Je suis l’esprit des bois, un filet bleu métal sur la racine nue
Les brins entremêlés sous le hêtre feuillu
Dont l’ombre cache un œil vif et noir qui épie.
Je suis l’âme de la forêt dans l’azur d’une mare oubliée
Au creux d’un vallon triste
Où pleurent les arbres de novembre secouant leurs oripeaux déchirés
Aux vents qui dénudent, froids.
Je craque, ici ou là, invisible et mystérieux,
D’un coup sec de branche morte
Qui sonne et glace sous la voûte immense d’une verte cathédrale
Imposant le silence au promeneur et la peur.
Je veille sur les elfes en sommeil sur le hamac
Tendu par l’épeire entre anémone et fétuque.
Dans les rameaux moustaches du bouleau blanc
Je ris des gais lutins
Chevauchant les carabes d’or et le grand capricorne.
Je couvre d’or la fougère et la nomme royale,
Je souffle au pied de la russule,
Elle enfle blanche et lie de vin pour se dire charbonnière
Et humble s’associer au cycle végétal.
De girolles d’automne j’ai tissé un tapis odorant jaune et brun
Et de l’amanite rouge ponctué les sentiers.
Je suis la respiration du monde
Et sous mes apparences branchues s’active en secret l’humus
L’alchimie de régénérescence, l’harmonie terre eau ciel orchestrée par la sève.
Agenouille toi, petit homme et dis moi merci,
Devant tes yeux, aux quatre saisons
Je déroule un théâtre de vie.
Il tient à ton respect que je le prolonge à l’infini
Pour le plaisir de tes sens, de ta faim, de ton imaginaire.