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 LA JUSTE PAROLE - I - Le Prophète

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filo
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MessageSujet: LA JUSTE PAROLE - I - Le Prophète   LA JUSTE PAROLE - I - Le Prophète Icon_minitimeJeu 9 Oct - 17:58

LA JUSTE PAROLE - I - Le Prophète Couvparcheminwxt6



La cohérence du Grand Tout est d’une portée si vaste
qu’on ne peut l’appréhender.
Seule la foi nous permet d’entrevoir sa perfection dans l’imperfection.

Chroniques de la Juste Parole - Le septième âge - Avènement du Prophète - v.15-17








1ère partie: LE PROPHETE


-1- Prologue
Le contexte



Au nord du désert de Soghnie et jusqu’à la Mer Plate prospérait le royaume de Pancallie depuis si longtemps que la tradition orale elle-même ne pouvait plus en estimer l’âge. Les anciens prétendaient qu’après ses campagnes dans le Krannvag, Garivan I, lointain aïeul de leur Roi, n’avait pas eu besoin de batailler pour unifier les provinces du royaume autour de la ville de Pamaval.
La paix semblait toujours avoir régné de ce côté du Monde.

Pamaval, située selon les plus grands savants au centre du Monde, était un passage obligé sur la grande route des marchands de tous pays, un carrefour non seulement commercial mais aussi culturel, musical et scientifique. De nombreuses sciences y étaient enseignées dans son académie de renom, telles que la géométrie, l’algèbre, l’astronomie, l’astrologie, la médecine, ainsi que la littérature et les arts.

Le palais royal et l’Académie occupaient à eux seuls la pointe sud de la capitale. Ils étaient séparés par les jardins extérieurs du palais, où toutes sortes d’artistes - résidents et itinérants - proposaient leurs spectacles. Un festival permanent de théâtre, danse, musique, poésie, cirque, magie. On venait de loin pour s’y faire remarquer, et les meilleurs avaient toutes les chances de s’y distinguer suffisamment pour obtenir le privilège de donner une représentation devant la cour royale dans les jardins fermés ou dans une des cours du palais, ce qui était une consécration.

Le royaume de Pancallie, de tradition laïque, rayonnait depuis une quinzaine d'années sous une foi nouvelle : la Juste Parole. Une religion qui s'était développée de façon exponentielle depuis la découverte de plusieurs papyrus antiques dans un mur de la plus ancienne partie des bâtiments de l'Académie.
Le Roi Garivan, cinquième du nom, avec sa barbe tressée et sa couronne en cuir, ses airs de bon grand-père et sa voix douce, mais surtout la bonté et la sagesse qui le caractérisaient depuis son accession au trône, gouvernait la Pancallie de façon exemplaire, aux dires des états voisins. Il avait aussitôt donné l'exemple à son peuple en se convertissant à la nouvelle religion. Chaque année, plusieurs royaumes, proches ou lointains, suivaient cet engouement religieux, donnant ainsi à la Pancallie et à la Juste Parole une suprématie spirituelle peu à peu dans le Monde.

Il faut préciser qu'à cette époque, le Prophète annoncé par les écritures était alors en plein ministère.
Son nom était Mandi.



LA JUSTE PAROLE - I - Le Prophète Cartepancallie11bk







-2- Les préceptes-

Sa mère donnera sa vie pour qu’Il naisse
au désert le premier jour de la Comète de Mandi.
Son vrai père et Sa vraie mère seront le Grand Tout.
Il resplendira par Sa beauté et Son esprit,
à toute question Il trouvera réponse.
Il viendra en homme et partira en femme.
Chroniques du Grand Tout - Le Septième Âge - Avènement du Prophète- v.32-37



Mandi avait seize ans lorsque survinrent ses premières règles. Il allait être plus difficile encore de se faire passer pour un garçon, mais cette puberté tardive n’était-elle pas une mystérieuse conséquence, après tout, de son travestisme permanent, ainsi que son peu de seins et l’étroitesse de son bassin ? Elle supposait que la vraie raison en était plutôt l’entraînement physique intensif quotidien auquel son grand-père Burgan, le Grand Prêtre, l’avait soumise et habituée depuis six ans, pour lui forger un corps plus musclé et donc d’apparence moins féminine.

Cette indisposition arriva pour la première fois un septième jour de la semaine, qui était son jour, pour les Justes : le Jour de Mandi, jour également de sa naissance. Ce jour-là, elle allait toujours prêcher au temple le matin pendant deux heures.
C’était en quelque sorte son travail hebdomadaire depuis six ans, mais elle ne le prenait pas comme une corvée ; au contraire, c’était un rendez-vous dont elle ne pouvait plus se passer.
Des centaines et des centaines de gens de toutes classes et de toutes les provinces du royaume emplissaient le temple chaque semaine. Ces pèlerins venaient parfois de très loin pour assister à ses prêches ; parmi eux, certains avaient mis plusieurs jours pour venir à Pamaval et en mettraient autant pour rejoindre leur village, lequel, pour la plupart, ils n’avaient jamais quitté de leur vie.

Mandi aimait tous ces gens. Ils l'appelaient "Seigneur" ! Ils venaient recevoir la Juste Parole, mais lui apportaient beaucoup d’amour et de soutien. A la fin de chaque séance, elle prenait quelques questions et tentait d’y répondre du mieux qu’elle pouvait...


“Seigneur, condamnes-tu ceux qui refusent de croire au Grand Tout ?

- L’aveugle-né qui ne croit pas en la lumière que tu lui décris est-il condamnable ? Toi qui vois, si tu le guides hors de l’ombre, ne pourra-t-il sentir la chaleur du soleil ? Le Grand Tout est autant en toi qu’en lui, mais lui Le découvrira peut-être autrement. Le Grand Tout réside autant dans ton assurance que dans son questionnement.

- Seigneur, Le Grand Tout entend-il mes pensées ? Voit-il mes actes ? S’ils sont mauvais, le sait-il ?

- Ton corps est une partie de Son corps, ton esprit une partie de Son esprit. Tu as cette responsabilité envers toutes Ses autres parties, qu’elles soient ton frère, un grain de sable sur lequel tu marches, l’oiseau qui ne te survolera jamais ou ton pire ennemi. Comme autant de parties de ton corps. Lorsque tu agis mal envers ce qui t’entoure, c’est comme si une de tes mains se mettait à donner des coups sur ta tête.

- Seigneur, qu’arrive-t-il après la mort ?

- Le Grand Tout prend le temps de tout essayer. Toutes les formes de vie, toutes les tournures d’esprit possibles ont existé, existent ou existeront. Mais cela ne peut être accompli en même temps ; nous avons chacun à notre tour la chance de participer à cette incommensurable expérience, à ce grand ensemble. Nos corps ne sont faits que de minuscules parts du Grand Tout, assemblées dans une forme précise et périssable, qui seront récupérées un jour ou l’autre pour reformer d’autres corps. Tout ce qui est bon est reconverti. Il en est ainsi de nos esprits: selon ce que tu auras apporté au Grand Tout, ton esprit aura le privilège de servir la matière à nouveau, tôt ou tard, pour s’efforcer à nouveau de contribuer au Bien. Ce que tu auras apporté de bien en suivant la Juste Parole sera ravivé dans une grande âme, lorsque, fort de tous les essais imaginables, le Grand Tout arrivera à la fin de ces expériences et qu’Il approchera de la perfection.

- Y aura-t-il alors seulement des êtres de perfection dans le Monde ?

- La perfection n’existe pas, car elle est différente selon chacun. La perfection pour moi est faite d’une multitude d’imperfections, dans laquelle la moindre perfection serait de trop. Mais oui, à la fin, tous ceux qui auront œuvré dans le bon sens revivront, rassemblés à travers un être presque parfait, un esprit de félicité à l’image de tout ce que le Grand Tout aura essayé de mieux. Ce sera alors la fin de notre espèce et du Septième Âge, et d’autres expériences pourront commencer pour le Grand Tout.

- Seigneur, est-il déjà temps ? Est-ce toi cet être presque parfait ?

- Non, je ne suis que celui qui apporte la Juste Parole. Le Grand Tout a mis beaucoup de temps pour former la matière juste et mettra en comparaison très peu de temps pour former cet être juste entre les justes. Mais nous ne le verrons pas, car nos vies ne sont que des instants pour le Grand Tout. Peut-être les enfants de vos enfants le verront, ou les enfants de leurs enfants. Mais chacun de vous a un rôle à jouer, et une chance, en suivant la voie juste, de renaître à travers Lui.
Lorsque le temps sera venu, un signe l’annoncera au Monde.”

- Seigneur, pouvez-vous nous rappeler les cinq grands principes, qui ne sont pas dans les Écritures ?

- Voici: le premier est :
La voie juste est l’équilibre entre les extrêmes.
Le second est:
L’homme doit à la nature et au Grand Tout le respect qu’un enfant doit à sa mère. Il doit respecter la vie et ceux qui la préservent. Encourager et faire le bien autour de soi contribue à améliorer le Monde.

Le troisième est :
Les hommes sont tous différents, et leurs différences sont des richesses. Les plus faibles et les plus démunis doivent être aidés, sans considérer cette aide comme due. La richesse matérielle entrave la richesse spirituelle.

Le quatrième est :
La violence et la haine n’engendrent que la violence et la haine. Le sage juste les ignore.
Ainsi, envier, juger, calomnier, voler ou porter atteinte à la liberté de quelqu’un ouvre la voie à la violence, à la haine et à la vengeance.
Ainsi la vengeance doit être proscrite car un deuxième tort ne fait pas la justice du premier.
Ainsi, les armes sont proscrites: posséder une arme signifie être prêt à s’en servir.

Le cinquième est :
Le silence et le vide n’ont pas toujours besoin d’être remplis.
La méditation la plus en accord avec le Grand Tout est celle que l’on ne provoque pas. Ce n’est pas une action, mais une non-action de la pensée.

Et aujourd’hui, j’en profite pour ajouter un grand principe:
Le libre-arbitre de la foi : Ne pas se laisser convaincre par des rituels et des dogmes prosélytes. Se forger plutôt sa propre foi intime.

- Mais Seigneur, intervint un vieillard avec un petit sourire, si je puis me permettre, ne pensez-vous pas que ce sixième principe soit paradoxal et puisse se retourner contre la Juste Parole ?

- La Juste Parole, contrairement à la religion Védiane par exemple, ou à celle des Enfants de Claïs, ne comporte pas de rite gestuel, n’impose pas de dogmes et évite le prosélytisme ostensible. Si quelqu’un le faisait un jour en son nom, il contredirait ce principe auquel je tiens. La Juste Parole n’est pas une forme de foi exclusive. Elle doit se borner à conseiller une voie, sans se proclamer la seule ou la meilleure.”


Mandi mit fin au débat et se retira dans une petite pièce au fond du temple, où elle avait l’habitude de se recueillir avant et après ses séances. Elle ôta la cape blanche dont elle se parait toujours en ces occasions et s’assit sur son tapis pour se détendre.

Elle avait les yeux noirs de son grand-père ainsi que sa chevelure, dont les boucles reposaient sur ses épaules, mais ses traits fins provenaient de sa mère. Sa mère qu’elle n’avait pas connue mais qui survivait à travers elle. Burgan ignorait tout de son père. Briteig ne lui avait rien dit sur son agresseur, hormis sa violence, la douleur et l’humiliation qu’il lui avait fait subir ; elle avait voulu tout oublier du visage malfaisant de celui qui l’avait prise de force.
Ma mère avait mon âge actuel, pensa-t-elle. Comment réagirais-je dans la même situation ? Aurais-je la force d’endurer un viol ? De ne pas ressentir de haine, comme je pourrais le conseiller moi-même ? Serais-je capable d’aimer autant que les autres celui qui me ferait cela ? Le mal fait aussi partie du Grand Tout. Et si un jour ils me demandent dans quelle proportion, je ne saurai, pour une fois, quoi leur répondre. Car la Juste Parole doit leur apporter foi et espérance en le Bien, non pas le constat subversif d’un équilibre à jamais pernicieux.


Le bruit de la foule se retirant du temple se dissipait peu à peu. Ses trois disciples et amis, Terik, Talym et Salya, veillaient toujours à ce que tout se passe bien au sein du temple.
Terik, le grand roux, la dépassait au moins de deux têtes. C’était un sculpteur issu d’une famille de marins pêcheurs venus autrefois du nord par la Mer Plate. Son père le considérant comme fils indigne, car il s’intéressait plus à l’art qu’à la pêche, il avait quitté la province de Sourman pour tenter sa chance à Pamaval, et pour y entendre la Juste Parole. Depuis trois ans, il y consacrait sa vie, et assistait Mandi du mieux qu’il pouvait.
Talym, le beau Talym aux yeux clairs était né deux jours après Mandi, alors qu’on voyait encore la comète dans le ciel. Son père avait grandi dans le désert mais habitait à deux heures de marche au sud de Pamaval avec sa femme dans une petite chaumière. Il y exerçait le métier de bûcheron et l’avait appris à Talym, qui préférait s’isoler dans sa caverne cachée au cœur de la forêt. Il était, selon l’avis de tous, prédestiné à la spiritualité et était venu assister à tous les prêches de Mandi, chaque semaine pendant deux ans, jusqu’à ce que le Prophète lui-même lui demande de rester à ses côtés, ce qu’il avait espéré ardemment.
Quant à Salya, ancienne danseuse et prostituée, lionne aux cheveux roux, elle avait décidé d’arrêter son activité suite à un prêche de Mandi dans la ville de Tholmé, et de suivre le Prophète pour le servir et apprendre de lui. Elle avait pourtant presque le double de son âge, mais son dévouement était total. Elle brillait par son agilité, son sens de l’observation, sa mémoire et sa connaissance des plantes.
C’est elle qui vint taper à la porte pour la prévenir que le Prince DeGans était là, et qu’il insistait pour la voir absolument.

“T’a-t-il dit pourquoi ?

- Non Seigneur, mais il a l’air très... enthousiaste.

- Bon, fais-le entrer”.

DeGans n’était pas l’aîné du Roi, et même s’il l’avait été, il n’aurait jamais remplacé son père. D’une part parce qu’il ne le voulait pas, d’autre part parce qu’il était homosexuel, ce que sa mère, la Reine Zinida, prenait pour une grave maladie, enfin parce que son frère, le Prince Garin, était son aîné et briguait déjà la place.
DeGans, à vingt-et-un ans, brillait déjà comme un scientifique respecté en devenir. Maître Pattyas lui-même, doyen de l’Académie, lui avait promis un poste de professeur de sciences à l’Académie de Pamaval dès l’année prochaine, mais la famille royale n’avait pas encore donné son accord.
Sans être excessivement efféminées, ses manières étaient douces et raffinées, et un sourire ornait en permanence son beau visage.
Brun, grand et mince, il avait des yeux exceptionnellement jaune ocre ; les filles de la cour en pinçaient vainement pour ce beau et jeune mâle qu’elles ne pourraient jamais séduire.
Il entrouvrit la porte et passa timidement la tête d’abord, les yeux grands ouverts comme le ferait un enfant, bouche fermée. Elle s’ouvrit soudain en un large sourire aussitôt qu’il aperçut Mandi dans la pièce, se levant de son tapis. Mandi ne l’avait pas imaginé si grand. Une longue chemise bleu nuit en soie, brodée de fil d’or sur les côtés et bordée de galons jaunes compliqués lui tombait jusqu’aux genoux, serrée à la taille par le turban doré de la famille royale. Ses sandales de cuir noir et sa toque noire en feutre étaient incrustées de petits brillants discrets, reliés entre eux par des arabesques comme ceux que portait aux tempes sa mère la Reine.
Il s’agenouilla devant Mandi, alors qu’elle s’agenouillait aussi devant lui, et ils dirent “Seigneur” ensemble. Le fou-rire commun qui en découla marqua le début d’une grande et fidèle amitié.

LA JUSTE PAROLE - I - Le Prophète Degansmandi17gd
DeGans rencontre Mandi - Illustration de Camille Dufayet


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MessageSujet: Re: LA JUSTE PAROLE - I - Le Prophète   LA JUSTE PAROLE - I - Le Prophète Icon_minitimeJeu 9 Oct - 23:36

Ah oui, je n'avais pas lu la version corrigée, où tu inversais l'ordre de certaines parties.
Ce changement me parait extrêmement judicieux.
D'abord, parce que dans la première version, le fait de présenter les personnages comme un tableau d'introduction paraissait plus conventionnel. Je ne me suis bien sûr jamais ennuyée en lisant ces descriptions, parce qu'elles sont très bien menées et assez passionnantes pour retenir l'attention, mais c'est une forme évidemment plus convenue de présenter les personnages au début.
Ensuite, parce qu'entre la partie 1 (Prologue) et la partie 2 (les Préceptes), tu crées une petite onde de choc en montrant d'emblée que le prophète est une fille. Je trouve que cela capte l'attention, et cela, évidemment, au début d'un livre, représente un atout non négligeable. On a vraiment envie de savoir le pourquoi du comment, et donc de poursuivre la lecture.
Donc, vraiment bien. Encore mieux.
Sinon, le fond est toujours... alala... je t'ai déjà dit que j'adorais ? Ah oui, vingt mille fois, hum...
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MessageSujet: Re: LA JUSTE PAROLE - I - Le Prophète   LA JUSTE PAROLE - I - Le Prophète Icon_minitimeVen 10 Oct - 10:15

Je ne peux que conseiller vivement à tous les membres de lire tout ce que Filo voudra bien poster de son excellent roman ! flower
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MessageSujet: Re: LA JUSTE PAROLE - I - Le Prophète   LA JUSTE PAROLE - I - Le Prophète Icon_minitimeVen 10 Oct - 13:55

-3- La conversion du prince-



Ignore tout ce que tu sais,
sache que tu ignores tout.

Chroniques de la Juste Parole - Evangile de DeGans - Chap.III- v.28-29



La conversion brutale du Prince DeGans à la Juste Parole déclencha une certaine polémique.
En effet, même si l’Académie cautionnait officiellement cette religion en respect de la voie tracée par feu Maître Thurul, précédent doyen, elle ne prenait plus part ni à son exégèse ni à sa propagation. C’était désormais l’affaire du Temple et du grand prêtre Burgan.
Maître Pattyas était, ce n’était pas un mystère, réfractaire à toutes formes de spiritualité ou de superstition, qu’il considérait comme autant d’entraves à l’évolution de la science. Pour lui, des livres de mythologie et de légendes n’avaient pas à dicter leurs lois sous prétexte qu’ils étaient anciens et qu’ils apportaient des ersatz de réponses aux grandes questions métaphysiques.
Il n’avait jamais exprimé officiellement son avis sur la nouvelle forme d’autorité - pour ne pas dire la fascination - qu’exerçait un adolescent un peu efféminé aux origines douteuses sur les foules depuis quelques années, mais son sentiment à ce propos était aisé à deviner.
Mais que le Prince DeGans, doublement éminent par son rang et ses exceptionnelles aptitudes dans le domaine scientifique, se transforme du jour au lendemain en un illuminé mystique, cela le surprenait, le décevait, et même l’exaspérait. De la part de son prédécesseur Maître Thurul, qui avait joué plutôt un rôle d’exégète, passionné d’histoire et de sciences humaines, il avait pu comprendre cet engouement, d’autant que le vieillard était alors au seuil de la mort ; mais de la part du prince, si jeune, si brillant, si conscient de la logique implacable de la nature, cet intérêt lui paraissait incongru, sinon louche.
Il en était là de ses réflexions lorsqu’on lui annonça la venue du Prince dans son bureau.

“Maître Pattyas, mes gens m’ont appris votre désir de m'entretenir, dit ce dernier en entrant, je suis venu aussitôt pour vous éviter ce déplacement au palais. Je crois deviner de quoi il s’agit, et je vous prie d’aller au fait sans ambages.

- Puisque vous m’y invitez. J’ai entendu parler de votre annonce publique en salle du Trône. J’ai cru comprendre que vous comptiez renoncer à votre rang de Prince du royaume de Pancallie ainsi qu’à tous les privilèges s’y rapportant, pour devenir disciple de Mandi, voire prêtre de la Juste Parole.

- On vous a rapporté l’exacte vérité, Maître.

- Permettez-moi de m’étonner de ce ... de cette...

- Conversion. Vous pouvez même dire renaissance.

- Mais enfin ! explosa le Doyen, pas vous, mon prince, n’importe qui, mais pas vous ! Comment pouvez-vous renoncer à tout pour ce tissu de superstitions ? De plus, votre voie est dans la science, vous étiez le premier à l’affirmer, et vous l’avez honorablement confirmé.

- Maître, j’ai à peine vingt et un ans, c’est à dire en gros soixante de moins que vous, je n’ai pas votre expérience et votre sagesse, mais j’ai tout mon temps. Le temps de me consacrer à la science, aux arts, à l’amour, à la spiritualité, et tant d’autres choses encore ; mais j’ai aussi un cœur et une âme qui ressentent avec une intensité inédite que, ici et maintenant, j’ai un rôle à jouer aux côtés de Mandi. Ses paroles me vont droit au cœur, elles me font entrevoir l’univers, le Monde et notre existence même d’une façon nouvelle dont l’authenticité ne fait pour moi aucun doute. Cette révélation m’emplit de joie et de foi.

- Et la science, bon sang, elle ne vous intéresse soudainement plus ? Et le poste de professeur, qu’est-ce que vous en faites ?

- Mais ce n’est pas incompatible ! La foi en le Grand Tout n’invalide rien de ce qui concerne la science, au contraire. Je suis convaincu que la combinaison des deux peut affiner considérablement la compréhension de la moindre théorie venant de l’un ou de l’autre bord.

- Ineptie ! hurla le Doyen en se levant le plus brutalement que son âge le lui permettait, ineptie ! Comment osez-vous m’asséner un tel argument ? Non seulement je m’oppose à cet amalgame, mais je vous préviens maintenant que vous devrez choisir entre le poste de professeur à l’Académie de Pamaval et celui de disciple de ce jeune beau-parleur !

- J’en suis désolé pour vous, mais mon choix est donc fait.

- Absurde.
Il se déplaça jusqu’à la fenêtre et fit face en silence aux jardins ensoleillés reliant l’Académie au palais royal. Il se retourna soudain avec un sourire suspicieux.
Je me demande dans quelle mesure ce beau jeune homme a réellement touché votre cœur ; est-ce le message qui vous séduit tant, ou le messager ?

- Comment osez-vous...? Vous ne vous adressez pas à n’importe qui. Je vous rappelle...

- Je ne m’adresse plus à un prince, ni à un scientifique prometteur de l’Académie, nous sommes d’accord. C’est votre propre décision. La mienne est de ne plus vous voir ici. Vous n’êtes pour moi plus qu’un de ces illuminés, inverti de surcroît. Sortez, DeGans !”


*



Pour les adeptes de la Juste Parole, c’était jour d’abstinence : pas de nourriture, pas de paroles. Terik avait donc attendu le coucher du soleil pour venir voir Mandi dans une clairière de la forêt au sud de Pamaval où elle se recueillait d’habitude, sous un immense chêne.
Elle jouait de la flûte, ce qui avait souvent pour effet d’attirer de nombreux animaux à elle, comme si sa musique les envoûtait. Terik resta à l’écart pour écouter et regarder. Il avait déjà assisté à ce miracle, mais cette fois, une diversité étonnante d’espèces entourait le grand chêne: renards, ours, biches, loups et chiens, sangliers, singes, écureuils, serpents, lynxs et chats sauvages, sans compter un grand nombre d’oiseaux de toutes sortes, fraternisant tous dans cet étrange recueillement.
Les notes effleuraient un thème mélodique, l’approchaient, l’évoquaient avec finesse et subtilité, puis s’y jetaient enfin, comme on se résout au plaisir charnel après l’avoir retenu et contourné. Le thème, riche dans sa simplicité mélodique, évoquait à Terik la nature et les éléments, la joie ou la mélancolie selon, comprit-il, ce que le souffle divin transmettait au souffle de Mandi.

Lorsque le dernier rayon de soleil disparut derrière le feuillage des arbres, elle cessa de jouer, et rangea sa flûte dans la longue poche de sa tunique prévue à cet effet. Les animaux, un à un, se retirèrent en silence.
Avant le soir, certains s'entretueraient peut-être selon les dures lois de la nature.

Elle vit Terik arriver de sa démarche lourde et hésitante, la mine encore béate du spectacle auquel il venait d’assister. Elle avait une énorme affection pour Terik. Auprès de lui, elle se sentait en sécurité. Il dégageait de la force, même s’il la gérait mal quelquefois.
Parfois, elle rêvait de lui, des rêves inavouables où ils se caressaient, s’embrassaient. Elle le déshabillait, passait la main dans sa toison rousse, sur ses muscles puissants, sur son sexe, qui s’érigeait, devenait énorme ; le sien devenait humide, et l’était encore à son réveil.
Elle n’en avait jamais parlé à son grand-père qui était la seule personne au Monde à savoir qu’elle n’était pas un garçon.
En vérité, elle avait honte de ces émois purement physiques, tout en sachant qu’ils étaient parfaitement naturels. Elle savait aussi que sa position de guide spirituel lui interdisait tout épanchement sexuel, ce qu’elle avait jusqu’ici bien assumé.

Mais voilà : DeGans avait surgi dans sa vie, et il était beau, charmant, intelligent, raffiné, pétillant. Elle savait qu’il préférait les hommes, et qu’il croyait qu’elle en était un, ce qui aurait pu rétablir en quelque sorte l’équilibre et laisser éventuellement des sentiments se développer entre eux, mais non : à oublier ! Ces pensées étaient proscrites.
Burgan lui avait annoncé maintes épreuves à surmonter, mais il n’avait jamais évoqué celle-ci. Elle devait rester forte. Les fidèles comptaient sur elle, les générations à venir aussi. Elle ne devait pas commettre d’erreur, elle devait respecter d’une part les prophéties, d’autre part les principes qu’elle énonçait elle-même, et qui devenaient la Juste Parole, sitôt émis.

Elle était lasse. Burgan lui faisait confiance et n’était plus toujours là à surveiller ses paroles, comme lorsqu’elle était plus jeune. Elle aussi avait confiance en elle-même, ou plutôt en la juste inspiration dont elle faisait toujours preuve au bon moment, et qui ne pouvait pas être chaque fois de son fait, ni celui de la providence. Ce qui la confortait dans le fait qu’elle était vraiment l’élue, prophète et voix de la Juste Parole. Malgré cette tromperie sur son sexe (qu’elle remettait régulièrement sur le tapis face à son grand-père qui trouvait toujours les mots pour la justifier, invoquant l'humanité et donc la faillibilité des auteurs des prophéties, qu'il fallait rendre parfaites aux yeux des croyants), malgré ses soupçons envers Burgan quant à l’authenticité de chaque phrase des livres qu’il était, après tout, le seul à maîtriser de par son rôle de traducteur, elle se sentait à sa place. Habitée.
Mais elle était fatiguée. De ne pas être anonyme, d’être adulée, de se travestir, de porter de telles responsabilités, et aujourd’hui de ne pas avoir droit à la volupté de l’amour.

Même si cela était possible pour moi, ce ne le serait pas pour lui...

“Je peux te parler, Seigneur ?

- Qu’y a-t-il, Terik ?

- C’est ce que j’aimerais savoir. Je te trouve soucieux, triste et même irritable, ces derniers temps. Particulièrement envers moi. Je me demandais si j’avais mal agi, contre toi ou le Grand Tout. Dis-moi ce qui ne va pas, Seigneur.

- Brave Terik ! Rassure-toi, je n’ai rien à te reprocher. Ta présence à mes côtés, ton aide et ton amitié me sont si précieuses... Tu ignores encore l’importance de ton rôle et de l’aventure que nous vivons. Nous avons sur nos épaules une immense responsabilité, celle de transmettre, de semer les germes de la foi dans le cœur de chaque homme et de chaque femme, de donner l’exemple aussi. Nous devons rester purs et intègres. Mais nous ne sommes que des humains, avec nos doutes, nos défauts et nos soucis personnels. Je n’y échappe pas moi-même, j’ai quelques soucis qui ne regardent que moi, et tu n’y es pour rien : tu n’as pas mal agi.
Va, maintenant, va aider Salya et Talym pour le feu et le potage. Nous allons veiller ce soir, et je vous présenterai le nouveau disciple, il nous rejoint définitivement aujourd'hui.

- Le Prince ? C’est donc vrai ?

- Il n’est plus prince ; il a tout abandonné pour nous rejoindre.”


LA JUSTE PAROLE - I - Le Prophète Disciples1sf3
Les premiers disciples : Terik, Salya & Talym - Illustration par Camille Dufayet


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MessageSujet: Re: LA JUSTE PAROLE - I - Le Prophète   LA JUSTE PAROLE - I - Le Prophète Icon_minitimeVen 10 Oct - 15:22

Moi aussi, je suis avec grand intérêt!

Une question cependant : n'y a-til pas une légère contradiction entre ces deux propositions:

"La Juste Parole, contrairement à la religion Védiane par exemple, ou à celle des Enfants de Claïs, ne comporte pas de rituels..."

et

"Pour les adeptes de la Juste Parole, c’était jour d’abstinence : pas de nourriture, pas de paroles. "

Le jeûne à partir du moment où il répond à une obligation religieuse, n'est-il pas un rituel?
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MessageSujet: Re: LA JUSTE PAROLE - I - Le Prophète   LA JUSTE PAROLE - I - Le Prophète Icon_minitimeVen 10 Oct - 19:51

Bonne question Margo.
Par "rituel" j'entendais ces gestes abscons que les fidèles de certaines religions sont tenus d'accomplir, comme la génuflexion, la répétition à voix haute de phrases lues, la projection d'eau ou d'encens dans plusieurs directions, le bain du baptême, le signe de croix pour repousser le mal, les prières obligatoires dans une direction particulières, etc...
Le jeûne et l'abstinence n'en font pas partie à mon avis.

Du coup j'ai corrigé "rituels" (en plus il y avait une faute, il ne fallait pas de S) par "rite gestuel". Merci !
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MessageSujet: Re: LA JUSTE PAROLE - I - Le Prophète   LA JUSTE PAROLE - I - Le Prophète Icon_minitimeVen 10 Oct - 23:25

Fine réflexion, Margo.
Sinon, Filo, le jeûne et l'abstinence font partie pourtant d'un vrai rituel.
Pas dans le sens religieux seulement : "mise en oeuvre de rites d'une religion (gestes, symboles, prières)", mais dans le sens sociologique du terme : "ensemble de comportements codifiés, fondés sur la croyance en l'efficacité constamment accrue de leurs effets, grâce à leur répétition".
Le jeûne est un moyen très utilisé dans toutes les religions, et les philosophies orientales également, pour se purifier, expier, atteindre un état particulier...etc. D'ailleurs hier, c'était la fête pour les Juifs, celle ils jeûnent toute la journée, et le Ramadan s'est terminé il n'y a pas longtemps. Je crois que pendant le shabbat, les Juifs n'ont pas de rapports sexuels non plus, donc c'est à jour fixe, comme dans ton livre (il me semble que ce n'est pas conseillé durant le Ramadan non plus).
Ca m'est arrivé de ne pas manger deux ou trois jours de suite, pour nettoyer mon organisme, mais mon rythme de vie actuel ne le permet plus vraiment. Sans compter toutes les fois où j'ai eu faim, tout court, mais je ne suis pas la seule... c'est très bon pour la tête, on se sent léger et plein d'énergie. Mais le corps apprécie peu.
Je relis avec plaisir ton texte, j'ai beaucoup apprécié cette phrase, qui résume bien ce que je pense du rapport réellement physique, physiologique, charnel, sensuel..etc, que l'on peut avoir avec la musique, lorsqu'on la ressent au plus profond de soi : "Les notes effleuraient un thème mélodique,
l’approchaient, l’évoquaient avec finesse et subtilité, puis s’y
jetaient enfin, comme on se résout au plaisir charnel après l’avoir
retenu et contourné."
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MessageSujet: Re: LA JUSTE PAROLE - I - Le Prophète   LA JUSTE PAROLE - I - Le Prophète Icon_minitimeSam 11 Oct - 21:31

Le chapitre 4 étant exceptionnellement long, je le sépare ici en trois posts :





(2 ans plus tard)
-4- Le cinquième disciple-


Le Prophète choisira cinq fidèles parmi ses fidèles
Quatre parcourront le Monde pour prêcher la Juste Parole, dans les quatre directions,
le cinquième consignera son histoire pour les générations à venir.

Chroniques du Grand Tout - Le Septième Âge - Avènement du Prophète- v.558-560



La dix-huitième Fête de la Comète, fête de la naissance de Mandi, célébrait également le printemps et le début de la nouvelle année (nouveau calendrier promulgué huit ans auparavant par le Roi sous l’influence de Thurul et Burgan, et au grand dam de Kordau, astrologue du roi).

Cette date était exceptionnelle : tous ceux qui le désiraient pouvaient arrêter de travailler ce jour-là, des amnisties étaient proclamées lors du discours attendu du Roi, et les jardins et les cours du palais royal ouvraient exceptionnellement leurs portes au peuple, où musique, spectacles, joutes et jeux divers, boissons et nourriture leur étaient offerts. Le Grand Prêtre et le Prophète donnaient également un discours, et des centaines de fleurs étaient lancées sur la foule du haut des remparts.

C’était la Reine Zinida qui avait eu l’idée d’une célébration d’une telle ampleur, car elle avait toujours déploré l’absence de grandes liesses populaires.
C’était une femme d’une grande beauté qui, de l’avis de tous, méritait amplement le titre de reine. Elle menait de nombreuses actions sociales et avait créé plusieurs salons où l’art, la philosophie et le jeu de société se développaient par le biais de personnalités parmi les plus prestigieuses du royaume. Elle assistait souvent le Roi dans ses fonctions et ses décisions. Elle parlait très fort et toujours avec une passion excessive, même sur un sujet anodin, et son rire tonitruant était un sujet de plaisanterie au sein du peuple et avait donné l’expression “un rire zinidien”. Elle portait une toilette différente et une nouvelle coiffure chaque jour, ce qui supposait une garde-robe gigantesque ainsi que plusieurs femmes à son service uniquement employées à cet effet.
Elle ne manquait jamais de rappeler à qui voulait l’entendre pendant la semaine nécessaire à la préparation de l’événement que la fête était de rigueur pour tout le monde. “Allons, ajoutait-elle à l’adresse du moindre de ses sujets qui n’affichait pas une mine épanouie, allons, aujourd’hui il est interdit de ne pas se réjouir!” Et elle partait sur son énorme rire zinidien.

Même si depuis une décennie les trois quarts du peuple de Pancallie embrassaient la religion officielle de la Juste Parole, même si le quart restant témoignait plus d’indifférence que d’un réel rejet, quelques opposants purs et durs résistaient encore.
Depuis quelques années, ils avaient eu le temps de se reconnaître, de se rassembler et de constituer un comité secret auto-baptisé “les Probes”.
Certains bruits racontaient qu’ils se retrouvaient, masqués, dans des réunions secrètes, qu’ils étaient à l’origine de l’incendie du premier temple du Grand Tout, sur les ruines duquel le temple actuel avait été érigé, il se disait aussi qu’on leur devait la disparition mystérieuse de Golan, le grand-père officiel du Prophète, devenu fou depuis la Comète.
De faux pèlerins, accueillis par Mandi à la communauté des disciples, avaient détruit ou brûlé une grande part des récoltes d’une saison entière l’année dernière.
On leur attribuait même le décès par empoisonnement du Doyen précédent, Maître Thurul, mort sept ans auparavant à l’âge très avancé de cent-sept ans, alors que Burgan qui l’avait soigné lors de ses derniers jours avait toujours nié cette théorie, d’une part parce qu’il avait été témoin de l’agonie de son vieil ami, d’autre part parce qu’à cette époque les Probes n’existaient pas encore.

L’année précédente, la Fête de la Comète avait été marquée par un événement fâcheux qui avait bien failli coûter la vie à Burgan. Pendant son discours, qui précédait toujours celui de Mandi, une bretèche presque complète s’était décrochée du toit juste au dessus de la grande scène dressée chaque année dans la haute-cour, contre le mur principal de l’aile Est du Palais.
Talym qui par chance avait encore la tête en l’air, avait vu en premier la masse de pierres et de bois se détacher de la partie la plus basse du toit, et avait hurlé en la montrant du doigt. Terik, qui se tenait aux côtés de Mandi derrière Burgan, prit à peine le temps de détailler ce qui tombait du ciel : il bondit sur le Grand Prêtre au milieu d’une de ses grandes phrases emphatiques et ils s’étalèrent tous deux au pieds de la Reine, pratiquement sous son immense robe-crinoline en ailes de papillon, qui faillit perdre l’équilibre et tomber elle-même à la renverse, alors que dans un énorme fracas poussiéreux les gravats s’écroulaient sur la chaire, trouant la scène à l’endroit précis où se tenait Burgan la seconde précédente.
Sur ordre du Commandant Zfons, des hommes armés en faction sur le chemin de ronde montèrent aussitôt jusqu’au toit inspecter les lieux et déterminer les causes de l’incident. Des traces de sabotage furent rapidement trouvées, et les Probes ainsi mis en cause.
Tout le printemps et tout l’été, Zfons avait enquêté sur les Probes, en vain. Ce seul sujet de conversation suffisait à le mettre en rage.
Le caractère enflammé et les violentes colères de Zfons étaient connus dans tout le royaume. Il avait tant d’hommes sous ses ordres qu’une multitude d’anecdotes, vraies ou fausses, couraient un peu partout sur ses méthodes et ses exploits. De taille moyenne, il était doté d’une impressionnante musculature et d’une forte pilosité. Son cou très large et rougeaud était couvert de toison noire, ce qui laissait supposer le reste. Même en saison chaude, comme à cette époque, il portait invariablement la tenue réglementaire de la Garde, constituée principalement de cotte de mailles et de cuir. Ses yeux gris enfoncés sous de gros sourcils broussailleux, sa cicatrice sur la tempe et la joue gauche, ses dents jaunes, son crâne rasé à l’exception de la tresse réglementaire cerclée de blanc qu’il semblait n’avoir jamais dénouée tant elle était agglomérée, tout concourait à lui donner un aspect redoutable. Et de fait redouté. Même la résonance rauque de sa voix y contribuait.
Cette année, il avait ordonné une sécurité renforcée. On le voyait souvent sur le terrain, dans les rues et aux abords du palais.

On s’attendait en effet à un nouveau coup de la funeste organisation durant la fête, et les disciples de Mandi étaient très inquiets à son sujet, car le Prophète serait certainement la cible principale d’une éventuelle agression.

Cinq jours avant le grand jour, jour d’abstinence et veille du jour de Mandi, les disciples s’isolèrent chacun selon son habitude, l’air plus soucieux que d’ordinaire, et Mandi passa la journée à méditer sous son grand chêne.

En fin d’après-midi, elle savait que personne ne viendrait la déranger avant le coucher du soleil et elle se laissa aller à une douce somnolence, dans le parfum de miel des arbres fruitiers en fleurs qu’une petite brise lui apportait. Des centaines d’oiseaux faisaient résonner leurs chants que la forêt mâtinait d’échos, et l’on percevait même les cris et les rires lointains des enfants jouant près de la mare à la lisière de la forêt.

Son esprit vagabondait doucement.
Elle crut voir DeGans comme au premier jour, dans sa tenue bleu nuit, s’agenouiller et lui dire “je t’aime, depuis le début, je t’aime”, moi aussi je t’aime, mon prince, mais nous sommes condamnés à rester les meilleurs amis du monde.

Une infinie tendresse s’était installée entre eux dès le début, qui avait même rendu Terik un peu jaloux durant les premiers mois suivant l’arrivée du prince jusqu’à ce que Mandi le raisonne dans un grand sermon public sur la propriété, la convoitise et la jalousie.

Dans sa vision, DeGans se tenait aux côtés d’une jeune fille aux longs cheveux bruns, qui lui rappelait vaguement quelqu’un. C’était Briteig, sa mère. Elle souriait tristement et disait quelque chose. DeGans s’agenouilla devant Briteig, qui lui mis la main sur sa tête.
“Votre amour n’est pas impossible, il est seulement destiné à rester pur. Mais est-il vraiment sans tache aujourd’hui ?
Mère ? que dites-vous ? quelle tache ? ai-je commis une faute ? ai-je menti ? ai-je enfreint mes propres préceptes ? Dites-moi, Mère, n’ai-je pas accompli tout ce que je devais, tout ce qui est prévu, tout ce que l’on attend de moi ? Dites-moi!...
- Celle que tu attends est arrivée. Le Couchant lui échoit.”

“Mère?” Elle se redressa. Avait-elle crié à voix haute ? Le jour n’était pas couché et son vœu de silence tenait encore.

De l’autre côté de la clairière, la jeune fille aux longs cheveux bruns approchait en souriant.
Mandi crut à un prodige. La jeune fille de son rêve venait à elle ! Derrière elle le soleil embrasait les traînées de nuages en une dernière offrande à cette journée avant de disparaître derrière les frondaisons frémissantes. Le tableau ressemblait encore à un rêve, mais elle était pourtant bien réveillée. Ce ne pouvait être sa mère, mais qui donc ?
Elle ne pouvait rien demander à voix haute pour l’instant, tant que le soleil n’était pas couché. Était-ce une épreuve ? Elle resserra rapidement les lacets du linge lui compressant d’ordinaire les seins, et se leva.

La jeune fille était très belle, menue, les yeux aussi noirs que les siens, elle portait une tunique simple, ocre, et au cou un collier de graines. Elle souriait encore lorsqu’elle s’immobilisa à deux pas de Mandi. Puis elle tomba à genoux et s’inclina.

“Seigneur, ô Seigneur, je suis si heureuse. Ma quête est donc terminée. Je marche depuis cinq jours, je viens de Candabre, pour toi. Une voix m’a parlé dans ma tête et m’a dit que tu m’attendais. Je suis là, je suis à toi.”

Mandi ne savait que faire. Elle se leva, releva la jeune fille, lui sourit et la serra dans ses bras. Elle sentait le chèvrefeuille.
Celle qu’elle “attendait” était donc arrivée...? mais elle n’attendait personne. Et cette histoire de couchant ? Cette fille qui pleurait à présent de joie et de fatigue dans ses bras avait-elle entendu la même voix qu’elle-même à l’instant dans son rêve ?

Le soleil était couché à présent, elle lui prit la main et la guida sur le chemin du temple, à travers bois.
“Qui es-tu ?

- Mila, fille d’Argans.

- Argans, le prêtre de Candabre ?

- Oui, Seigneur.

- Sait-il où tu es ?

- Maintenant oui. Il ne voulait pas que je vienne seule, il nous avait promis de nous emmener en pèlerinage à Pamaval pour t’entendre prêcher demain et assister à la fête de la Comète dans quelques jours, mais ma mère est morte depuis deux lunes et ma sœur et moi avons dû la remplacer à la maison et au temple. La semaine dernière, une voix m’a dit de venir te rejoindre ; je suis partie le lendemain en ne prévenant que ma sœur.

- Imprudence... Quelle voix, à quoi ressemblait-elle ?

- A la tienne, Seigneur.

- Pauvre Argans, il doit être très inquiet. Sais-tu que je t’ai déjà vue, chez toi ?

- Je m’en souviens, Seigneur, tu étais avec le Grand Prêtre et le temple de Candabre était presque achevé. J’avais neuf ans, et toi...

- Et moi douze, et c’est l’unique fois où je suis allée à Candabre. Mes prêches sont un peu différents, maintenant. Tu verras.

- Seigneur, pourquoi dois-je te rejoindre ?

- Tu as la foi ?

- Oh oui, Seigneur !

- Alors pourquoi as-tu parlé avant le coucher de soleil ?

- Je suis encore ... heu, je n’ai pas encore eu...

- Tu n’es pas encore tout à fait une femme, hein ? D’accord.

- Ce n’est pas grave ?

- Mais non, beaucoup de jeunes filles le deviennent aussi tard, tu n’y peux rien, c’est le Grand Tout qui décide.

- Pourquoi m’as-tu appelée, alors ?

- Tu es la cinquième fidèle, celle qui me manquait, et que j’enverrai un jour prêcher la Juste Parole. Tu connais la prophétie ?

- Oui Seigneur, mais... le cinquième ne sera-t-il pas celui qui restera pour écrire ?

- Celui-là est déjà à mes côtés ; ce n’est pas l’ordre d’arrivée qui compte. Tu partiras un jour du côté occidental du Monde, vers le Couchant.”

LA JUSTE PAROLE - I - Le Prophète Milaprofil10yz
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MessageSujet: Re: LA JUSTE PAROLE - I - Le Prophète   LA JUSTE PAROLE - I - Le Prophète Icon_minitimeSam 11 Oct - 21:40

*


Depuis la mort de Thurul, Burgan se rendait très rarement à l’Académie en dehors de ses cours de musique. Les quelques anciens collègues qui demeuraient ses amis - principalement des pratiquants de la Juste Parole - il les voyait plutôt en dehors, au temple ou au palais.
Quant à Pattyas, il ne s’était jamais franchement entendu avec lui avant la Comète, alors depuis, seul un froid poli entretenait leurs relations.

Avec ses cheveux noirs frisés, ses yeux noirs profonds, son gros nez et sa grande bouche, ses oreilles pointues, son ambidextrie et sa chemise invariablement verte, Burgan avait toujours eu une bonne raison de sourire ou de rire, d'apporter la joie. Et il avait toujours pu se le permettre, car il était l'ancien bouffon du roi.
Un bouffon exceptionnel en réalité, car s’il avait été dans sa jeunesse un bouffon conventionnel à la cour de Garivan IV, sa position avait peu à peu évolué, et durant les dix dernières années du règne du vieux roi, il était devenu son ami et conseiller, pour devenir ensuite celui du Prince, le roi actuel.
Mais c'était avant la Comète. Avant l'avènement de la Juste Parole.
Son rôle ne s’était d'ailleurs pas arrêté là, il avait été le conteur favori de la famille royale, et vedette des salons de la Reine.
Musicien, il assurait également le rôle de professeur de musique à l’Académie.

Depuis sa “promotion” au statut de Grand Prêtre, sa vie avait changé du tout au tout. Sa faculté de rire en toute situation s’était envolée, il avait à présent soixante-douze ans, sa fille était morte en couche, sa désinvolture, son cynisme et son humour qu’il faisait autrefois partager à la famille royale et à la cour n’étaient plus de mise, ni les contes dans le salon de la Reine.

Et surtout, il utilisait sa petite fille, l’obligeait à réprimer sa féminité ainsi qu’une vie normale, attirait le regard du peuple entier sur elle, du Monde et de l’Histoire même.
Il l’avait manipulée.

Personne hormis lui ne connaissait la vérité sur la Juste Parole, et cela commençait à peser sur ses épaules, voire sur sa conscience. Même Thurul avait ignoré le vrai sexe de Mandi, même Golan, celui qu'on prenait pour le
grand-père de Mandi, l’avait vraiment prise pour son propre petit-fils et avait perdu la raison à cause de cette histoire...

Lui-même se demandait dans quelle mesure sa petite fille n’était pas effectivement un être d’exception inspiré par le Divin. Son “œuvre” dépassait ses espérances et ses plans à toutes vitesse. Depuis des années, Mandi n’avait plus besoin de lui pour trouver les mots et les paraboles appropriés, pour écouter et rassurer les gens qui venaient à sa porte, pour prêcher avec une conviction, une foi intense et sans faille, pour mener de brillants débats sans jamais être prise au dépourvu. Elle connaissait les Chroniques par cœur bien sûr, il y avait veillé depuis son plus jeune âge, mais elle les dépassait véritablement en qualité, en pureté, en harmonie, en une sorte d’authenticité rétroactive, à travers ses prêches et ses actes.
Ce succès dépassait largement ses attentes premières, mais l’emplissait de doutes et de questionnements.
Car contrairement à lui, elle n’était pas un imposteur.


Ses élèves l’attendaient dans la salle de musique du bâtiment réservé aux Arts pour la dernière répétition avant la grande fête du lendemain.
La nuit tombait, et il se sustenta de quelques fruits et laitages, dons des fidèles et des élèves, but un bol d’infusion d’hibiscus, et sortit dans le crépuscule, de sa démarche lente et voûtée.

C’était la première nuit du printemps, adoucie par une brise tiède venant du sud ; une nuit qui promettait d’être claire et calme. La lune presque pleine s’élevait paresseusement au dessus de la forêt masquée au premier plan par l’Académie ; elle semblait posée là sur le ciel alourdi, comme un joyau lumineux froid et précis sur un épais velours, vivante, indiscrète.

C’est vrai que la Fête tombe un jour de pleine lune, cette fois. Je suppose que certains y verrons un signe, quel qu’il soit. Inévitable.

Il percevait à présent au loin les sons et les notes de musique, cacophonie nécessaire pour l’accord des instruments. Ses élèves savaient qu’il était intransigeant sur ce point, et qu’une corde mal ajustée ou une peau mal tendue pouvait signifier une exclusion du cours.

C’est à ce moment qu’il vit les ombres sur le chemin. Trois silhouettes, jambes écartées et mains sur les hanches, comme des athlètes posant pour une gravure, ou comme des gardes chargés de bloquer le passage. Il continuait d’avancer, et put distinguer que les trois hommes étaient costauds et masqués. Celui du milieu fit un pas en avant.
“Attends, vieil homme! Nous avons un message des Probes à ton intention.

Burgan stoppa net. Les Probes !
Cette fois, il était sans défense. Il n’avait aucune chance de leur échapper avec ses articulations et son dos qui le torturaient déjà à chaque pas.

- Voilà donc les Probes, criminels conspirateurs de l’ombre qui poussent la lâcheté jusqu’à se masquer pour agresser un ancien. Vous n’êtes que trois ? Vous...

- Silence, vieil homme ! Nous sommes plus nombreux que tu ne peux l’imaginer. Ce soir nous venons seulement te transmettre un avertissement. Nous savons tout de ta fausse religion, nous te laissons une chance de tout avouer en public lors de ton discours demain. Tu vas tout confesser, ou ton soi-disant prophète ne survivra pas.

Burgan tomba à genoux, sous le choc de ces révélations et de cette menace. Il était assommé, comme si ces brigands l’avaient véritablement frappé. Il releva la tête.
- Qui vous a ...”
Ils étaient déjà partis sans bruit. Il se retrouvait là, seul au milieu du chemin, accablé, impuissant, désespéré.

Cette nuit-là, Burgan ne put dormir.
Prétextant une forte fièvre, il avait écourté la répétition et laissé les musiciens la finir sans lui. Personne ne pouvait l’aider. Depuis la mort de Thurul, il était seul à porter les secrets de la Juste Parole.
Les trahir déclencherait une catastrophe spirituelle et sociale dans tout le royaume et au delà, mais ne pas les trahir signifirait-il la mort de Mandi ?
Impossible. Les deux éventualités n’étaient pas envisageables.
Et puis d’abord, qui pouvait bien avoir informé les Probes ? Pour les livres sacrés, Thurul et lui n’avaient jamais parlé.

À la réunion qui s’était tenue au palais il y a dix-neuf ans, nous avions tous juré de la garder secrète, et Zfons et Khund étaient insoupçonnables.
Il restait ... Kordau !

Bien sûr, Kordau l’astrologue aux longs cheveux gris et au chapeau informe, Kordau qui demandait aux dames de se déshabiller pour soigner un mal de gorge, Kordau qui attirait, avant l’arrivée de la Juste Parole, tous les gens en mal de croyances et de superstitions, Kordau qui se servait des astres pour flatter ou détruire quelqu’un, Kordau dont le pouvoir et l’influence avaient chuté et qui avait dû, depuis presque vingt ans, développer un ressentiment et un désir de vengeance que personne n’avait compris ou au moins soupçonnés.

Kordau ! Vieux fou !
Tu ignores l’importance et l’enjeu de ce que tu veux détruire, tu ignores la portée de cette entreprise dans le temps et dans le cœur des hommes !


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MessageSujet: Re: LA JUSTE PAROLE - I - Le Prophète   LA JUSTE PAROLE - I - Le Prophète Icon_minitimeSam 11 Oct - 21:40

*



Mila croyait rêver : elle avait assisté au prêche du Prophète le Jour de Mandi, elle se trouvait à présent à ses côtés, entourée de ses disciples les plus fidèles et, comble d’honneur, elle en faisait déjà partie, depuis quatre jours.

La maison de Mandi et ses disciples était celle que Burgan avait occupée avec sa femme puis avec leur fille Briteig. C’était une des dernières maisons bordant l’allée qui menait à la mare et à la forêt, au sud de Pamaval.
Mandi lui avait fait visiter la ville, et elle s’était émerveillée en particulier sur le palais royal et ses jardins, l’imposant complexe de bâtiments de l’Académie, la place du marché où trônait le fameux puits monumental et entièrement sculpté de bas reliefs à la gloire de Garivan I, et le nouveau temple, que son propre père n’avait encore jamais vu, au parvis immense bordé de sculptures de Terik entre autres.
Ce temple en particulier l’avait fortement impressionnée ; quatre années avaient été nécessaires à sa construction, à laquelle des centaines d’hommes de tout le royaume avaient participé sans relâche. On aurait pu faire tenir au moins trois ou quatre temples comme celui de Candabre à la place.
Il était conçu sur le même principe, en forme d’étoile à cinq branches, dont la nef et le long parvis représentaient la queue de la comète, avec un dôme semi-sphérique tout en haut, au centre de l’étoile, mais tout était démesuré par rapport à ses références.

Puis la maison de Mandi, dont on distinguait nettement les agrandissements successifs.
Une statue de Mandi offerte par Terik y montait la garde, jambes écartés, la tête et les bras au ciel, le toit de chaume pointait en pyramide, et derrière la maison, un grand bâtiment abritait des outils de ferme, l’atelier de sculpture de Terik, et toujours des pèlerins qui pouvaient dormir là durant leur séjour à Pamaval, ainsi que du bétail.
Un potager, des vergers et des champs s’étalaient ensuite jusqu’à la forêt.
Dans la grande salle où Mandi et ses disciples se réunissaient, une grande cheminée occupait tout un mur, et un amoncellement de tapis et de coussins invitait à l’oisiveté. Mila avait vite été adoptée par la communauté, et avait pour la première fois préparé le potage à la place de Salya.

Mandi avait l’air soucieux et demanda finalement l’attention des cinq :
"Vous connaissez les Écritures, dans l’Avènement du Prophète, il est dit que je dois choisir cinq fidèles, et vous savez que vous êtes ceux-là. Je vais vous attribuer vos rôles ce soir, étant donné que nous sommes au complet à présent.

- N’est-ce pas tôt pour cela, Seigneur ? demanda Salya, veux-tu dire que nous allons nous séparer bientôt ?

- Je n’ai pas dit cela, mais je sens des changements imminents. J’ignore lesquels, mais nous devons tous nous tenir prêts à accomplir notre mission.

- Tu nous inquiètes, dit DeGans.

- Le Grand Tout est ici et maintenant. Il est. Il n’est qu’un potentiel pour l’avenir. Désormais, nous vivrons le ici et le maintenant, tout en nous tenant prêts pour le reste. Rappelez-vous toujours que votre mission est sacrée, et indispensable à la survie de la Juste Parole, c’est là l’essentiel ; vous devez aussi être prêts à tout sacrifier pour l’accomplir. Si vous n’êtes pas prêts à cela, il faut me le dire dès ce soir, je ne vous en voudrai pas, je chercherai seulement quelqu’un d’autre. Si toutefois vous l’acceptez, vous y consacrerez le reste de votre vie, et si au cours de celle-ci vous arrivez à un point où le potentiel vous le permet ou, au pire, où il vous est impossible de continuer, faites comme moi, déléguez la même mission à vos propres disciples.

- Nous aurons des disciples ?

- Oui, Talym, comme je l’ai fait pour vous, vous choisirez les plus fidèles et les plus capables de vos disciples, et lorsque vous sentirez qu’ils sont prêts, qu’il sera temps, lorsque le Grand Tout vous en donnera les signes, vous en enverrez quatre plus loin dans le Monde, et un cinquième restera là où vous aurez vécu et prêché pour doter cette contrée d’une partie de son Histoire. Et eux feront de même plus tard, ainsi, de génération en génération, la Juste Parole sera entretenue, enseignée, commentée, répandue, avec le moins de déformations possible.
Un jour le Monde entier atteindra une conscience du Grand Tout suffisante pour que la Vie, forte de milliards d’expériences, engendre une âme transcendée, somme de tous les esprits purs, dans lequel nous revivrons : le Juste d’entre les justes, le porteur de nos âmes.
En attendant le moment où vous devrez ainsi déléguer votre mission, vous parcourrez le Monde selon la direction que je vais vous indiquer, et vous sèmerez la Juste Parole sur votre passage, comme autant de grains prêts à germer.

- Seigneur, quel est celui d’entre nous qui va rester ?

- A ton avis, DeGans ?

- Je pourrais être celui-là.

- Tu l’es.

- Tu resteras aussi ?

- Je ne crois pas. Quant à toi, Talym, tu partiras vers le sud.

- Je devrai traverser le désert ? Jusqu’à Tillbrande ?

- Ton but n’est pas Tillbrande.

- Quel est-il, Seigneur ?

- Le plus loin possible, voilà ton but. En répandant la Juste Parole partout sur ton chemin. Tu pourras contourner la mer de Tillbrande.
Salya, l’Orient sera ta direction. Le soleil t’indiquera chaque matin le cap que tu devras tenir. Tu pourras emprunter la grande route des commerçants, elle t’emmènera au bout du Monde, là où les montagnes touchent le ciel.

- J’accepte avec joie, Seigneur.

- Mila, tu le sais déjà, le Couchant t’indiquera ta route. Si tout va bien, tu atteindras un jour la grande forêt de Sylandre, percée en son centre par la Montagne Blanche. Si tu n’as toujours pas de disciples à ce moment, il te faudra la contourner.
Il te serait impossible de traverser Sylandre seule, mais je sais que tu auras des disciples alors.

- J’irai, Seigneur.

- Quant à toi Terik, tu partiras vers le nord, il vaut mieux pénétrer le Krannvag par la Mer Plate.

- En bateau, Seigneur ?

- Oui, à moins que tu te sentes de traverser la mer à la nage...”


Les autres éclatèrent de rire, Terik et Mandi se regardaient dans les yeux avec un grand sourire, puis Terik tapa fort sur ses cuisses, explosa de rire lui aussi en se levant et souleva Mandi à bout de bras.
C’est à ce moment précis que la porte s’ouvrit sur le Grand Prêtre, qui lui ne riait pas.


“Désolé d’interrompre une telle ambiance, dit Burgan après de vagues politesses, mais j’apporte des nouvelles très graves. Je soupçonne Kordau, l’Astrologue du Roi, de comploter avec les Probes contre nous.
Ils s’apprêtent à frapper un grand coup demain, par la calomnie ou l’assassinat, je l’ignore, mais il faut les en empêcher.

- Pendant la fête ? demanda Mandi.

- Pendant ou après.

- Comment sais-tu tout cela ?

- Ce serait trop long à expliquer, et nous avons peu de temps. Il est très probable qu’ils se réunissent ce soir. Est-ce que Terik, Talym et DeGans vous pouvez essayer de trouver où, en suivant Kordau ? Si nous pouvons le confondre lui et les autres, si nous connaissons leurs identités, nous aurons alors une arme contre eux.

- Mais comment savoir où se trouve l’Astrologue maintenant ? dit DeGans.

- J’ai vu sa fenêtre éclairée par un chandelier en passant devant le palais.

- C’est entendu, allons-y tout de suite !

- Je viens aussi, dit Salya.

- Je ne crois pas... commença Burgan,

- Va ! dit Mandi. Soyez prudents.”



Les quatre sortirent aussitôt, sans précipitation, en se couvrant tous d’une étole car le vent du nord s’était levé. Mila restée seule avec le Grand Prêtre et le Prophète se retrouvait embarrassée, d’autant qu’ils avaient l’air de vouloir s’entretenir.

“Je vais voir les pèlerins derrière, peut-être mon père et ma sœur m’ont enfin rejointe et s’y trouvent en ce moment.” Elle sortit.

“Que s’est-il passé ? demanda aussitôt Mandi à Burgan.

- Au crépuscule, trois hommes m’attendaient sur le chemin des jardins. Des Probes, masqués.

- Tu en es certain ?

- Oui. Ils me l’ont dit.

- Que t’ont-ils fait ?

- Ils ne m’ont pas touché, ils m’ont prévenu que si je ne reniais pas la Juste Parole en public lors de mon discours demain, ils te tueraient.

- Renier ... mais comment peuvent-ils supposer que le peuple puisse y croire, et change soudain de conviction ?

- Ils savent des choses que personne ne doit savoir, surtout pas le peuple, ils veulent que je les révèle.

- Que je ne suis pas un garçon, ou que ma mère était ta fille ?

- Tais-toi ! ... Peut-être. J’ignore ce qu’ils savent.

- Y aurait-il d’autres choses que j’ignore ?

- Il y en a, oui. Mais tu ne dois pas savoir pour le moment.

- Pourquoi ?

- Je ne peux même pas te l’expliquer. Je te préserve, toi, ta foi et ceux qui ont foi en toi.

- Tu me préserves ? en me mentant ? en me cachant des informations qui altéreraient ma foi ? Quelles sont ces histoires ? As-tu tué pour me “préserver” ?

- Non, je te le jure, pas de mort, aucun tort n’a été fait à personne. Fais-moi confiance.

Mandi fixa son grand-père sans un mot, jaugeant justement la confiance qu’elle lui accordait. Jusqu’ici, elle avait été absolue. A présent, le doute s'immisçait par une petite fêlure.
- S’ils reviennent sans informations sur Kordau et les Probes, feras-tu les déclarations qu’ils attendent ?

Burgan ne répondait pas.
Rompant ce lourd silence, Mila entra à nouveau, la chevelure en désordre à cause du vent, et demanda si sa présence ne les dérangeait pas.

- J’allais partir, dit Burgan. Faites-moi savoir les nouveaux éléments de cette affaire dès qu’il y en aura. Je serai chez moi au temple.

Avant qu’il ne referme la porte, Mandi lui dit:
- Ne renie jamais la Juste Parole, je préfère mourir. Mais je me tiendrai sur mes gardes.

Mila prit une orange et commença à la peler.
- Seigneur, tes mots me font peur, tout va bien ?

- Oui, ne t’inquiète pas.

- Tu aimes ce vieil homme, n’est-ce pas ?

- Oui, il m’a tout appris - enfin presque. Il a remplacé ma famille.

- Il t’aime énormément. Il se fait du souci pour toi. Je l’ai senti. Je sens ces choses.

- Que sens-tu d’autre ?

- Que vous avez le même sang dans vos veines.

- C’est ... vrai. Il est mon grand-père. Mais je te conjure de garder le secret.

- Jamais je ne te trahirai, Seigneur, même si ma vie en dépendait.

- Sens-tu encore des choses ?

- Oui Seigneur. Je sais que tu n’es déjà plus un homme.

- Déjà plus ?

- Il est écrit : “Il viendra en homme et partira en femme” Tu t’apprêtes donc à partir, n’est-ce pas ?

- Je l’ignore encore, je n’ai pas ton don, mais je me tiens prêt...-te.”



LA JUSTE PAROLE - I - Le Prophète Cartemonde18ka


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MessageSujet: Re: LA JUSTE PAROLE - I - Le Prophète   LA JUSTE PAROLE - I - Le Prophète Icon_minitimeLun 13 Oct - 17:34

-5- Les Probes-

J’ai vu mon Seigneur par l’œil du cœur
Je lui dis : Qui es-tu?
Il me répondit : Toi.

El Haj



Depuis quelques jours déjà, une foule gigantesque affluait vers Pamaval pour la grande Fête de la Comète. On pouvait voir partout, aux abords de la ville et même dans le centre, des campements de pèlerins. Mais la plupart trouvait asile chez le Prophète dans ses granges et sur ses champs ; tous ceux-là lui apportaient divers présents : textiles, artisanat, nourriture, encens et herbes, œuvres d’art... et chacun espérait s’entretenir avec lui.
C’était en fait la principale occupation de Mandi tous ces jours, à l’exception de l’avant-dernier jour de la semaine, celui de silence et d’abstinence. Certains étaient malades et espéraient un miracle, et grâce aux savoirs combinés de Burgan et de Salya, elle savait souvent comment les soulager. D’autres lui demandaient son avis sur des problèmes familiaux ou sociaux, des litiges ou des affaires de cœur, mais beaucoup venaient juste la voir, lui parler, la toucher, et pouvoir ensuite dire “Il a mis sa main sur mon épaule et m’a parlé”.

En cette période de fête, beaucoup revenaient bredouilles à cause de l’affluence, pourtant Mandi n’avait pas de relâche.
Mais le matin du grand jour, personne ne trouva le Prophète, ni ses cinq disciples favoris. Ils se trouvaient dans l’appartement aménagé sous la pointe supérieure du temple, chez Burgan, dans la grande pièce qui tenait lieu autant de chambre que de bureau, de bibliothèque, de laboratoire et de salle à manger.
DeGans et les autres racontaient à Burgan et à Mandi leur expédition de la veille, et expliquaient comment ils avaient pu suivre Kordau, et espionner en partie les bribes d’une réunion nocturne des Probes, dans l’Observatoire.

“L’Observatoire, j’aurais dû m’en douter, dit Burgan, depuis la mort de Maître Thurul, je n’y vais pratiquement plus. Mes obligations ne me permettent plus hélas de me consacrer à l’astronomie. Quant aux étudiants, seules deux classes s’y rendent par semaine. C’est un endroit parfait, retiré et discret.

- Nous avons pu accéder à la terrasse inférieure de la tour par l’escalier extérieur, et avons entendu des voix, mais le vent soufflait si fort que nous ne pouvions tout comprendre. Puis Salya a proposé que nous la hissions à hauteur de l’ouverture, et elle a pu écouter pendant que nous la tenions bras tendus.

- Qu’as-tu retenu, Salya ?

- C’était étrange, Seigneur. J’ai entendu ton nom. Certains veulent ta mort, d’autres, plus nombreux semble-t-il, préfèrent te discréditer. A ce propos, j’ai reconnu la voix du Doyen qui prétendait que tu pouvais être plus dangereux mort que vivant, et que tu devais connaître plutôt l’humiliation. Ils parlaient de supercherie et de chantage, sans qu’il me soit permis d’en comprendre plus.

- Pattyas ? Burgan semblait horrifié et excité à la fois.
Tu es sûre que c’était sa voix ?

- J’en suis sûre, car je le connais. Il est de Tholmé, lui aussi, et il y a encore de la famille. Il a fait partie de mes premiers clients au début de mon ...ancienne activité. Je connais bien sa voix, entre autres caractéristiques détestables.

- Tu as pu reconnaître d’autres voix ?

- Non, à part celle de l’Astrologue. C’est lui qui parlait le plus. A un moment, il s’est mis à entonner des paroles que les autres répétaient à mesure, phrase par phrase, comme certains de nos chants au temple, mais sans la musique.

- Quelles paroles, dit Burgan, tu t’en souviens ?

- Oui, parfaitement:

Contre les temples d’abstractions
et les tours de marbre illusoire
veinées de théories improuvables

contre la docile confiance
la facile conscience
l’oisive résignation
l’obscure organisation

qui forgent les fanatismes
les superstitions
les désillusions
les subordinations

contre le besoin d’espoir et d’idéal
contre la vanité de l’idée de survivance
supposée exclusive à notre seule espèce

contre le culte de faux livres
dont l’ancienneté et l’emphase dogmatique
seraient les seuls garants

cultivons le jardin de la vie et de l’amour
vrai et spontané

posons-nous les vraies questions
et marchons
avançons vers la vraie réponse
celle qui se trouve au bout de notre propre chemin

Pas de religion, pas de dogme !


- Pour dénoncer un supposé fanatisme dogmatique, il en créent un plus grave encore, le rejet systématique de la religion.
Quoi d’autre, Salya ?

- Plus rien d’intéressant, ils discutaient par groupes et je n’ai rien pu distinguer du brouhaha. Puis certains sont partis.

- Oui, cette sortie nous a pris par surprise, intervint DeGans, et nous nous sommes cachés derrière le muret pour les observer. Ils étaient six, et quatre d’entre eux se sont dirigés vers les dortoirs de l’Académie.

- Voyez-vous ça, des étudiants !

- Les deux autres ont pris le chemin de la ville. Mais cinq hommes étaient restés à l’intérieur. Nous avons supposé qu’il s’agissait du noyau dur. Nous sommes descendus et nous sommes cachés derrière les fourrés, bien déterminés à en suivre un chacun dès qu’ils sortiraient. Nous avons encore dû attendre un bon moment, accroupis dans le vent, avant qu’ils ne sortent enfin. Nous avons laissé la silhouette caractéristique de Maître Kordau s’éloigner seule vers le palais et avons pris chacun un Probe en filature. Le mien s’est dirigé vers les quartiers de l’armée, et y a finalement pénétré par derrière, il a baissé son masque sur le chemin, mais a gardé sa capuche, je n’ai donc pas vu son visage.

- Comment était-il ?

- Très grand, la démarche altière et très rapide.

- Et toi, Salya, qui as-tu suivi ?
- Le Doyen lui-même, il n’a même pas fait de détour entre l’Observatoire et l’Académie.

- Nous sommes donc sûrs que Kordau et Pattyas sont impliqués, dit Burgan. Et toi Talym ?

- L’homme est boiteux, donc facile à suivre. Il a traversé la ville jusqu’à la Vieille Porte. Il habite à côté.

- Pridhon ? Dit Burgan, est-il petit et fort, chauve avec une barbe non tressée ?

- Oui Maître, c’est lui.

- Pridhon le guérisseur, un ancien disciple de Kordau. Dans sa jeunesse, il habitait déjà près de la Vieille Porte ; il aimait la cadette de Maître Thurul qui lui a toujours refusé cette union. Il avait suivi la famille du Maître à Cythène où ils vivent tous encore, dans l’espoir d’arriver malgré tout à la séduire, et s’y était installé. J’ignorais qu’il en était revenu. En fait j’avais tout simplement oublié son existence... Terik ?

- L’homme que j’ai suivi est grand, costaud, et très méfiant. C’est un homme de la garde royale.

- En es-tu certain ?

- Oui, car avant de rentrer chez lui, rue des charpentiers, il a baissé sa capuche et j’ai vu sa tresse.

- Un homme de Zfons ! dit DeGans.

- Cela n’implique pas Zfons, dit Mandi, méfions-nous de ce genre de conclusions. Quel galon à la tresse ?

- La clarté de la lune n’était pas suffisant pour que j’en distingue la couleur, mais elle était claire.

- Un officier, donc, dit Burgan. Tu sais où il habite, et au besoin nous pourrons savoir qui il est. Pour le moment ce n’est pas le plus important. Merci de votre efficacité, les enfants ; cela suffira peut-être à rétablir la situation à notre avantage. Mais soyez vigilants, surtout à partir du moment des discours. Allons ! du travail nous attend, à présent.


Mila semblait très inquiète. En sortant du temple, elle marcha auprès de Mandi. La fête battait déjà son plein un peu partout dans la ville, et des cracheurs de feu, jongleurs, musiciens, acrobates et comédiens provoquaient des attroupements aux abords du temple.
Dans le brouhaha ambiant, Mila dut élever la voix pour se faire entendre de Mandi.
“Seigneur! Je pressens un terrible danger sur toi, j’ai très peur.

- Ne crains rien. Le Grand Tout me rappellera lorsqu’Il jugera opportun de le faire. Souviens-toi le ici et le maintenant, souviens-toi que ta tâche est désormais plus importante que la mienne : répandre la Juste Parole est ta mission sacrée !

- Plus importante, Seigneur ? que toi, ... le Prophète !

D’un geste, Mandi invita les autres à se rapprocher pour écouter sa réponse.
- Nous sommes tous des grains qui ont été semés, destinés à germer, à mûrir et à semer d’autres grains un jour. Le semeur n’est pas plus important que l’un des grains qu’il a semé, car celui-ci sera semeur à son tour.
Comprends-tu ? Ce qui est important, c’est d’entretenir la prospérité du cycle, pour que la Juste Parole soit transmise. S’il m’arrive quoi que ce soit, ce que je devais accomplir je l’ai accompli, je n’ai pas peur de ce que le Grand Tout me réserve à présent.

- Mais Seigneur, je t’aime ! Je ne veux pas qu’il t’arrive malheur !

- Je t’aime aussi, douce Mila, je vous aime tous. Mais souvenez vous de cela (elle montra au sol la figure incrustée de marbre devant le parvis : l’emblème de la Juste Parole, une comète verticale à cinq branches), votre salut et celui de l’humanité, votre mission sacrée. Vous êtes désormais des semeurs, des semeurs d’amour.
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MessageSujet: Re: LA JUSTE PAROLE - I - Le Prophète   LA JUSTE PAROLE - I - Le Prophète Icon_minitimeMar 14 Oct - 18:05

-6- La fête de la Comète-

Le Seigneur, venu en homme dans le Monde,
avait changé son corps d’homme en corps de femme
à l’approche de sa Passion, pour pouvoir la vivre.
A son dernier souffle, il me dit
Il faut pardonner à mes assassins.
Je suis venu en homme, je pars en femme et je t’aime.
Adresse tes prières au Grand Tout autant qu’à moi.
Il m’apposa alors de son sang une comète sur le front
et dit Souviens-toi de l’Essentiel.

Chroniques de la Juste Parole - Evangile de DeGans - Chap.IX - v.323-329


Toute la journée, une joyeuse anarchie avait régné à Pamaval. Le vent était tombé en fin de matinée, et le printemps faisait honneur à la fête, pour son premier jour, jour d’équinoxe. Les fleurs et les couleurs ravissaient les regards, surtout ceux qui assistaient à ce grand rassemblement pour la première fois.

En temps normal Pamaval comptait environ trente mille âmes, mais ce jour-là, ce chiffre devait être décuplé, si bien que les environs de la ville étaient également surpeuplés, et la garde royale se sentait débordée.
Tous les hommes disponibles d’ici et des environs avaient été sollicités par le Commandant Zfons. Heureusement leur rôle consistait plus à entretenir l’ordre et la sécurité que la répression ou la chasse au crime ; la criminalité, force était de le constater, avait énormément baissé depuis le culte de la Juste Parole. Zfons lui-même était pratiquant et venait régulièrement au temple avec sa famille.

Dans les jardins du palais, les artistes donnant leur spectacle étaient traditionnellement les plus prisés. Ils étaient recrutés à l’avance par audition devant un jury spécialement créé par la Reine et son fils aîné, le Prince Garin, qui s’essayait désespérément à toutes formes d’art sans jamais aucun succès, excepté parmi les flatteurs serviles de la cour qui espéraient ainsi plus tard une place honorable, lorsque le Prince deviendrait Garivan VI un jour.
Il avait donc présidé ce jury et avait assuré tout le monde que cette année, les artistes redoubleraient de virtuosité et d’originalité.

Un groupe d’acrobates orientaux avait notamment capté l’attention de la foule toute l’après-midi, avec des épreuves de force et d’équilibre jamais encore vues en Pancallie, ainsi qu’une troupe de théâtre parodiant l’institution religieuse avec un spectacle intitulé “Le Petit Rien et le Juste Pactole”, jugé indigne par certains pratiquants qui partaient avant la fin en invectivant la troupe de comédiens, et provoquaient des polémiques dans la foule.
Le spectacle emportant le plus de succès dans les jardins pendant la journée avait le privilège de faire une représentation devant la famille royale et les personnalités le soir même après le concert de l’orchestre de l’Académie et les discours, dans la haute cour du palais, sur la scène située contre l’aile est. Cette troupe parodique n’avait aucune chance d’être retenue, la Reine s’y était fermement opposée malgré l’insistance du Prince Garin. Elle avait pourtant été le clou de cette après-midi sur les jardins.

Du pain, des gâteaux au miel ou aux épices, de la viande rôtie, du fromage, des fruits, du lait caillé, des infusions et autres gourmandises étaient distribués gratuitement devant l’entrée du palais par une vingtaine de serviteurs évoluant dans une petite taverne sans toit construite pour l’occasion.
Une gigantesque queue de gens de toutes sortes partait de ce bar, filait entre le mur nord du palais et les jardins, longeait l’Académie et revenait en courbe sur le chemin des jardins. La fin de la file - ceux qui arrivaient - faisait presque face à son début - ceux qui étaient enfin servis - séparés par les jardins.
Ils pouvaient donc tous profiter des meilleurs spectacles en patientant. De midi jusqu’au coucher du soleil, cette distribution eut lieu sans interruption.

Les privilégiés qui avaient l’honneur de pénétrer dans la haute cour et d’assister aux réjouissances de la Cour du Roi étaient sélectionnés par un système d’invitations. Quelqu’un d’important devait toujours répondre de leur honnêteté, de leur conduite, de leur mérite.
Dans la cour du palais, sur le chemin de ronde et même sur les toits, la garde avait été renforcée. Les hommes en faction à la grande entrée avaient des consignes très précises du Commandant Zfons lui-même, et ne devaient pas laisser entrer la moindre personne douteuse.
Cette soirée devait bien se dérouler, Zfons en faisait une affaire personnelle.

Le soleil déclinant teintait de rouge tous les musiciens sur la scène lorsque l’orchestre de l’Académie acheva son concert. Plusieurs œuvres avaient été interprétées, pour la plupart composées par Burgan, dont le clou avait été une pièce religieuse en cinq mouvements et sur un rythme en cinq temps, à la gloire du Grand Tout. Puis en conclusion, l’adaptation moderne d’une berceuse que le Roi affectionnait particulièrement.
Burgan monta sur scène pour saluer et remercier le public. C’était un triomphe, et pendant les hurlements d’enthousiasme de l’assistance, les musiciens laissèrent la place aux serviteurs qui venaient installer la chaire pour les discours.

Le Roi fut prévenu que son tour était venu de monter sur scène. Il appela le Commandant Zfons et s’entretint un court moment avec lui sans doute pour se faire rappeler une dernière fois la liste des amnisties.

Pendant ce temps, Burgan disparut rapidement par l’entrée des caves où des loges de fortunes avaient été aménagées, pour endosser sa tenue de Grand Prêtre. Une grande robe pourpre aux manches démesurées galonnées de blanc, d’or et de noir, une toque blanche bordée de rouge et ornée du symbole de la comète, et des sandales de bois sculpté surélevées de deux planchettes chacune, qui grandissaient sa stature d’une demi-tête. Il faillit hurler d’horreur en découvrant dans une de ses manches une énorme araignée, abjecte et poilue, à laquelle on avait attaché par un fil un bout d’étoffe où il put lire “Attention”.
Il l’écrasa nerveusement, alors qu’il avait toujours enseigné à Mandi de préserver autant que possible la vie, même sous ses formes les moins séduisantes, et jura copieusement, ce qu’il évitait aussi en général.

Mais il devait se dépêcher, le Roi avait commencé son discours, et il devait se préparer pour le sien. Néanmoins, il sortit discrètement, fit le tour de la cour pour rejoindre les tribunes des personnalités par derrière, là où était assis l’Astrologue qui comme par hasard se trouvait à côté du Doyen, et se faufila comme pour s’asseoir derrière eux.
Ils faisaient bonne figure devant tout ce beau monde, et devant le Roi qui sur scène énumérait les amnisties et les vœux de bonheur pour la nouvelle année, tout cela avait l’air de les passionner au plus haut point, mais ce n'était qu'un rôle, Burgan les avait percés à jour, et allait leur montrer qu’il n’avait pas l’intention de se laisser faire.

“Maître Kordau, avec Maître Pattyas et les autres Probes, vous avez oublié d’être discret. J’ai des témoins et des preuves de vos agissements, mentit-il. Je vous conseille donc, si vous ne voulez pas que le Roi et le Commandant Zfons soient informés de vos manigances, de vous en tenir là pour le moment. Silence contre silence.”
Puis il jeta l’araignée encore frémissante sur les genoux de l’Astrologue et se retira. Pattyas devint tout rouge et Kordau tout pâle. Ce dernier balaya le cadavre immonde d’un revers de main, et une auréole humide resta sur sa robe. Le cadavre du monstre alla finir juste en dessous d’un membre de la délégation de Tillbrande qui ne s’aperçut de rien.

Après une longue liste de remerciements qui se terminait par les différentes délégations des provinces et des pays amis ayant fait le déplacement, le Roi termina en ces termes: “Et j’ose espérer que cette dix-neuvième année de l’Ere de la Comète sera semblable à cette magnifique journée de printemps, joyeuse, tempérée et colorée, sans querelle, sans ombre, sans doute. La Juste Parole y est assurément pour beaucoup et je rends ici hommage, pour le bien et le message sacré qu’ils ont apportés au royaume, que dis-je, au Monde, au vénérable Grand Prêtre Burgan, et à notre jeune Seigneur et Prophète, Mandi, loué soit son nom ! A vous la parole !”
Enthousiasme et acclamations de la foule.


Le discours de Burgan, empreint d’emphase, résumait le chemin parcouru par la Juste Parole depuis la Comète ; il s’enflamma à l’idée que la conscience du Grand Tout puisse un jour embrasser l’humanité entière, pour que la paix, la sérénité, la tolérance et le progrès soient partagés par tous les peuples du Monde comme on pouvait déjà le constater dans le royaume de Pancallie. Il évoqua le bienfait qu’apportaient au peuple les nombreux temples-écoles dans chacune des douze provinces du pays : on en comptait désormais un pour trois villages, et ce n’était pas fini. Il annonça également que de plus en plus d’étrangers venaient recevoir un enseignement religieux au temple de Pamaval, et qu’il avait reçu encore des demandes dans l’après-midi même, de la part des délégations.
Puis à la fin de son discours, il évoqua tout de même les Probes en ces termes:
“Comme le disait il y a une vingtaine d’années déjà l’éminent Astrologue du Roi, Maître Kordau (celui-ci prit alors un air atterré), la funeste nature humaine est ainsi faite que sur un groupe d’êtres humains, il y aura toujours une minorité rebelle et égoïste pour créer des problèmes à la majorité. Il n’avait pas tort, car une petite bande secrète de malfaiteurs, autoproclamée "les Probes", s’évertuent depuis quelques années à freiner, à agresser, à ternir la marche de la Juste Parole.
Mais tout ce qui existe, tout ce qui se passe est contenu dans le Grand Tout, même le Mal. Même si la Juste Parole incite au Bien, le Mal ne cessera pas d’exister pour autant. Mais le Grand Tout est aussi miséricorde. Sachons pardonner à ceux qui font le Mal, donnons-leur une chance de se repentir de leurs méfaits, ainsi la Juste Parole leur sera accordée. Le Grand Tout est dans le cœur de chacun, et nous sommes tous dans le cœur du Grand Tout, même ceux qui l’ignorent encore.
Paix et prospérité à tous pour cette nouvelle année !”

Ovation du public. Burgan observa les deux vieux conspirateurs : ils se parlaient à l’oreille, se donnant ainsi une contenance les dispensant de l’attitude enthousiaste de l’assistance. Il espérait leur avoir fait assez peur, même s’il n’avait aucune preuve.

Mandi s’avança à son tour, brandit sa cape blanche, et prit la parole.
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MessageSujet: Re: LA JUSTE PAROLE - I - Le Prophète   LA JUSTE PAROLE - I - Le Prophète Icon_minitimeJeu 16 Oct - 4:17

-7- La Passion-


Alors le Seigneur s'avança et prit la parole,
pour la dernière fois avant sa Passion.
Il montra sa cape blanche et dit:
Le blanc
n’est pas une couleur
ni une absence de couleur.
Le blanc est la somme
de toutes les couleurs
Ainsi,
le silence
n’est pas un son
ni une absence de son.
Le silence est la somme
de tous les sons

Ainsi,
le Grand Tout
n’est pas un être immatériel
sans corps et sans âme.
Le Grand Tout est la somme
de toute la matière
de tous les êtres
et de tous les esprits.
Nous sommes tous plus que frères!
Si vous le comprenez si vous le croyez, tenez-vous tous la main!
Il joua alors de sa flûte la plus belle mélodie du Monde
pour la dernière fois, pendant laquelle tous se tinrent la main.

Chroniques de la Juste Parole - Evangile de DeGans - Chap.X - v.128-153


Tard dans la soirée, peu avant la fin du spectacle d’acrobaties, Mandi se retira, pour éviter le mouvement de foule et les sollicitations inévitables. Elle était fatiguée et tenait à rentrer discrètement, et dormir.
Elle prévint Salya et sortit de l’enceinte, se couvrant les cheveux de sa cape comme d’un fichu, et longea les jardins, à moitié saccagés par cette journée de liesse, où quelques groupes traînaient encore sur l’herbe, discutant ou chantant à la clarté de la pleine lune.
Elle passa devant l’Académie et prit le chemin de la mare à gauche. Elle n’était pas seule, des milliers de pèlerins allaient dormir dans ses champs ou dans ses granges, et quelques groupes se dirigeaient déjà dans la même direction.

Elle sortit du chemin pour uriner derrière les fourrés. Sa vessie n’était pas encore vidée qu’elle entendit une voix d’homme à sa gauche: “C’est pas lui, laisse tomber, c’est une fille”, puis une autre voix: “Sûr que c’est lui, peu importe la façon dont il pisse, allons!”

Mandi comprit trop tard. Elle se leva brusquement, encore dénudée sous la taille, lorsque quatre hommes lui tombèrent dessus. Ils eurent beaucoup de mal à la maîtriser, l’un des hommes faillit s’écrouler de tout son long après avoir pris un coup de genou à son menton, un autre peinait à se remettre d’un coup de pied aux testicules. Mais Mandi fut finalement maîtrisée, assommée, ligotée, bâillonnée et emportée évanouie à travers bois.

Lorsqu’elle reprit ses esprits, elle était attachée sur des rondins croisés, les jambes écartées, les bras levés, entièrement nue, et un goût de sang dans la bouche. Deux flambeaux et trois lampes à huile éclairaient ce qui ressemblait à une étable, déserte d’animaux.
On venait de lui envoyer un seau d’eau pour la réveiller. Elle avait froid.
Ses quatre agresseurs étaient là, des brutes simiesques, l’air stupide et vicieux. Face à elle, encore cinq hommes en noir, masqués ceux-là.
Celui du milieu prit la parole.
“Voilà donc notre Prophète! L’homme qui doit guider notre peuple, doté de pouvoirs miraculeux, et qui a toujours réponse à tout ! (Mandi reconnut la voix de Kordau, mais garda le silence) ... Elevé par le Bouffon dans un seul but : faire avaler son histoire à tout le monde, la rendre crédible. Une histoire qu’il a entièrement inventée avec la complicité de l’ancien doyen !
Mais où est-il d’ailleurs, ce prophète ? Je ne vois qu’une femelle avec laquelle on aimerait bien s’amuser, pas vrai ?
Les quatre ricanèrent. Celui qui se tenait le plus à droite de Mandi en bavait d’excitation et observait de près sa toison pubienne sans gêne aucune.

- Vois-tu, cette imposture-là, on ne l’avait même pas envisagée. Elle ne fait que s’ajouter aux autres, après tout, Burgan n’est pas à ça près, n’est-ce pas ?
Je vois que tu fais l’étonnée... Se pourrait-il que le vieux Bouffon ne t’ait rien dit ? Ignore-tu que les Ecritures sont des faux rédigés par Burgan ? Répond !
Ignore-tu qu’il a proposé au Roi d’inventer une religion, l’été avant la Comète ? Alors ?
Mandi ne voyait plus rien, ses larmes brouillaient sa vue. Bizarrement, la grimace qu’elle faisait en pleurant l’embarrassait plus que sa nudité. Si ce que le vieil astrologue était en train de dire était vrai, et elle le sentait, elle ne pouvait plus continuer à vivre.

- Mais il n’avait pas envisagé que le bébé qui naîtrait dans le désert le premier jour de la Comète puisse être une femelle et donc ne correspondrait pas à ses soi-disant prophéties. Il t’a donc obligée à te travestir tout le temps ! continuait Kordau, triomphant. Tu ignorais pourquoi tout cela, et tu pleures comme une petite fille, après tout c’est ce que tu es. Une victime, la victime de la plus grande supercherie jamais osée encore ! Et victime tu resteras. Burgan a essayé tout à l’heure de nous tromper pour s’en tirer à bon compte, mais il n’a aucune preuve ; c’est impossible. Tu es donc la victime de sa minable défiance. Et demain matin, le royaume saura que tu n’es en réalité qu’une femelle vulnérable, et cette mascarade sera enfin terminée.
Allons-y, Probes, notre mission s’achève. Laissons ces jeunes gens s’amuser entre eux. Passez une bonne nuit, Seigneur !”

Les cinq hommes masqués partis, les quatre autres restèrent et le supplice commença.
Le plus excité lui appliqua aussitôt sa grosse main au pubis, et l’enserra fortement. Un autre lui prit les seins à pleines mains et les malaxa. Les deux autres se déshabillaient.

Mandi avait pris la décision de ne pas parler, pas crier. Elle pensait à sa mère qui avait subi un tel outrage, et à ses propres réflexions à ce propos au temple le jour de sa rencontre avec DeGans, il y avait déjà deux ans.

Endurer, endurer et ne pas laisser la haine m’envahir...

L’un des hommes essayait de la pénétrer, mais n’y arrivait pas.

Mal, mal, oublier la douleur, passer au dessus, au dessus...

Ils décrochèrent la croisée en bois avec Mandi dessus, et allongèrent le tout sur le sol. Nouvelle tentative de pénétration, par un autre, cette fois, un plus gros et plus dur. Mais son hymen résistait.
Elle souffrait comme elle n’avait jamais souffert, et elle savait que lorsqu’il parviendrait à s’immiscer en elle ce serait pire.
Les autres n’en pouvaient plus d’attendre, ils s’activaient tout seuls en attendant au dessus d’elle, leurs odeurs intimes mêlées étaient suffoquantes et relevaient plus de l’animal que de l’humain.

Ne pas laisser ... la haine...

Elle ne put réprimer un hurlement lorsqu’enfin l’énorme membre la perfora. C’était une douleur inédite, persistante ; même si le monstre puant qui grimaçait et s’activait au dessus d’elle s’était retiré à ce stade, sa souffrance aurait duré encore longtemps après. Mais il n’avait pas l’intention de s’arrêter. Encouragé par ses acolytes, il la pilonna de toutes ses forces, jusqu’à ce que son rythme devienne désordonné et qu’il tressaille de plaisir en grognant, s’immobilise, puis se retire enfin.
Parfois, Mandi ouvrait les yeux. Elle vit à un moment que le sexe de l’homme était en sang, son propre sang.
Elle ne criait toujours pas.

Passer au dessus, passer au dessus...

Aussitôt, un autre plus maigre prit le relais, provoquant les protestations d’un troisième qui voulait sa place tout de suite. “Tu n’as qu’à te servir, elle a d’autres trous” lui fut-il répondu. Mandi, les yeux fermés, déjà au bord de l’évanouissement, sentit alors une terrible puanteur de crustacé pourri, et un contact mou, chaud et humide contre ses lèvres : un mollusque qu’on écrasait sur sa bouche.
Elle bougea la tête de gauche à droite pour repousser l’échéance, et reçut des coups, pendant que le maigre continuait à s’activer en elle.
“Ouvre la bouche! Tu vas aimer ça, tu vas voir ! Ouvre !”

Au dessus de la haine, au dessus de la douleur, MÈRE !

Quand le maigre eut fini son affaire à son tour, l’homme au mollusque prit sa place, en demandant aux autres de la détacher des rondins. Une fois détachée, elle essaya vainement de se débattre, mais les forces lui manquaient. Elle fut alors frappée aux flancs et mise à genoux.
“Il reste encore un côté à connaître, pas vrai ?”
Elle comprit alors que ce qu’elle venait d’endurer n’était encore que les moindres maux.



*


Dès l’aube, d’énormes mouvements de foule agitèrent Pamaval. Les pèlerins rentraient tous chez eux, la plupart à pied.
Certains privilégiés avaient leurs bœufs, leurs mules ou leurs ânes, chargés à bloc ou tirant une charrette, et quelques-uns, plus riches, disposaient de chevaux et de chars. Pour la plupart de ces derniers, il s’agissait surtout des différentes délégations qui avaient eu le privilège d’être hébergées au palais. Celles d’Yskandara et de Soghnie notamment disposaient même de chameaux, summum du luxe et du confort.

Mila fut réveillée par tout ce chambardement. Les gens partaient. Elle n’avait donc pas vu sa famille et en était très déçue. Elle aurait voulu rassurer son père et sa sœur, et surtout leur annoncer la fabuleuse nouvelle : elle était devenue quelqu’un, et pas n’importe qui, un des cinq disciples dépositaires de la Juste Parole ! Elle avait été choisie, elle qui n’était pas encore tout à fait une femme !

Elle pensa alors à son Seigneur que le Grand Tout avait changé en femme. Ce miracle signifiait que son départ approchait, que de grands remaniements allaient intervenir, et qu’elle et les autres devraient bientôt se mettre en route à la découverte du Monde.
Elle ressentait à cette idée peut-être plus d’angoisse que d’enthousiasme, mais elle se sentait néanmoins prête.

Ce qui l’inquiétait particulièrement ce matin, c’était son pressentiment de la veille concernant Mandi. Elle avait à peine pu dormir de la nuit malgré sa fatigue due à l’heure tardive à laquelle elle s’était couchée, et ce matin son inquiétude avait encore grandi. C’était même cela qui l’avait réveillée. Un cauchemar terrible où le Prophète était torturé et tué, cela lui revenait peu à peu. Des hommes en noir, des démons à peine humains.

Après sa toilette, elle se rendit à la salle commune où Salya et Talym défournaient le pain. Elle demanda s’ils étaient les seuls levés.
“Terik est allé à l’étable chercher le lait, et DeGans est allé voir si le Seigneur dort encore, dit Talym.

- Il était très fatigué hier soir, il m’a dit qu’il rentrait se coucher avant la fin du spectacle, dit Salya.

Terik entrait avec deux cruches de lait encore fumant lorsque DeGans surgit la mine soucieuse.
- Le Seigneur n’est pas là ! Je suis inquiet. Tu ne l’as pas vu derrière, Terik ?

- Non. Mais il a pu partir plus tôt ce matin...

- Impossible, dit Salya, j’ai dormi ici et je l’aurais entendu traverser la pièce.

- Tu le crois incapable de trouver un moyen de passer sans t’éveiller. Il n’est pas...

- Arrêtez ! intervint Mila en pleurant, il lui est arrivé quelque chose, je le sens. Je le sais, hélas !”

Tous savaient que Mila se trompait rarement. Soudain, le pain et le lait perdirent leur importance.
DeGans, les larmes aux yeux, prit les choses en main : il irait voir du côté du temple avec Mila, pendant que Terik et Talym allaient chercher du côté du Palais et de l’Académie, en passant par la clairière favorite où le Seigneur se retirait souvent. Quant à Salya, elle restait ici pour finir les tâches matinales et voir derrière parmi les derniers pèlerins.


DeGans et Mila avaient à peine atteint la hauteur du parvis du temple lorsqu’une rumeur monta au loin devant eux, au bout de la grande allée. Une cavalcade s’approchait dans un nuage de poussière et des cris l’accompagnaient. Ils virent alors surgir deux chevaux au galop montés par des hommes en noir, masqués.

Tout se passa très vite alors.
Mila commença à hurler, et elle n’arrêterait plus jusqu’à midi.
Les deux cavaliers étaient poursuivis par des gens qui couraient en criant “Arrêtez!” ou “Non!” ou “Par pitié!”, ils distinguèrent alors que les cavaliers traînaient quelque chose au bout de deux cordes. Au niveau du parvis, chacun détacha sa corde, se délestant de leur fardeau, pour détaler aussitôt au triple galop. Ils les entendirent même ricaner en passant devant eux.
Quand DeGans vit que la chose poussiéreuse à terre était un corps nu ensanglanté, roulant mollement sur lui-même encore une ou deux fois, la compréhension pénétra son esprit comme une lame de poignard. Ils coururent, éperdus, et la trouvèrent sur le ventre.
Tout son corps était ensanglanté et écorché, surtout les fesses, les cuisses, les pieds et les bras, d’avoir été traîné au sol. DeGans écarta les cheveux en pleurant et reconnu Mandi.
Mila continuait de hurler en se tenant la tête des deux mains, à genoux devant le corps. DeGans ordonna aux badauds qui s’attroupaient de se disperser et d’aller plutôt quérir le Grand Prêtre.
Puis il entendit le murmure de Mandi.
“DeGans...

- Seigneur! oh Seigneur ! Que-t-ont-ils fait ?

- Ne t’inquiète pas ...pour moi... il faut les pardonner...

Il remarqua alors la poitrine.
Quelques secondes avant, le corps lui avait paru fugitivement féminin, mais dans l’urgence il n’y avait pas accordé d’importance.
- Seigneur ? Est-ce toi ? Tu es une...
- Une femme.
Elle essayait de sourire, mais la souffrance rendait ce sourire pathétique.

DeGans enleva sa tunique et en couvrit Mandi. Il cita la prophétie:
- Il viendra en homme et partira...

- ...En femme, oui. Ecoute, DeGans, je t’aime. Je voulais que tu saches que...

- Seigneur ! Moi aussi je t’aime. D’amour. Depuis le premier jour. Je t’en prie, ne meurs pas.

- Tu devrais adresser cette prière ... au Grand Tout ... comme tu me l’adresses. Mais mon rôle est terminé à présent ... Souviens-toi de l’essentiel, dis-le aux autres...

- L’essentiel ?

Mandi suffoquait, elle n’arrivait plus à parler. Elle leva un doigt vers le front de DeGans et y traça une comète à l’aide de son sang.

- Souviens-toi.” Sa tête s’écroula.

Burgan accourut à ce moment avec quelques fidèles. Il joignit un temps ses hurlements à ceux de Mila lorsque, en dévalant les marches du parvis, il vit le corps.
“Mandi! Non ! Qu’ont-ils fait ? ... DeGans, aide-moi. Et vous, rentrez chez vous !”
Ils soulevèrent le corps pour le porter au temple, et purent alors lire sur le ventre le mot "imposteur" tracé en lettres de sang.



LA JUSTE PAROLE - I - Le Prophète Mandi1rk4
Mandi, illustration Camille Dufayet




FIN DE LA PREMIÈRE ÉPOQUE




Lire la suite : LES APOTRES : https://cercle.forumperso.com/nouvelles-feuilletons-romans-f3/la-juste-parole-ii-les-apotres-t1371.htm







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MessageSujet: Re: LA JUSTE PAROLE - I - Le Prophète   LA JUSTE PAROLE - I - Le Prophète Icon_minitimeSam 18 Oct - 5:46

Eh bien...
Me voici, moi aussi, adepte de ton bouquin.Après avoir cru reconnaître dans les premiers paragraphes une vague ressemblance avec l'une des sagas (dont je tairai le nom pour pas te vexer) sortie ces dernières années en papier puis en pellicule, j'ai rapidement changé d'idée (mais bon quand même il y a des similitudes dans l'organisation de l'histoire, il me semble).
C'est plaisant à lire, plein de rebondissements que tu sais savamment et parcimonieusement amener.Alors bien sûr, comme j'ai plutôt une idéologie athée, il y a des trucs qui me gènent, comme la ressemblance avec l'histoire de ce bon vieux Jésus  et puis toutes les dénominations à l'identique "prophète, disciple, apôtre, temple"... Sans parler du fait que ça sonne vraiment 'déjà vu'....
Mais l'ensemble est chouette et me donne envie de lire la suite et c'est le plus important.je tire mon chapeau bien bas car je pressens une suite des plus passionnantes !
Merci Filo (mais vise un peu l'heure tardive où je vais me coucher !!)
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MessageSujet: Re: LA JUSTE PAROLE - I - Le Prophète   LA JUSTE PAROLE - I - Le Prophète Icon_minitimeSam 18 Oct - 15:03

Merci pour ta critique Cath. J'ignore de quelle saga tu parles, et j'aimerais bien le savoir, il n'y a pas de problème.
Les similitudes avec le christianisme sont bien sûr complètement voulues, puisque mon récit en est une critique entre autre, ce sera plus évident dans les époques ultérieures.
Et tu verras que la suite est effectivement inattendue, surtout la fin.
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MessageSujet: Re: LA JUSTE PAROLE - I - Le Prophète   LA JUSTE PAROLE - I - Le Prophète Icon_minitimeLun 20 Oct - 1:56

Eh bien, je suis encore plus impatiente de lire tout cela !
Il me manque juste une gro sse pincée de temps...

Pour la saga, j'ai pensé au seigneur des anneaux, mais en fait je ne la connais pas bien et les batailles et autres scènes de violence tiennent une place immense, ce qui ne semble pas être le cas dans "la juste parole". A part la scène du viol.
A bientôt le plaisir de te lire...
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MessageSujet: Re: LA JUSTE PAROLE - I - Le Prophète   LA JUSTE PAROLE - I - Le Prophète Icon_minitimeMar 21 Oct - 0:11

Chère Cath, je vais m'élever avec virulence Laughing contre la comparaison que tu fais là avec "le seigneur des anneaux".
Parce que tu t'adresses à une fan absolue de ce livre (je sais que je ne suis pas la seule, mais quand même).
Bien avant qu'il soit adapté au cinéma, et je le reconnais avec un immense brio, bien avant que ce bouquin soit à la mode, je le connaissais déjà comme ma poche.
Je l'ai découvert à 13 ans, par hasard, et il y avait juste le tome 3 dans cette librairie... je l'ai lu tout l'été, absolument conquise, et je n'ai pu avoir les tomes 1 et 2 qu'à la rentrée.
Depuis mes 13 ans, je l'ai lu, relu, rerelu, plusieurs fois par an, en français, puis en anglais. Autant dire que j'en connais des grands bouts par coeur, y compris et surtout les passages en elfique.
J'avais recopié tous les poèmes, l'année des mes 20 ans, quand je suis partie sac au dos à la découverte de l'Irlande, et ces poèmes je les scandais en marchant.
Ces livres m'ont accompagnée dans tous mes voyages, jusqu'à récemment (j'ai perdu les dernières pages du tome 3, il faut dire que les pauvres livres étaient tout dépenaillés).
Alors rien ne peut se comparer au "seigneur des anneaux". Même "Dune", que j'adore inconditionnellement, ne peut se comparer à cela, parce ce livre est un Ovni, tout simplement.
Par ailleurs, pour stopper toute comparaison, le style de Tolkien est d'un genre assez particulier, propre à certaine littérature anglaise, et que j'appelle "le style biblique". Certains le trouve trop compliqué ou emphatique.
Filo écrit d'une façon raffinée et limpide, c'est profond mais jamais lourd. Je trouve son écriture très élégante et aérienne. Rien à voir, donc.
Et "la juste parole" n'est pas à proprement parler d'un genre "épique", dans le sens où tu as bien fait remarquer qu'il n'y avait pas de scène de bataille, ni d'ailleurs de grandes envolées lyriques, ni de morceaux de bravoure.
Mais Filo est aussi un "créateur d'univers", comme Tolkien, comme Herbert, comme d'autres encore.
Et ça, j'adore !
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MessageSujet: Re: LA JUSTE PAROLE - I - Le Prophète   LA JUSTE PAROLE - I - Le Prophète Icon_minitimeMer 22 Oct - 6:32

Bon ben faut pas te fâcher hein...
Je ne suis qu'un ignarde qui n'a ni lu, ni voulu voir les films. Pour cause d'excès de violence, parce que je trouve que le trop est l'énnemi du bien et qu'on peut rester sobre tant dans la quantité que dans le bain de sang. Et, malheureusement, ce fut le choix de l'auteur. Sinon, sûr, j'aurais aimé. Parce que j'aime les créateurs de mondes où tout est inconnu et nouveau. Et j'admire l'inventivité mise au service d'une histoire, qui, pour compliquée qu'elle soit, n'en est pourtant pas moins réaliste et pleine de suspence.
Ah tu ferais la paire avec mon fils qui est lui aussi un inconditionnel du "Seigneur des anneaux et qui a moultes fois essayé de me faire voir des bouts de films (ce que j'ai fais pour éviter l'incident diplomatique). Il revient d'ailleurs régulièrement à l'attaque...
Et j'aime bien l'univers de cette saga. Mais y a trop de tueries pour mon goût.
Du coup, je préfère l'univers de Filo... Même si tu ne me le pardonneras pas (de pas aimer le Seigneur des anneaux, pas d'aimer le bouquin de Filo). Mais je préfèrerais hein...
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MessageSujet: Re: LA JUSTE PAROLE - I - Le Prophète   LA JUSTE PAROLE - I - Le Prophète Icon_minitimeMer 22 Oct - 13:39

Je suis rassuré que ce soit Le Seigneur des Anneaux que tu évoquais sans le connaître, car en effet, à part le fait de créer un monde, il n'y avait aucun rapport. Un moment je me suis dit "mince quelqu'un a déjà fait mon truc ! "
Enfin merci en tout cas.
Ce soir je commence à poster la dernière partie, pleine de rebondissements jusqu'à la fin.
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MessageSujet: Re: LA JUSTE PAROLE - I - Le Prophète   LA JUSTE PAROLE - I - Le Prophète Icon_minitimeJeu 23 Oct - 1:12

Ben je ne suis pas fâchée... pointilleuse, juste. Hum, qui a dit tatillonne ?
Je ne t'en veux pas de ne pas aimer "le seigneur des anneaux", c'est comme si j'en voulais à quelqu'un de ne pas apprécier un bon morceau de coulommiers coulant accompagné d'un petit vin rouge de derrière les fagots. Ca arrive...
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MessageSujet: Re: LA JUSTE PAROLE - I - Le Prophète   LA JUSTE PAROLE - I - Le Prophète Icon_minitimeDim 20 Déc - 23:42

Up de noël !
(je sais c'est long à lire, il y a 4 fils en tout, celui-ci étant la première époque, mais avec un peu de patience, si vous arrivez à la fin, vous me connaîtrez un peu plus et aurez suivi au pire toute une épopée concentrée.
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MessageSujet: Re: LA JUSTE PAROLE - I - Le Prophète   LA JUSTE PAROLE - I - Le Prophète Icon_minitimeLun 21 Déc - 0:19

J'adore le "au pire"... LA JUSTE PAROLE - I - Le Prophète Icon_biggrin
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