Une place à rêverie
Ils ont l'illusion que je prends
toujours cette place à table par souci d'affirmer mon statut.
Et je ne leur enlèverai pas de
la tête. C'est trop utile.
En vrai, elles est place à
rêverie: au travers de la porte-fenêtre qui me fait face,
s'agite le spectacle des arbres.
Des trois lonicera,des sapins voisins
et des euonymus, j'ai sculpté un jeu de boules végétal
de hauteurs et volumes variés.
Ils amorcent le paysage en second plan,
au-delà de la rue, où s'imbriquent les masses des
grands du fond: frêne, bouleau, frêne encore et chêne,
un rideau de cyprès sombre, et devant un noisetier vert, un
autre rouge et le magnolia niché dans l'ombre. Il pointera ses
rubis en janvier.
Une haie de thuyas intermédiaire
et un petit mur de pierres, le faîtage de la maison voisine,
fixent l'horizontalité et les arbres en tiennent mieux debout
à étayer le ciel bas.
Tous les jours, il me faut m'attarder à
ce mélange de persistance, de nudité, de demies
teintes, de diffusion et d'espoir.
Tous les jours, je me nourris du
mouvement incessant et croquis à l'appui de l'écriture
manuelle, je retrouve l'imperfection du geste humain, le droit à
l'erreur et je fuis l'uniformité formatée. Je respire
et je vis.