Conte nocturne

C’est la faim qui m’a tiré du lit.
Après avoir tourné si longtemps sur moi-même, errant aux draps indifférents, refoulé par le sommeil, il m’aura fallu du concret pour enfin prendre les choses en main. Se laisser faire est si facile. Tuer le temps si dérisoire. La fatigue se fait attendre et surgira demain quand je n’en voudrai plus. La fatigue est une putain qui a déjà trop donné ce soir.
J’ai eu mon petit coup de barre comme tout le monde, aux heures normales de l’assoupissement corporel, mais je l’ai laissé passé par mégarde, comme on laisse passer le train de nos souvenirs affables, comme on laisse passer la vie en croyant encore aux lendemains qui chantent.
Encore du temps perdu, je traine ma nudité du frigo à la table, j’erre dans la pénombre et la nuit me caresse, en étreinte glaciale aux mémoires du néant.
La nuit tous les chats sont gris, et les louves bien sombres.
L’une d’elle s’est assoupie près de moi, mais rien ne me réchauffe plus que les cris de mon cœur, elle est presque effrayante à se vautrer sereine.
Elle a fermé les yeux en m’agrippant les couilles, me voilà seul au monde sur un rocher qui dort, je ne maitrise rien, je dois tuer le temps, le prochain astéroïde devrait percuter la planète dans une vingtaine d’années, que c’est long, vingt ans à tuer.
Je ne maitrise rien mais la louve est sereine, aucune érection n’est prévue avant l’aube, les bons contes font les bons amis mais la solitude est belliqueuse.
L’espèce humaine est une rangée uniforme de sexes en érection où madame peut faire son choix. Elle ne s’en fait prier que très rarement, et devient souvent féministe par lâcheté d’usage.
Je traine ma nudité à des souvenirs étroits où ne perce aucune certitude, la lune a déserté le ciel et les anges ont remis leurs lunettes, deux paires pour le prix d’une, une occasion à ne pas manquer, puisqu’on supprime la publicité tout se transforme en parrainage, jusqu’au plus profond de vos rêves on a glissé quelques promotions, mieux vaut peut-être ne plus dormir.
Pourtant le monde est las et mes mots l’indiffèrent, on me rend bien visite mais on me laisse errer, je crache mes poumons et me revoilà miettes.
Un petit coup d’aspirateur, à cette heure, ça pourrait réveiller les louves.
Après tout peu importe, me dit l’ours, n’es-tu pas en vacances ?
Mais taisez-vous, utopies malheureuses, retournez à l’enfance et sucez les bambins, leur cerveau tout sucré vous donnera goût enfin.
Je n’ai plus l’âge de faire nuit blanche, je ne l’ai jamais eu du reste, et je dois sombrer avant l’aube si je veux sortir du rang.
Les femmes passent leur nuit à parler de leurs hommes, les hommes dans leur coin se brûlent les poumons et chassent à découvert aux lâchers de pucelles. Mais l’homme est jalousie et se garde à manger, à double tour, à double fond, à double vitesse si possible, l’homme est un loup qui se condamne en espérant sortir du rang, en feignant la pudeur il espère être réclamé.
Et l’image s’érige au futur hasardeux, l’homme est un loup pour les louves, l’homme n’est un loup pour rien, et la réclame, c’est devenu de la publicité.
Bonne nuit, les petits.

"Dr Jekyll ... Mr Hyde" ? Une équation à résoudre.

Voilà un texte sur lequel Wielk aurait sans doute à dire.
L'homme est un loup pour le loup. Et la femme, donc.
Ca c'est très intéressant : "Pourtant le monde est las et mes mots
l’indiffèrent, on me rend bien visite mais on me laisse errer, je
crache mes poumons et me revoilà miettes."
Et ça aussi : "Mais taisez-vous, utopies malheureuses,
retournez à l’enfance et sucez les bambins, leur cerveau tout sucré
vous donnera goût enfin."
Par contre cela, "et devient souvent féministe par lâcheté d’usage". il faudrait que tu me l'expliques, parce que je ne sais pas si c'est simplement polémique. Je ne vois pas où tu veux en venir.

constance a écrit:

Par contre cela, "et devient souvent féministe par lâcheté d’usage". il faudrait que tu me l'expliques, parce que je ne sais pas si c'est simplement polémique. Je ne vois pas où tu veux en venir.

Pareil ! (reine des pommes)

Besoin aussi d'une mise au point : "mais rien ne me réchauffe plus que les cris de mon cœur". Dans quel sens faut-il lire ce "plus" ? + ou pas ?

À part ça, je n'ai pas tout à fait la même vision de l'homme que toi. Je ne le vois pas loup. Non. Je le vois juste mouton qui rêve d'être loup et qui souvent fait tout ce qu'il faut pour s'en persuader. Heureusement que certains ne sont pas dupes. On finit toujours par s'en rendre compte, trop souvent sur son lit de mort.

C'en est désespérant pour la femme que je suis, ce tournicotage en rond au milieu de la nuit, fait de ces mots qu'on ignore quand on ne nous les dit pas. Pourtant, ils éclairent, ils sont phare d'une solitude à l'autre, pour qu'elles se rejoignent (peut-être) et tentent (en vain ?) d'unir leurs efforts pour repousser le désert.

Un texte qui rejoint le pot des questionnements et des petites réponses qui viennent, de temps en temps à peine, aquarelliser un point d'interrogation... qui repoussera, comme la mauvaise herbe. Parce que.