre à voeux, couvert de ces yeux porte-bonheur qui fleurissent partout en Turquie Le soir, nous sommes conviés à un "spectacle" qui n'en est pas réellement un, puisqu'il s'agit d'une cérémonie de danse des derviches tourneurs. Atmosphère recueillie dans la salle : pas de photos et pas d'applaudissements surtout, cela pourrait générer un sentiment de vanité chez les derviches. Cette philosophie prône une grande humilité et un ascétisme certain La cérémonie des Mevlevis, cette danse rituelle appelée "sema", représente l'union avec Dieu et fait partie des chefs-d'oeuvre au patrimoine oral et immatériel de l'humanité. Au début du rituel, le "hafiz", qui connait le Coran par coeur, chante une prière à Mevlâna, le fondateur de l'ordre des derviches, ainsi qu'un verset du Coran. Puis les musiciens rentrent en action, d'abord les cymbales, puis le ney (la flûte de roseau). Ensuite, le maitre de cérémonie invite les derviches à marcher en cercle sur l'estrade spéciale où ils officient. Après trois tours, les derviches laissent tomber leur long manteau noir (symbolisant leur sépulture), signe qu'ils sont libérés de toute attache terrestre. Après de multiples saluts, les bras repliés sur la poitrine, ils s'accroupissent un à un en pivotant, signifiant qu'ils renoncent à toute attache terrestre, puis en se relevant commencent leurs tours afin de renaitre dans une extase mystique. Le bras droit est levé, paume vers le ciel pour recueillir les bienfaits du ciel et la grâce du paradis, qu'ils transmettent à la terre et aux humains par leur bras gauche, paume tournée vers le sol. Ils tournent à la fois sur eux-mêmes et en cercle, ce qui forme une constellation. Le maitre de cérémonie circule au milieu d'eux et semble leur donner des indications invisibles. A la fin, ce dernier chante encore des versets du Coran pour sceller leur union mystique, et les danseurs remettent leur manteau, s'inclinent dans le silence et sortent. Néanmoins, deux derviches entrent à nouveau et dansent deux ou trois minutes, pendant lesquelles nous serons autorisés à prendre des photos (mais toujours pas à applaudir) Autant dire que c'est extrêmement impressionnant. J'en ai eu la chair de poule... Il s'agit vraiment d'une danse extatique, il suffit de voir leur visage pour en être persuadé. Fascination J'observe aussi leurs pieds pour comprendre comment ils font pour tourner ainsi sur eux-mêmes pendant plus d'un quart d'heure, alors qu'au bout d'une dizaine de tours rapides, j'ai la tête qui tourne... Sur le devant de la photo, vous pouvez voir un des couvre-chef de derviche posé sur un tabouret. Il représente leur maitre et fondateur, devant lequel ils s'inclinent symboliquement A la fin de la danse, les deux danseurs remettent leur manteau et saluent Après cet intermède mystique, un petit clin d'oeil avec cette promenade que nous ferons dans la vallée des Amoureux. Le guide rigole sous cap en attendant nos réactions, en fait les gens du coin appellent cet endroit "la vallée des phallus"... Et c'est vrai que... heu, quand même... Il y en a pour tous les goûts. Des un peu tordus Des bien droits ...et il y a même des gens qui habitent dedans ? Un joli bouquet De loin, il nous semble voir un bistrot C'en est bien un. Je n'ose par leur demander s'ils ont des cocktails "sun on the beach", l'endroit est quelque peu rustique Après cette promenade... revigorante, nous allons visiter un des plus grands centre de fabrication artisanale de tapis de la région. Voici l'atelier de démonstration, où on nous explique tout sur la fabrication des tapis Je me demande en arrivant pourquoi il y a des gardes à l'entrée, pourquoi on doit être amené par un guide officiel, pourquoi on nous remet des badges... En fait, j'apprends qu'il y a plus de 17.000 pièces dans cet immense entrepôt et fabrique, certains de ces tapis atteignant des sommes astronomiques. Les tapis les plus réputés, qui s'appellent les "héréké", en soie et faits main évidemment, comprennent sur l'envers plus de 400 noeuds noués à la main sur un centimètre carré de surface. Je n'y crois pas avant qu'on nous en montre un, dont nous pouvons admirer l'envers avec une loupe. Incroyable ! Ce sont les tapis les plus chers au monde. Seules les meilleures ouvrières en fabriquent, elles sont d'ailleurs considérées plus comme des artistes que comme des ouvrières, ne travaillent que deux ou trois heures par jour et sont très bien payées. Il faut dire que si les modèles de tapis sont déjà dessinés (c'est pour ça d'ailleurs qu'on n'a pas le droit de prendre des photos, certains de ces modèles ayant des siècles et ayant été jalousement gardés pour ne pas qu'on les copie) et qu'il suffit de reproduire le modèle (enfin "il suffit", plus facile à dire qu'à faire !), le choix des couleurs appartient à celle qui fabrique le tapis. De plus, il faut une très grande dextérité pour manipuler de la soie, surtout quand la trame et les fils sont de cette matière. Il faut plusieurs mois pour faire un tapis lorsqu'il s'agit de pièces aussi délicates | |
| | | constance Prophète
Nombre de messages : 4029 Date d'inscription : 07/07/2007
| Sujet: Re: Carnet de route en Turquie Dim 17 Mar - 18:26 | |
| 4ème partieLe musée en plein air de Göreme, inscrit au patrimoine mondial de l'Unesco, abrite la plus forte concentration de chapelles et de monastères rupestres de la région. Datées du IXe siècle pour les plus anciennes, les églises ont été creusées dans le tuf volcanique. Il existe une trentaine d'églises et des monastères, aussi bien pour hommes que pour femmes. Si les escaliers sont si raides et s'il existe des portes en hauteur, qui semblent inaccessibles, c'est parce qu'à l'époque, on y accédait au moyen d'échelles. Ainsi, en cas d'attaque, les moines pouvaient retirer ces échelles, rendant l'accès aux grottes très difficile Les églises possèdent de magnifique fresques byzantines aux thèmes empruntés à l'Ancien et au Nouveau Testament, particulièrement sur la vie des saints. L'intérieur hélas est trop sombre pour les photos, je me contenterai des fresques extérieures Ce modèle de croix pattée est très courant dans la région Comme je vous le disais dans l'épisode précédent, les grottes ne servent pas seulement d'habitations, mais aussi de grenier, de cave, d'écurie, de remise... Ca a de la gueule, comme débarras, non ? Pour nous faire plaisir, le guide nous amène dans un coin assez pauvre et mal famé de la ville, afin de voir un élevage de chiens d'Anatolie. Les personnes chez qui il nous amène sont un peu les gitans de Turquie. D'où ils viennent, ce n'est pas bien clair, mais ils ont des mines patibulaires et semblent vivre à part. J'ai trouvé très extraordinaire leur cheval, dont la crinière et la queue sont teints au henné Voilà les fameux bergers d'Anatolie. Cette race de chiens est élevée pour garder les troupeaux et les protéger contre les loups. Ils sont extrêmement forts et courageux et n'hésitent pas à s'attaquer aux loups ou aux ours qui pourraient menacer leur troupeau. On leur coupe les oreilles car les loups, dans les combats, ont pour habitude d'attraper leurs adversaires par les oreilles Voici maintenant la mosquée de Manavgat, un édifice très récent, que nous prenons plaisir à visiter. Une vue sur la belle fontaine extérieure Comme vous pouvez le remarquer, c'est en fait une imitation de la fameuse Sainte-Sophie d'Istanbul... Nous sommes assez impressionnés par la tolérance religieuse qui règne ici. Normalement, les non-musulmans ne peuvent pas visiter de mosquées, et ceci dans la plupart des pays. Pour cette visite, on nous demande juste de nous déchausser, si on est d'accord de se couvrir la tête, mais ce n'est pas obligatoire. Et le guide nous surprendra en se mettant à raconter des histoires drôles sur la religion à l'intérieur même de la mosquée... La laïcité imposée par Mustapha Kemal Atatürk n'est pas un vain mot : non seulement les Turcs y sont très attachés, mais cet ancien homme d'état, qui fit entrer le pays dans la modernité à partir de 1922, est toujours une idole absolue et un modèle pour les Turcs. On trouve des photos, des sets de table, des magnets, des porte-clefs...etc à son effigie un peu partout Une chose intéressante : les imams, c'est à dire l'équivalent des prêtres dans la religion musulmane, sont des fonctionnaires de l'Etat en Turquie. C'est un moyen pour l'Etat de contrôler ce qu'ils racontent, c'est à dire en fait d'éviter la propagation de thèses radicales. Si le prêche d'un imam est considéré comme choquant, intégriste ou contraire au principe de laïcité, il risque tout simplement de se faire virer et de ne plus avoir donc le droit d'exercer, et comme ils sont confortablement payés, ils évitent tout radicalisme Le lendemain, très tôt, nous faisons un tour dans un délicieux parc frais et ombragé, aux cascades Kursunlu, lieu de promenade pour les familles le week-end Une bouffée d'oxygène et de verdure après les paysages arides de la Cappadoce | |
| | | constance Prophète
Nombre de messages : 4029 Date d'inscription : 07/07/2007
| Sujet: Re: Carnet de route en Turquie Dim 24 Mar - 17:31 | |
| 5ème partieNous touchons à la fin de notre périple, puisque nous voilà à Antalya, la Riviera turque. On aime ou on déteste, évidemment... Agrandir cette image Cette ville, devenue tentaculaire suite à son succès touristique, ne doit pas faire oublier quand même la beauté du lieu, abstraction faite des trop nombreuses constructions qui défigurent une partie de la côte Agrandir cette image La région fut habitée dès le paléolithique, de par sa situation sur la côte méditerranéenne, la douceur de son climat et sa richesse. La ville en elle-même fut fondée par Attale II de Pergame au IIe siècle avant JC, puis devint une ville romaine. Hadrien s'y rendit et un arc de triomphe fut même érigé en son honneur. Les byzantins succédèrent aux romains, puis les turcs seldjoukides s'emparèrent de la ville en 1207, eux-mêmes évincés par les mongols, chassés par les ottomans. Après la 1ère guerre mondiale, l'empire ottoman fut démantelé et Antalya concédée aux Italiens, qui furent rapidement balayés pas les armées d'Attatürk. Avec toute cette salade de civilisations, la ville présente un aspect indéfinissable, méditerranéen plus que turc Agrandir cette image Par contre, le très typique Yivli Minare, le "minaret cannelé", construit au 13e siècle par une sultan seldjoukide, est devenu le symbole de la ville. Ce qui est amusant, c'est que j'ai vu des constructions identiques en Inde, à Delhi. Agrandir cette image L'après-midi, nous nous promenons dans la vieille ville. Toute visite qui se respecte débute à la très patriotique place de la République Agrandir cette image Nous retrouvons les typiques étalages orientaux Agrandir cette image Il subsiste encore quelques belles maisons de style ottoman Agrandir cette image Enfin, nous arrivons en bas de la ville, au port de plaisance Agrandir cette image Agrandir cette image Et là, toute la beauté de la baie d'Antalya nous console un peu de ce hideux bétonnage et de tous ces marchands du temple qui essaient de nous fourguer leurs souvenirs made in China Agrandir cette image Une vue époustouflante sur la chaîne du Bey et la mer encore sauvage Agrandir cette image Le lendemain matin, sous un soleil éblouissant, nous nous rendons sur le site d'Aspendos, le théâtre antique le plus beau de toute l'Anatolie et l'un des mieux préservés du monde romain Agrandir cette image Ce théâtre fut construit vers 162 après JC par l'architecte Zénon (pour, dit-on, obtenir la main de la fille du gouverneur), sous le règne de Marc-Aurèle. Aspendos était alors un important centre pour le commerce. Détail d'un chapiteau Agrandir cette image En ruines depuis des siècles, c'est Atatürk qui décida dans les années 30 de le faire restaurer et de le remettre en servce Agrandir cette image On y donne aujourd'hui des opéras, des spectacles de danse, des concerts et des manifestations folkloriques Agrandir cette image Agrandir cette image Il faut imaginer toute une foule envahir les gradins, ce qui ne manque pas de se produire durant le festival d'été Agrandir cette image Le guide nous fait remarquer l'état de conservation exceptionnel des coulisses. Pour ma part, je reste près d'Annie, qui, entre mille choses dans sa vie, a écrit un opuscule sur les théâtres grecs et romains. Je profite donc d'un cours magistral sur l'architecture... Agrandir cette image Puis nous parcourons la campagne pour aller admirer l'aqueduc romain d'Aspendos, mais j'avoue que je suis en premier lieu fascinée par les champs de coton. Il faut savoir que la première récolte, celle où les fleurs sont les plus belles, et donc vendues au plus haut prix, a déjà eu lieu. Là, il s'agit de la 2e récolte, les fleurs sont souvent de moins bonne qualité. Parfois même, les propriétaires ne se donnent même pas la peine de les faire ramasser si la qualité est trop médiocre, ils laissent les glaneurs les prendre. Il peut arriver certaines années qu'il y ait même une 3e récolte Agrandir cette image Les fleurs donnent une irrésistible envie de les toucher, on les dirait prêtes à l'emploi pour se démaquiller ! Agrandir cette image Ici on voit sur le même buisson un bouton (presque noir) et une fleur épanouie Agrandir cette image Et ici, la fleur du coton avant qu'elle ne devienne duveteuse Agrandir cette image | |
| | | constance Prophète
Nombre de messages : 4029 Date d'inscription : 07/07/2007
| Sujet: Re: Carnet de route en Turquie Dim 31 Mar - 17:10 | |
| 6ème partie."Je me suis baignée seule dans la rivière de la forêt. Sans doute je faisais peur aux naïades car je les devinais à peine et de très loin, sous l'eau obscure. Je les ai appelées. Pour leur ressembler tout à fait, j'ai tressé derrière ma nuque des iris noirs comme mes cheveux, avec des grappes de giroflées jaunes. D'une longue herbe flottante, je me suis fait une ceinture verte, et pour la voir je pressais mes seins en penchant un peu la tête. Et j'appelais : « Naïades ! naïades ! jouez avec moi, soyez bonnes. » Mais les naïades sont transparentes, et peut-être, sans le savoir, j'ai caressé leurs bras légers." Ce délicieux poème, je le lisais adolescente, sous le manteau puisqu'il s'agissait du très sulfureux recueil de Pierre Louÿs, "Les chansons de Bilitis". Et Bilitis, cette poétesse des temps antiques qui chantait les amours saphiques, en fait inventée par l'auteur, voilà son fleuve. Je n'en reviens pas de trouver ici, près de la ville d'Antalya, ce beau fleuve qui porte le nom de cette héroïne ô combien romantique... surtout que le nom actuel, Belkis, est aussi un des noms de la reine de Saba. Nous sommes dans un paysage de forêts méditerranéennes, nichées sur le contrefort des montagnes, avec de part et d'autre de grands vergers de grenadiers, une des très grande spécialité de la Turquie Un beau pont de l'époque selldjoukide enjambe le fleuve Je reste un long moment à admirer les reflets sur les eaux vives, qui portent peut-être en elles le souvenir de la belle Bilitis Après, nous avons le choix : aller faire une ballade dans la ville d'Antalya, se baigner dans la mer, ou visiter quelque chose d'un peu plus culturel. La ville, ça va, on croirait une station balnéaire espagnole surdimensionnée... la plage, avec tous ces rochers, ce n'est guère facile... reste l'option que nous recommande Annie, celle d'aller visiter le musée archéologique d'Antalya. C'est absolument inratable, dit-elle, l'un des plus beaux musées qui existe. Je ne risque pas de le rater, avec une telle recommandation. Et effectivement... Ce musée est le véritable trésor de la ville d'Antalya Il possède une collection unique de sculptures romaines en marbre, pour l'essentiel du 2e siècle après JC, provenant en grande partie du très riche site archéologique voisin de Pergé La galerie consacrés aux dieux et aux déesses a été récemment rénovée. Vous reconnaissez ici les trois Grâces Et là Esculape, le protecteur des médecins Une galerie entière est consacrée aux têtes de statues. Certaines expressions sont réellement étonnantes, tellement humaines et touchantes... et puis il se passe un phénomène étrange : on a l'impression que certaines vous suivent des yeux J'aime beaucoup cette tête là, les traits sont vigoureux et typés, on dirait un roi babylonien Et cette délicieuse jeune fille, son regard parait plein d'innocence. Je reste songeuse devant le travail de ces artistes, qui ont réussi il y a tant de siècles à faire sortir de telles expressions de la pierre Bon, celui-là, c'est un peu mon chouchou. Annie se fiche de moi parce que je le trouve terriblement sexy et que je m'attarde I y aussi dans ce musée une immense collection de sarcophages Et ce gisant, que je trouve particulièrement émouvant Et puis le clou, cette statue toute récemment restaurée du dieu Poseïdon Notre dernier diner à Antalya. Nous le prendrons sur la terrasse du restaurant, bras nus dans la douceur du soir... nous sommes à la mi-octobre et l'hiver sévit déjà à Paris, où nous retournerons dès le lendemain matin, riches de toutes ces images fabuleuses gardées précieusement dans notre mémoire, et que j'ai eu plaisir à partager, ne serait-ce qu'un peu, avec vous tous Pour en finir avec ce carnet de voyage en Turquie, une dernière pensée de Mevlâna, le fondateur de l'ordre mystique des derviches-tourneurs : "Sois comme l'eau courante pour la générosité et l'assistance. Sois comme le soleil pour l'affection et la miséricorde. Sois comme la nuit pour la couverture des défauts d'autrui. Sois comme la mort pour la colère et la nervosité. Sois comme la terre pour la modestie et l'humilité. Sois comme la mer pour la tolérance. Ou bien parais tel que tu es ou bien sois tel que tu parais." | |
| | | Nighty Guide
Nombre de messages : 600 Age : 61 Date d'inscription : 23/11/2009
| Sujet: Re: Carnet de route en Turquie Lun 1 Avr - 15:08 | |
| La Cappadoce me tente depuis longtemps, mais tes photos et tes commentaires sont vraiment top et je vais remettre ce projet au gout du jour ! Merci pour la qualité de ton post. Bisous ! | |
| | | constance Prophète
Nombre de messages : 4029 Date d'inscription : 07/07/2007
| Sujet: Re: Carnet de route en Turquie Lun 1 Avr - 21:59 | |
| Merci pour ton passage, Nighty. C'est en effet un très beau projet de voyage, et je suis bien contente si ce carnet t'a redonné envie de faire un tour dans ce pays étonnant. | |
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| Sujet: Re: Carnet de route en Turquie | |
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| | | | Carnet de route en Turquie | |
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