un bon petit diable

chacun voit minuit à sa porte
quand le diable est entré
je lui ai dit merci
il était cinglé
d'un très large sourire
et derrière ses lunettes noires
le feu coulait
en une flamme perpétuelle
ses yeux ourlés de velours
lorgnaient
une partie d'échecs
à ce jeu-là
j'étais sûre de le perdre
il a gagné
ses pénates
emportant avec lui
un morceau de coeur
tout tremblant
qu'il a rangé dans une cage

il l'écoute chanter
parfois
en sirotant un verre de bourbon
bien calé dans son fauteuil

après avoir retiré le voile épais
qui cache l'obscurité de la prison dorée

le coeur brisé hurle à tue-tête
et cette musique a le charme
suranné
des vieux coucous
d'un autre siècle
qui grincent du disque
et de rage

le petit diable est très fier
de ces chapardages
il conserve au fond de sa cave
une anthologie de ses meilleurs mots
les plus fondants
les plus confondants
et des tonnes de voix musicales
stridentes et criardes

dieu
la vie serait moins riche
si toutes les femmes
arrêtaient de me prendre
pour don juan

mais dieu qui n'existe pas
envoie sur la terre
son meilleur ministère
le saignant seigneur jésus
qui comme tout bon saucisson
s'écoute parler
et n'entend personne

ce dialogue de sourd
pourrait durer longtemps
si le bon petit diable
n'était pas
bon

Ah la vache, j'en reste coite !
C'est bizarre, mais qu'est-ce que c'est bon...
Ce petit coeur enfermé dans une cage, et que le diable écoute chanter... et Jésus en saucisson saignant ? Etonnant.

Moi, ça me rappelle de vieilles lectures de Prévert, pleines de dérision.
J'a-dore Prévert ! Bravo Véro !
Mais n'y aurait-il pas une suite à cela ? On en redemande...
Cath

Encore un personnnage "délicieux" , miam maim!
Un poème bien ambigu tout de même...

Margo.

j'ai eu peur au début avec
"il était cinglé"
et puis on passe a la ligne suivante, et a toutes les autres, et on rit beaucoup...!

Un beau petit conte dont on peut faire plusieurs niveaux de lecture.
J'accroche juste un peu sur le rythme parfois heurté, mais tout comme Lame, j'ai apprécié la pirouette sur "cinglé"

Tiens, ça n'est pas sans me rappeler la comtesse de Ségur :
ce mélange miel et fiel où le bon fait le dernier bond après quelques égratignures et portraits au vitriol. Charmant exercice qui va bien à ton avatar.