Un petit pas pour l’homme...
X12RK marchait tranquillement sur ce sol gris et poussiéreux. Rien n’indiquait qu’ici avait fleuri une civilisation avancée. Pas de signe d’une quelconque technologie. Aucun édifice majestueux. Rien que de la poussière. Le ciel s’assombrit. La pluie commença à tomber. Il était temps de rentrer au nid. Le petit robot nettoyeur débraya et fonça se mettre à l’abri. Encore une journée de passée !
Les humains avaient bien fait de déserter cette planète jadis florissante et désormais inhospitalière. Il n’y avait plus rien à en tirer. Autant la sanctifier. C’était sa tâche à X12RK. Il avait été conçu pour ça. Son employeur, grand acteur de l’immobilier, avait cru bon de racheter cette concession à un prix certes astronomique mais encore abordable. Qu’allait il en faire une fois balayés les derniers vestiges de la destruction ? Une telle désolation ne pouvait laisser augurer d’un usage économiquement rentable. Un parc d’attractions au milieu de nulle part n’était pas une option sérieuse. Les humains avaient installé leurs bases loin de ce système solaire, de ces souvenirs douloureux de batailles interminables et de querelles intestines. Plus personne ne voulait se rappeler cette époque où ils se tapaient dessus à longueur de temps sous des prétextes fallacieux. On avait dépassé tout ça chez l’homo spatium.
Il existait bien des rumeurs au sujet de la construction d’un funérarium géant, à l’échelle planétaire. L’idée en soi était séduisante. S’il y a bien un domaine dans lequel ces humains sont imbattables c’est la mort. Dès leur enfance, ils en sont gavés d’images incessantes de la Bible, ce récit où s’enchainent guerres, crucifixions et jugements derniers. Ensuite ils passent leur jeunesse à apprendre le maniement des armes les plus destructrices, comme si ces jouets technologiques étaient sans conséquence pour la santé. Enfin, la moitié d’entre eux travaille pour l’industrie de l’armement, sous couvert de recherche scientifique. Et pour rentabiliser le tout, ils testent leurs nouvelles trouvailles sur les indigènes de mondes colonisés. Combien de poulpes d’Aldéraban 333c, de méduses de Lyrae 521h, d’oursins de la constellation du Cheval, ont été occis pour le bien de la science ? Ces peuplades locales ne demandaient pourtant rien à personne, déjà bien occupées qu’elles étaient à synthétiser l’oxygène et à se protéger des radiations ou de l’énorme pression de leur planète natale. Mais les humains, quand ils ont une idée en tête ils ne l’ont pas ailleurs. Résultat, ils foutent le bordel partout où ils passent.
X12RK n’était pas objectif. Cela datait du siècle dernier, quand il fut muté sur cette planète avec comme mission de la nettoyer de fond en comble. Et ça c’était le pompon. Il s’énervait, avec de bonnes raisons et un processeur adapté à ce comportement. Quand on pense qu’à l’origine il avait été conçu pour enseigner le stretching. Quelle déchéance ! Mais chez les robots aussi l’emploi restait précaire.
Quand même, ces humains n’avaient rien appris ! Pourtant la technologie du bond leur avait permis de se déplacer de galaxies en galaxies, de découvrir des contrées encore inexplorées, de rencontrer d’autres civilisations intelligentes. Mais comme personne ne semblait capable de calmer leurs ardeurs, ils avaient asservi l’univers visible. Et les autres espèces avaient trinqué.
X12RK arriva au nid juste avant que la tempête ne se déchaine. Il rangea ses instruments dans la centrifugeuse radiale, posa son cubique séant sur un rondin de fer et se servit un verre de Motul. Demain est un autre jour comme il se le disait depuis cent ans. Il se déconnecta.