LE CERCLE Forum littéraire |
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| Une tâche de bleu dans la fournaise | |
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Kanlay Disciple
Nombre de messages : 33 Date d'inscription : 30/07/2007
| Sujet: Une tâche de bleu dans la fournaise Dim 17 Fév - 23:38 | |
| Un feu invisible semble m’entourer de toute part Je cherche des yeux quelqu’un d’autre que moi, mais la seule chose mouvante que j’aperçois à l’horizon est le soleil. Un soleil immense et rouge qui semble avaler la terre, sans jamais en être rassasié. Je marche depuis des heures, me semble-t-il, dans cette fournaise qui m’enveloppe de frissons électriques. Je ne transpire pas, je ne m’essouffle pas, je ne m’étouffe pas. C’est comme si la chaleur faisait partie inhérente de moi, et moi d’elle. C’est une douleur agréable, un brûlure apaisante, un refuge où mes pensées se laissent aller à leur grès, où mes sentiments s’étendent sans limite. Mais ils me reviennent. Violents, gorgés d’un sang bouillonnant, se fracassant contre les parois de mon crâne, et me renvoient l’image de mon visage torturé par la colère. Je serre les poings, et je marche, seul. Je finis par me demander quel est cet étrange pays où il n’y a pas âme qui vive, ou pourtant, il m’a semblé quelquefois frôler des ombres invisibles. A cet instant, le chaos qui règne dans ma tête est insupportable, des milliers de personnes qui seraient en désaccord à l’intérieur de vos propres pensées. Une multitude de questions m’assaillent, des questions auxquelles il m’est évidemment impossible de répondre, mais en ai-je un jour été capable ? Que fais-je ici ? Mais d’abord, où suis-je ! Je ne me rappelle de rien, sinon de cette atmosphère insoutenable, de cette route rouge si droite qui se courbe sous le poids de la chaleur et de mes yeux fatigués, de ce ciel rouge sans fin, de ce monde entier, rouge, rouge, où la seule frontière est le ciel à l’horizon d’un rouge de sang! Du rouge… Le rouge de ma colère ! Je serre les poings. Mais enfin ! Pourquoi suis-je condamné à errer, sans savoir à quoi rime tout cela ! Le tonnerre gronde. En moi comme dans cette plaine immense, mais où est la limite entre l’intérieur de mon âme et ce paysage chaotique et pourtant si morne ? Je hurle au ciel en levant les poings, et le rouge s’intensifie. « Bon dieu ! Mais pourquoi suis-je ici ? » Il y a ces visages, torturés de douleur, qui envahissent mon ciel lisse. Je les chasse d’un mouvement de main, mais ils reviennent, esprits informes qui se tordent sous mes yeux. Je peux bien frapper le vent, mais leurs hurlements sont comme mille lames qui voudraient m’arracher les oreilles. Mes yeux pleurent des larmes pourpres qui partent en fumée lorsqu’elles tombent sur le sol, ma peau est comme la braise. Je m’agenouille et pousse un long soupir.
Un long soupir… Bleu. « Pour comprendre » souffle l’air immobile. Qui a dit ça ? Ce n’est rien d’autre que moi… Il n’y a personne d’autre que moi. Un point glacé au milieu de mon front, une douleur vive qui s’étend dans l’air et fait fondre les mots. En cet instant plus qu’en aucun autre, je ressens l’infime passerelle qui sépare le froid et le chaud, le calme et la colère. Je n’aurais jamais pu le savoir, avant. Je n’ai jamais été calme. J’ai toujours réagit au quart de tour, j’ai toujours préféré l’action à la réflexion. Au diable toutes ces tergiversations qui ne mènent à rien d’autre qu’à l’immobilité et à l’impatience. Mais maintenant que je me retrouve confronté à cette rage qui est la mienne, je m’aperçois que je suis bien seul. Comme si tous mes sentiments avaient fui un fléau. Tous mes sentiments… sauf… Cette petite tâche bleue de mélancolie. Je secoue violemment la tête, comme pour la chasser. La tâche s’évapore dans un soupir violet, et la chaleur m’irradie de nouveau. D’où vient-elle? Où chercher pour en trouver la source insatiable ?
C’est en balayant le sable brûlant de ma main que j’ai découvert ce qui se cache derrière toutes ces impatiences. La terre est craquelée. Un liquide rouge sombre suinte d’une faille immense et sans fond. En enlevant le sable tout autour de moi, je découvre qu’elle est beaucoup plus grande que je ne l’imagine. Je me penche, les mains tremblantes, sur le rebord de cette fissure bouillonnante. Si plonger à l’intérieur pouvait m’apaiser… Cette pensée est presque noire, comment en voir la couleur ? Peu importe après tout. Pour connaître la raison de ma rage, je dois en explorer la source profonde. C’est comme si le trou béant de mon âme aspirait le reste de moi-même. Je bascule en avant, à une lenteur extrême. Ma chute est agréable, l’air est tout juste chaud, mais le monde est toujours écarlate. Bientôt le courant d’une rivière m’emporte dans son lit, et un bleu de tristesse envahit l’espace. Le froid de cette eau est effrayant, moins réconfortant que ma colère, mais ici je me repose enfin. Et puis… Tout apparaît, puis disparaît. Le regard désolé et interdit de Mathilde, et sa bouche écarlate qui me quitte. Ses dents qui mordent sa lèvre. Le regard dur et décidé de mon patron, et sa bouché pincée qui me vire. Le regard indigné de la concierge. Des jours de solitude, mort à demi dans le canapé. Et la télévision qui seule veut bien encore me regarder, avec ses sourires surréalistes suivis de guerre et d’effusion de sang, ses musiques infernales, et le monde de douleur qui m’apparaît, quand je n’ai plus rien. La rancune d’abord, et une frustration grandissante. Et plus rien à faire pour contrer les flammes de fureur. Le flot qui m’emporte est un long soupir désespéré. Une étreinte glacée qui m’apaise et m’endors. L’obscurité comme ultime berceau.
« il respire encore ! » Ces mains comme des griffes qui m’empoignent et me secouent. Je suffoque, je m’étouffe, je crache. Une substance rouge, molle et difforme jaillit de ma bouche. La main la saisit et la broie, alors que la masse semble se débattre. « Eh bien ! On peut dire que vous en aviez gros sur le cœur ! » Je ne sais que répondre, et j’ouvre les yeux. La lumière est aveuglante, et je ne peux les garder ouvert bien longtemps. « Où… Où suis-je ? parviens-je à murmurer entre deux toux. - Ouvre donc les yeux, et accepte ce qui est. J’obéit. La voix est douce, apaisante, mais impossible de dire s’il s’agit d’une femme ou d’un homme. Mon incertitude reste entière lorsque je vois l’être qui me sourit. - Je… je suis mort… Dis-je avec un soupçon de rancœur dans la voix - N’était-ce pas ce que tu voulais ? Je me redresse brusquement. La main me rallonge. - Mais non, ne t’inquiète pas. Tu as juste besoin d’un peu de repos.» C’est alors que je me rend compte de la beauté de ses yeux. Un paysage dans lequel je plonge indéfiniment.
Tout disparaît dans le bleu azur, l’espoir naît dans les nuages cotonneux. « Il faut oublier, les souvenirs s’échappent malgré tout, alors pourquoi tenter de les retenir ? » J’ai vu trop de fois la mer se refermer, trop de fois la lune disparaître derrière les douleurs sombres. Une voix mélodieuse s’élève de mon âme, comme des milliers d’oiseaux qui déploient leurs ailes vers un ailleurs de lumière. je lance mon regard à l’infini, où ma pensée ne peut être troublée, où seul demeure mon cœur emporté par la rumeur des vagues d’argent.
Je m’appuie à la rambarde et soupire. Un vertige de vert, et je retombe, échoué dans les yeux de cet ange. La mer s’étend pourtant, là, je l’aperçois, timide, derrière les rochers. A l’opposé, la terre rougeoie encore. Il n’y a pas de limite à cette frontière. Une ligne d’ocre et de bleu qui s’étend à l’infini.
Sur les flots apaisés flotte une barque d’émeraude. Qui voudrait traverser l’océan à bord d’un tel radeau ? Pourtant mes pieds me poussent vers le bord de l’eau. Et l’être m’attend déjà, à l’intérieur, l’air toujours calme et transparent. Sur ma route je laisse des traînées de rouge, des ruisseaux encore chauds de colère. Je me vide peu à peu de toute cette matière bouillonnante, de la terre qui colle, tenace, à mes pieds. Mais un nouvel espoir, une pensée légère, m’envahit, tout en quittant la côte matérielle.
Peut-être qu’ailleurs se trouve les réponses à mes questions. Peut-être là-bas, Derrière les barrières de l’horizon ? | |
| | | constance Prophète
Nombre de messages : 4029 Date d'inscription : 07/07/2007
| Sujet: Re: Une tâche de bleu dans la fournaise Lun 18 Fév - 0:14 | |
| Un texte intrigant et riche. Je crois qu'il faudra que je le lise et relise avant de pouvoir en faire un commentaire constructif. Là, je réagis "à chaud", si l'on peut dire... J'aime cette ambiance un peu surréaliste, onirique, j'aime les couleurs de tes sentiments, et j'aime la profondeur de ta réflexion. Une plongée dans des questionnements, qui en génèrent d'autres encore. Fort. | |
| | | filo Admin
Nombre de messages : 2078 Age : 52 Signe particulier : grand guru Date d'inscription : 06/07/2007
| Sujet: Re: Une tâche de bleu dans la fournaise Lun 18 Fév - 19:19 | |
| On semble traverser un rêve, une introspection onirique et symbolique. Et bien sûr ça me plait. C'est étrange ça me rappelle énormément un texte que j'avais écrit à 16 ans : La célébration du Silence, en tout cas au niveau de l'ambiance et de la narration. Quelques corrections à faire : - "se laissent aller à leur grès" : gré - "J’ai toujours réagit" : réagi - "Cette petite tâche bleue" : tâche avec l'accent est la tâche à accomplir ; ici c'est sans accent - "la source insatiable" : l'insatiabilité serait plutôt du côté de la réception que de l'émission, et donc non de la source. Ici ce serait plutôt "la source inépuisable". - "et sa bouché pincée" : "bouche", je suppose (sinon bouchée avec un e) - "Une étreinte glacée qui m’apaise et m’endors" : m'endor t
- "je ne peux les garder ouvert" : pluriel, ouvert s- "J’obéit" obéi s- "je me rend compte" : rend s(Constance : "intrig uant" [puisque j'y suis] ) Mention spéciale pour la phrase "J’ai vu trop de fois la mer se refermer, trop de fois la lune disparaître derrière les douleurs sombres" | |
| | | constance Prophète
Nombre de messages : 4029 Date d'inscription : 07/07/2007
| Sujet: Re: Une tâche de bleu dans la fournaise Lun 18 Fév - 19:49 | |
| Heu oui, pardon, ô redoutable Filo... j'ai eu un doute, mais comme mon dictionnaire roupillait sur l'étagère, je n'ai pas eu le courage de le déranger encore une fois (je l'ai mis à côté de mon dico d'anglais, dans l'espoir qu'ils me fassent des petits bilingues, mais rien à faire !). | |
| | | Farouche Gardien de la foi
Nombre de messages : 452 Date d'inscription : 22/05/2008
| Sujet: Re: Une tâche de bleu dans la fournaise Dim 8 Juin - 0:25 | |
| - Citation :
- (Constance : "intriguant" [puisque j'y suis] )
mais peut-être que Constance voulait dire que ce texte recourt à l'intrigue pour parvenir à ses fins, auquel cas, intrigant sans u est correct (admire, Constance, les prodiges de la solidarité féminine !) | |
| | | constance Prophète
Nombre de messages : 4029 Date d'inscription : 07/07/2007
| Sujet: Re: Une tâche de bleu dans la fournaise Dim 8 Juin - 1:57 | |
| Ca alors, c'est vrai, je viens de vérifier ! Y'a Filo qui m'a corrigé pour des nèfles, tssss J'admire, Farouche... merci donc. | |
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| Sujet: Re: Une tâche de bleu dans la fournaise | |
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| | | | Une tâche de bleu dans la fournaise | |
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