Les mots pleurent

"ils dépouillent ma plume d’écorce protectrice"
et je les vois couler d"elle" comme une pluie libèratrice...
Merci Solweig.

Je suis rentrée sans aucun mal dans ton poème,et il me parle, infiniment.
Il me rappelle des instants d'errance dans la ville, des instants de solitude et de désespoir si pur et si absolu qu'ils engourdissent l'âme et oblige le corps à s'épuiser. J'ai retrouvé cela, cette impression qu'une nature distordue va engloutir la ville abandonnée, une impression de désolation intense.
Comme Margo, une mention spéciale pour la fin.

Comme un temps d'épuisement, de flottement des désirs, entre ancien et nouvel élan...et la ville sous la pluie, et l'ennui, et l'étrangeté de notre place, de nos intérêts ici.
Très sensible à cette description, j'ai aimé tourner les pages jaunies de cette nature morte, sous la pluie de tes mots.

Ton poème m'a fait revivre de longues errances dans une ville qui n'était pas Paris, mais qui était ville tout pareil. Se sentir fantôme en croisant les passants, impression d'être invisible et de pouvoir les observer sans même les voir vraiment. Un matin un peu sale, sortant de boîte de nuit ou de chez un(e) ami(e) sans avoir envie de rentrer. Faire le tour des pâtés de maisons. Pour rien. Juste comme ça. Pour étirer le temps.
Bizarrement, d'après ce qui est dit avant, j'aime moins la fin, ou plus le début. Les "mots esquintés" ? Je ne sais pas ce que c'est qu'un mot esquinté.

Il est quelquefois des mots prononcés sans que rien ne puisse venir les étayer, ces mots sont vides, vidés de leur substance, ils sont esquintés oui c'est sûr puisque ils ne sont plus en accord avec la réalité...Je saisis pleinement ton évocation. Avec tous mes compliments. LOUP.

Sans entrer dans une polémique infinie, qui est arrivé le premier : l'oeuf ou la poule, le mot ou la réalité ?

En psychologie, on apprend que le mot "dit" est celui qui convient : la réalité de celui que le prononce au moment où il le prononce. Demain il n'aura peut-être plus aucun sens, mais à ce moment-là, c'est pile celui qui convient. Penser qu'il est impropre, "vidé" ou "esquinté" est soumis à l'interprétation du récepteur, donc à possibilité d'incompréhension, d'erreur et de déformation. Il faut le prendre tel qu'il a été dit. Personne n'est dans la tête de l'autre.

Sans vouloir remonter à Christophe Colomb qui on le sait n'a pas
découvert l'Amérique contrairement à Amérigo Vespucci le Florentin qui lui a touché
vraiment le continent (bien qu'il ait été suspecté de mensonge)et bien que je ne veuille pas me piquer de psychologie (qui est, tout le monde le sait une science approximative) je reviendrai donc sur ce qu'est le mensonge ou le laspus. L'un consiste à masquer la réalité ou d'essayer d'en établir une sur des éléments faux et l'autre à l'inverse dévoile ce que l'on voudrait cacher...Alors où est le sens des mots dits ? Sur ces mots dits (presque maudits) on établit des jugements. Heureusement nous ne sommes plus aux temps de l'inquisition ou il suffisait de prononcer un seul mot pour aller au bucher...Sans même que soit administrée la moindre preuve...On peut faire un métier de tout et j'ai le sentiment de savoir ce que sont les mots "esquintés" juste par déformation professionnelle. Cordialement. LOUP.

Emouvant...
Je n'en dis pas plus, vous avez tout dit.

wielkiwilk a écrit:

Cordialement.

Mot "esquinté" ? Je pourrais le penser, vu ce qui le précède. Pourtant, ce faisant, je te ferais forcément un procès d'intention qui tient à ton humeur, à la mienne, au fait que l'on ne se connaît pas suffisamment, et qu'on ne connaît pas nos fragilités et humours respectifs...
Je préfère respecter ce "cordialement", même si je suis tentée de douter.
Cordialement. Lucaerne.

Pardon Solweig de digresser sur ton fil, et de finalement peu parler de ton poème. Peut-être faudrait-il ouvrir un fil spécial "Et le Mot fut" ?

En passant... "ils dépouillent ma plume d’écorce protectrice". Ayant perdu son armure, ta plume n'en est-elle pas plus belle et émouvante ?

Lucaerne
Je sais que ma poésie est ... comment te dire... « spéciale ». Elle s’exprime plus entre les lignes que dans mes mots. Je suis restée absente quelques temps mais Wielkiwilk me connait mieux que personne par ma poésie, il sait ce que j’exprime, il est le premier lecteur de tout ce qui est écrit et veille à ce que je ne fasse pas de « bêtises ». Parfois cela entraîne de très longues discussions sur telle ou telle formulation. Je suis francophone autodidacte – au début j’ai traduit en français mes poèmes, maintenant, le plus souvent, je les écris en français directement. Bien sûr le poème, du moment que le lecteur le lit, il lui appartient un peu et il a le droit d’en faire sa propre interprétation et d’aimer ou non des choses. Mais la poésie est une fille libertine – je pense qu’il ne faut pas « lire » les mots tels quels, au contraire – la poésie contemporaine est sur le chemin de la recherche, et heureusement.
Voila, quelques explications. Je suis heureuse de venir partager avec vous ce que j’écris. Et merci de venir et de bien vouloir me lire.
Mon cher Loup ! merci de «défendre» mes mots. Mais je pense qu’ils le font très bien eux-mêmes.
Bises à vous tous Solweig

Je trouve beaucoup de charme à cette poésie imagée et suis entrée sans peine dans son univers. J'apprécie spécialement les deux derniers vers.

ce serait l'aubier à nu: l'aubier, cette partie tendre du bois, juste après l'écorce, et l'aubier de l'aube parisienne.
J'aime tes mots faits de ce bois- là. Par lui la sève circule.