Jour après jour ils sont venus
Ne montrant souvent qu’un premier rang en ordre d’écriture,
Et le reste pêle-mêle, mal habillé, naïf, pataud, même intrusif.
Jour après jour ils ont assailli
Le champ bataille de la conscience,
Ne laissant de repos qu’en limite de rupture,
Là où les jambes ont besoin de s’étendre
Et les yeux de se tourner aux rêves réparateurs.
Au fur et à mesure, il fallut les ranger,
Leur donner de l’allure,
En faire un talus qui se tienne,
Brise vent, brise misère, et brise amer,
Un rempart à l’abîme et à l’ennui,
S’élevant à l’égal du chemin qui se creuse.
Sur le haut colonisent les arbres et les fleurs
Où se hisser pour voir aller venir,
Prendre la mesure,
Visiter le dessus des brumes
Et gratter le ciel
De son haut s’exposer et oser.
L’addiction colle à la plume,
Et le vertige à ce fleuve large et puissant,
Où puiser la goutte unique qui manque.
Les mots !
Dans leur eau jusqu’au cou,
Encore s’en averser dégoulinants.
D’une phrase ne peut-on pas visiter le savoir ?
Oui, par mille renvois, mille interstices de sens
Qui ouvrent chacun mille autres espaces
Devenant à leur tour des champs infinis de signes…
A partir d’un ou deux mots, trois fois rien,
Explorer le monde….
Trois : nombre, premier, deux plus un, trinité, trois quarts, trois mâts,
Tricycle, adjectif…
Fois : chacun des cas où un fait a lieu, multiplier, conte...
Rien : contraire de tout, zéro, nul, vide, rien à faire…
Et pour chacun, reprendre déclinaisons, associations
De tout ce qu’il comporte ou évoque :
Nombre : arabe, numération, suite, or, grand et petit…
Oui, de « trois fois rien » refaire le monde,
C’est le pouvoir des mots.
Et ce carnet, là, n’est qu’une feuille morte
Emportée par leur flot.
Qu’une vienne à manquer, la rivière serait moins belle.