Le lendemain sur le chemin de l’école, les oiseaux perchés sur les branches nues des arbres sans feuilles, saluèrent Petit Pierre de leur chant léger. « Pauvres petits oiseaux ! » Nul abri pour réchauffer vos plumes lègéres, nulle maison pour vous protéger du froid de l’hiver ; à présent que tout était devenu gris, il était bien triste d’être un oiseau. Car tout était devenu gris, un jour. Nul ne savait quand, nulle ne savait comment. Les uns disaient que les couleurs avaient déserté ce monde après une éclipse. Les autres prétendaient que c’était cette pluie incessante qui les avait peu à peu effacées de la terre. D’autres affirmaient même que le monde des couleurs n’avait jamais existé; que c’était une légende, une histoire comme celle qui commence par « Il était une fois ». Enfin, personne ne savait vraiment et le gris était devenu peu à peu couleur locale.
..................
Dring, drelin, drelin !… La sonnerie de l’école tintinnabule ! Et Petit Pierre se lève précipitamment et vite, vite, met ses affaires dans son cartable …
« Petit Pierre ! » lui crie Olivier, « n’oublie pas de venir à mon anniversaire, demain !
_Oui, oui ! » dit Petit Pierre en enfilant son manteau et vite, vite il dévale les escaliers quatre à quatre, pousse le portail de l’école et court, court, court sur le trottoir gris de la rue grise quand soudain : « Aïe!», Petit Pierre tombe, Petit Pierre tombe et roule comme pierre sur le pavé gris de la rue grise ! … « Aïe ! aïe ! aïe ! » Il est par terre, le visage contre terre.
« C’est malin ! »
Alors Petit Pierre lève la tête et aperçoit là, juste au dessus de lui, une petite fille aux grands yeux rieurs.
« Tu veux que je t’aide ?
_ Non, ça va, ça va ! » lui répond Petit Pierre vexé.
Et il se lève. Il a mal mais il se lève. Et la petite fille reste là, campée juste en face de lui, avec sa natte de cheveux clairs avec au bout un gros nœud gris. Elle est jolie !…
« Tu es sûr que tout va bien ?
_ Oui ! » lui lance Petit Pierre avec impatience.
« …Excuse-moi, je voulais simplement t’aider. »
Et Petit Pierre la regarde …Il voudrait parler mais aucun mot ne sort de sa bouche.
« Bon, et bien… Salut !… »
Et la petite fille s’en va, sautillant sur les pavés gris de la rue grise. Et Petit Pierre reste là sans bouger avec son genou qui saigne et son pantalon déchiré. Il a du mal à marcher et reprend doucement le chemin de la maison.
.....................
Ils sont tous là :Luc, Marie, Isabelle, Brigitte et Mario, Lucille et Ludivine, Rick, Fab et les autres.
« Encore en retard » dit Corinne.
« Celle-là » dit Petit Pierre, « il faut toujours qu‘elle fasse des commentaires ! »
Tout à coup les rideaux de la salle à manger se ferment comme par enchantement et tout le monde se retrouve dans la pénombre. Caroline comme toujours commence à rigoler et Karine lui dit de se taire… « Chut ! … »
Dans l’entrebâillement de la porte, apparaît la mère d’Olivier tenant dans ses mains un grand plateau sur lequel est posé un énorme gâteau avec dessus 9 bougies toutes grises ! C’est alors que oh surprise ! elle entonne avec un beau sourire une petite chanson douce et joyeuse qui dit : « Joyeux anniversaire ! joyeux anniversaire ! joyeux anniversaire Olivier !!! joyeux anniversaire !… » et tous restent là bouche bée car ils savent bien qu’ « IL EST INTERDIT DE CHANTER ! ». Aussitôt quelqu'un frappe violemment à la porte et la maman d’Olivier devient toute blême.
« Je reviens les enfants. » dit-elle en posant le gâteau sur la table .
« Ha ! Bonjour Madame Macon ! »
Soudain règne dans la pièce un silence glacial.
Madame Macon, la voisine d’Olivier ! Madame Macon dont le petit fils vient de réussir "avec succès" son examen d’entrée à l’office principal du comité de salut public ! Madame Macon et son vieux chien « Tonnerre » qu’elle promène matin et soir en traînant ses vieilles pantoufles sales sur le trottoir ! Son vieux chien qui ne peut même plus avancer et qu’elle traîne cependant sans cesse en criant « Allons Tonnerre ! du nerf ! »
On dit qu’elle a toujours avec elle une vieille boîte de bonbons au miel et qu’il ne faut jamais en accepter quand elle s’approche de vous en disant :
« Tiens, mon garçon, un bonbon au miel! C'est bon pour la gorge et ça adoucit l'humeur!
Tiens mon mignon, un calisson! c'est bon bon bon! c'est bon bon bon !
C'est bon pour l'expression, ça adoucit le ton!!
Tiens mon canard te v'là des « barambards »! c'est bon pour le cafard quand tu seras dans l’ noir!
Tiens , mon tout p’tit te voilà un « boumty »! c'est bon pour tes ennuis, te fais donc plus d'soucis!
WOUAFF!! wouaff!!
Silence Tonnerre! »
Il paraît que certains enfants auraient disparu après en avoir mangé … des bonbons de madame Macon! On dit même qu‘elle possède un vieux poêle à charbon et que peut-être … mais personne ne sait vraiment…
« Oui, Madame Macon !… Bien, Madame Macon. Cela ne se reproduira plus !C’est que c’était l’anniversaire d’Olivier vous comprenez … Oui, oui, le comité… ! Je vous souhaite une bonne fin d’après-midi Madame Macon… Oui, merci pour votre compréhension … »
Et la porte se referme.
« Enfin, on a encore le droit de manger des gâteaux ! …»
«… Petit pierre! Tu reviens jouer !
_ Non, j’ai plus envie. » dit Petit Pierre en engouffrant la dernière part de gâteau qui restait sur la table de la cuisine.
« On se connaît, non? »
Petit Pierre sursaute. Il se retourne et se retrouve nez à nez avec la petite fille au nœud gris, celle-là même qu’il a rencontrée hier quand il
s’est retrouvé le nez par terre.
« Décidément ! Heu, bonjour! » poursuit-il en avalant tout rond l'énorme quantité de nourriture qu’il a dans la bouche.
« Tu es moins pressé aujourd’hui ?
_ Oui, oui ; j’étais en retard, tu sais.
_ Tiens , vous vous connaissez tous les deux? » demande Olivier en posant dans l’évier une pile d’assiettes sales.
« Un peu » dit Petit Pierre gêné.
_ Tu savais que j’avais une sœur ?
_ Heu non…
_ Hé oui, la sœur qu’on invite toujours à la fin des anniversaires !
_ Pourquoi, tu m’as invité toi, à ton anniversaire?
_ Non, mais moi je te présente mes copines.
_ O.K : Pierre, je te présente Marguerite.
_ Bonjour Pierre ! » lui dit Marguerite avec un sourire malicieux.
C’est à cet instant que Petit Pierre vit que les yeux de Marguerite étaient bleus. D’un bleu intense et profond , « comme un océan ! »
_Qu’est-ce qu’il t’arrive Pierre ?, on croirait que tu vois un fantôme !
Heu … bon ben …il faut que j’y aille, moi … je suis en retard !Heu… à bientôt alors !… » lance Petit Pierre avant de refermer la porte d’entrée et de s’engouffrer dans l’allée.»
_« Elle avait bien les yeux bleus ! Non, ce n’est pas possible ! J’ai du rêver… »
A suivre...