Hôte somptueux, roi de l’Age d’Or,
Janus, vêtu de blanc, salue ses invités.
Chacun est à sa place, chacun connaît son rôle
Et sait quand il doit faire son tour sur la scène.
Saturne a retourné un sablier tout neuf.
Nul aléa ne rompt le lent défilement
De ceux qui filent et tissent la trame,
Du temps qui passe, du temps qu’il fait.
Surgissant d’un rideau de croches de pluie
Les Heures et les Mois ouvriront le bal,
Sur les pizicatti baroques de Vivaldi,
Répondant aux arpéges de l’orchestre des vents.
Depuis six siècles, le Duc tient table ouverte.
Pour fêter l’an nouveau, il traite richement
Sa noble parentèle entre l’ours et le cygne,
Le lys d’or héraldique flamboie sur champ d’azur.
Les écuyers de bouche garnissent les tranchoirs,
De viandes et volailles délicatement rôties.
L’échanson veille aux vins qui doivent couler sans trêve,
Et réjouir les palais de bouquets harmonieux.
Du haut de l’arc en ciel, Iris, pour se distraire
Se penche sur les vœux qui sillonnent l’éther.
Souhaits mécaniques, sitôt oubliés qu’envoyés,
Paroles sincères d’amour et réconfort.
C’est l’antique coutume, on doit y sacrifier
Malheur à qui omet quelque nom sur sa liste.
Mais le prudent gardien, dans sa grande sagesse
N’attend nul renouveau d’un seul chiffre qui tourne.
Eguinane: Au gui l'An neuf (breton)
Les strophes 5 et 6 sont inspirées de l'enluminure du Mois de janvier des Trés Riches Heures du Duc de Berry.