Cathecrit Maître
Nombre de messages : 1269 Age : 62 Signe particulier : increvable Date d'inscription : 11/07/2007
| Sujet: "Madame, il y a le feu..." Chapitre 6 Dim 16 Aoû - 6:25 | |
| Ils sortent pour nous laisser réfléchir et, voyant la tête de mon homme et sa mère je comprends qu'il n'est pas la peine d'expliquer quoi que ce soit, car ils ont tout entendu. Rapidement, nous tombons d'accord sur le fait que je dois me faire opérer au plus vite et que cette équipe inspire autant confiance que possible. Je suis avide, oui, extrêmement avide de me débarrasser de toute cette vacherie qui m'a envahie, sournoise et silencieuse, telle la 'grande faucheuse' comme on dit. C'est assez horrible de se dire que, malgré soi et pire, à l'insu de soi, on peut être envahie par des CHOSES (venues d'on ne sait où d'ailleurs : va falloir chercher de ce côté plus tard) qui vous veulent tellement de mal qu'elles pourraient vous vaincre et vous tuer avant même que vous ayez compris qu'elles vous ont colonisé !!!
Heureusement, il y a un bon côté à tous ces événements affreux. Si, si, je vous assure, je ne délire pas, bien au contraire. Il s'agit du fameux adage « un malheur n'arrive jamais seul » ou bien « après la pluie le soleil » ou encore « à malheur, bonheur est bon ». C'est en fait pour cette raison que j'ai écrit ce livre. Moi aussi j'en ai douté, mais vous verrez, petit-à-petit, on en vient bien à changer d'avis. C'est une chose que, bien souvent, ma 'psy' (bah oui quand même, avec tout ça, il fallait bien que je me fasse aider, normal. Indispensable même. Aussi, n'ai-je aucun scrupule à préciser que, personnellement, c'est une psychothérapeute qui m'a aidée. Parce qu'elle a essentiellement travaillé sur la relation d'aide), ma psy donc, me l'a répété et rabâché et moi aussi, ça m'a gentiment agacée. Mais au final, elle avait raison. Si, faites-moi donc un peu confiance, puisque, de toute façon, si vous lisez ces lignes, c'est parce que vous avez acheté le livre. Parce qu'il vous a donné un peu d'espoir... Non ?
Bon déjà, si en lisant les quelques mots écrits au dos, vous aviez ne serait-ce que l'espoir de rire un peu, au moins je suis sûre que, plus d'une fois les différentes situations que j'ai vécu, et les réflexions (souvent entre parenthèses) que cela m'a inspiré, tout cela vous a amusé. Peut-être même avez-vous ri ! Ne regrettez pas, ni par pitié ni par peur d'avoir mal fait. Votre rire était pour moi l'effet recherché, puisque j'ai écris ce livre d'abord pour déposer quelque part cette si lourde aventure qui pesait dans la besace de ma vie (ma chère psy appelle cela vider sa corbeille. Je trouve l’image particulièrement imagée et du coup appropriée, non ?), ensuite pour essayer d'aider ceux qui ont le même genre de besace à traîner (et à vider du coup)... Et qui n'ont pas (pas encore), comme je l'ai enclenchée, la fonction humoristique de la plume !!
Il faut toujours nous entraîner à rire du plus grand nombre de situations pénibles que nous avons traversé car, quelque soit notre réaction, la situation ne sera pas différente. Sauf dans notre ressenti, bien sûr. Mais c'est ça le plus important : arriver à influer sur notre ressenti afin de supporter l'insupportable. Coluche ne disait-il pas à propos du coq, symbolisant le français toujours débrouillard, que « même les deux pieds dans la merde, il continue encore de chanter ! »...
Donc, me voilà à la veille de la plus grosse opération de ma vie.
Il m'a fallu du temps pour écrire cette histoire et, au moment de relater ce chapitre, je ne me rappelais plus comment j'avais pu traverser ces instants si durs à vivre.... Cela m'est lentement revenu. Ou plutôt, je comprends aujourd’hui comment j’ai fait. En fait, dès le départ, j'ai dis aux médecins que je voulais savoir la vérité, parce que, si on ne me la disait pas, cela m'anéantirait. Je le maintiens. C’est comme ça que je fonctionne mais je sais que cela m’est tout à fait personnel pour avoir entendu de la bouche même d’autres malades que beaucoup d’entres eux ne sont souvent même pas capables de regarder leurs résultats d’analyse… Alors que moi, ne pas pouvoir regarder me rendrait complètement dingue d’angoisse. J’ai l’impression que le fait de savoir me permet de maîtriser un peu la maladie. Ensuite, je crois que je me suis en quelque sorte scindée en deux moi bien distincts : le premier bien conscient de sa maladie et très au fait de tout ce qui la concerne afin de faire face au mieux et, une fois en rémission, d’y rester jusqu’au bout ; le deuxième comme inconscient de la maladie et de tout ce qui la concerne et vit le plus normalement possible. Cela parait bizarre à croire mais c’est ainsi que j’ai pu par exemple arriver à aller en chimio un jour et à mon atelier de théâtre le soir, surprenant mon prof et les autres élèves qui ne comprenaient pas comment je pouvais y arriver, puisque l’on sait que, la plupart du temps, les séances de chimio fatiguent énormément.
Je crois donc très fort que c’est ce qui m’a permis de passer de l’état de ‘très malade’ –voire mourante- à l’état de personne en rémission, ce que je suis depuis un an. Il me reste donc encore 6 ans de rémission avant de me considérer comme guérie… Et puis je pense qu’il faut savoir aussi lâcher du lest de temps en temps et s’accorder par exemple le droit de pleurer sur son sort, sur l’injustice du destin. Cela fait, on arrive souvent un peu mieux à faire ressortir le ou les points positifs d’une situation qui ne semblait pas en avoir à première vue. Le lendemain, on me réveille tôt d’une mauvaise nuit passée à somnoler vaguement à l’aide d’un quelconque psychotrope dont on va m’abrutir durant les 18 mois à venir. Je connais. Dans une vie antérieure j’en ai déjà eu besoin. Mais j’ai su les arrêter à temps et je referai de même. A 7 heures, je suis douchée et mon tube digestif termine de se vider en prévision, m’a-t-on dit, d’une possible intervention sur le colon où le chirurgien redoute de trouver une tumeur. Si c’est le cas, je vais me réveiller avec une poche provisoire pour 3 mois, le temps de cicatriser. Charmante perspective. Je vous laisse imaginer l’état d’esprit dans lequel je me trouve, et, encore une fois, c’est un peu comme si une partie de moi regardait l’autre réagir… C’est étrange. Comme si j’étais une sorte de roseau qui ploie sous la tempête sans se faire déraciner parce qu’il sait qu’il reprendra sa place une fois l’orage passé…
7 h 10. J’ai enfilé la jolie tenue bleue roi maintenue par une vague ficelle au milieu du corps. Plus de bijoux, je ne garde que mes cheveux. Pour l’instant. Je ressens le besoin d’appeler ma sœur mais je n’ose pas… cela fait plusieurs années que l’on ne se parle plus pour une bête histoire de succession. Alors j’appelle son fils et de suite il me la passe. Nous ne nous disons que quelques phrases et elle a un mot d’encouragement pour moi. Il paraît qu’elle était ‘en vrac’ en apprenant ce que j’avais… Je ne sais pas expliquer pourquoi mais il fallait que je lui parle. Et puis j’envoie un sms à une collègue qui me « bat froid » depuis tout aussi longtemps. Cela me vaudra le plaisir, pas moins de 8 jours plus tard, de recevoir un beau bristol blanc annoté d’un court message impersonnel « tous mes vœux de prompt rétablissement ». Pas possible, elle a dû confondre avec la grippe ! Enfin, si mon sms reste sans réponse ce matin là, j’ai parlé quand même parlé à ma sœur. Et à mon homme.
7 h 25. Voilà le brancardier. Faut y aller. Adieu mon vrai corps de femme. Adieu le petit nid qui a su protéger mes deux petits, tu es devenu un sale nid de vipères… Qui vais-je devenir ? Vais-je seulement devenir ? Rien n’est moins sûr à ce moment là et le brancardier sera peut-être le dernier type avec qui j’échangerai quelques mots. Si je m’en sors, il faudra que je propose aux hôpitaux d’embaucher des psy-brancardiers afin qu’en nous transportant avant une grave opération, ils puissent deviser gaîment avec nous de la pluie ou du beau temps. Ou de notre mort qui approche. Mais n’oublions pas : adieu saloperie de cancer, quand même. … Je me réveille quelques 6 heures plus tard. Je suis dans ma chambre. Vaguement vasouillarde, vaguement réveillée. Ma nouvelle fermeture éclair me fait plutôt souffrir. Je me sens comme à l’agonie, mais vivante. Il faudra, comme d’habitude (eh oui c’est ma troisième grosse opération et ce n’est pas fini), attendre deux jours pour que je commence vraiment à émerger et à me sentir juste un peu mieux. Bien sûr, je suis au bouillon de poule / biscotte / yaourt pendant trois jours ; normal, c’est la suite de la punition. Il faut réhabituer mon tube digestif et l’intestin qui y fait suite (au passage, une bonne nouvelle : je n’ai pas d’anus artificiel, ce qui veut dire que je n’avais pas de tumeur à l’intestin. C’est déjà ça !). Et puis je n’ai pas faim. A la sortie de l’hôpital, je découvrirai que j’ai perdu onze kilos en quinze jours ! Et je ne serai plus jamais vraiment une femme. Plus d’utérus, aucune chance de faire un bébé avec Alain, lui qui y était maintenant prêt. C’est plus que brutal (et plus qu’injuste. Mais quelle note suis-je en train de payer et pour qui ?). Et je ne sais pas si je m’y ferai, si je pourrai penser à autre chose, ni si lui s’y fera mais aussi dur cela soit-il, c’est notre chemin. Fermer les yeux, détourner le regard ne ferait qu’empirer les choses à la longue. Il faut du temps pour accepter l’inéluctable. Du temps pour réaliser, du temps pour assimiler déjà. Du temps pour se plaindre aussi. A la terre entière si je pouvais de l’injustice de la situation, moi qui ai déjà payé si cher une note qui me paraît destiné à quelqu’un d’autre…
Mon homme tout déboussolé vient me voir, ma belle-mère très présente et attentionnée à tout ; et puis mes parents deux jours plus tard. Je suis très entourée : une amie du théâtre, une collègue de Seine-Saint-Denis devenue amie, ma cousine, une directrice d’école maternelle et amie… Et puis des coups de fils en masse dès le troisième jour (j’avais dis pas avant). Tous m’apportent des cadeaux, du soutien ou les deux. Ils ne savent pas quoi faire pour me remonter le moral qui n’est pas si mauvais d’ailleurs. On me raconte ses petites aventures quotidiennes qui me font parfois sourire… Et puis je suis couverte de cadeaux (pêle-mêle : un peignoir, des livres, un CD, un sac, un polo manches longues des chocolats).. Je vais passer la semaine dans cette chambre dans un certain confort (puisque déjà j’y suis seule, ce qui est un luxe ici, vu le prix des chambres seules : cent trente euros la nuit). Cela me permet par exemple de rallumer ma lumière en pleine nuit pour bouquiner si j’en ressens le besoin (et cela arrive), sans que cela gène personne.
Au troisième jour mon intestin se remet à fonctionner mais il se rappelle à mon bon souvenir de méchante manière : la colique. C’est affreux ce que ça peut faire souffrir, sans compter qu’avec la cicatrice, ça n’est pas une sinécure de pousser… Je me retiens plusieurs fois d’hurler carrément. On me donne du spasfon lyoc et je m’en gave mais j’ai toujours très mal. Et ça dure. Mais je ne vais tout de même pas me laisser impressionner par une saleté de colique ! Elle passera, comme le reste, c’est juste un sale, un très sale moment à passer…
Au quatrième jour il faut refaire le pansement et écarter les agrafes, ou plutôt les aplatir, je ne sais pas trop. Il y a le drain qui suinte un peu et il va y avoir un petit incident une nuit avec (enfin plutôt avec l’infirmier qui a dû s’en occuper et qui n’avait pas du tout prévu de faire ça, puisque la nuit, habituellement, les patients dorment tous). Le drain a suinté sur le pansement et l’infirmier de nuit, voulant me l’ôter, l’arrache d’un coup sec. Mais le pansement principal pour la grande cicatrice est collé sur celui du drain et du coup il s’arrache en partie avec celui du drain. Je hurle. De surprise autant que de douleur. Puis je le houspille (peut pas faire attention non ?). Il s’excuse vaguement. Je sens bien qu’il s’en fiche et ça me blesse qu’il ne pense pas à être plus attentif au bien être du malade qui en a déjà bien assez bavé. Quelques jours plus tard, c’est encore lui qui me fait miroiter l’arrivée sur son écran de résultats d’analyse en pleine nuit (il est possible que j’ai une infection du sang, tout de même) alors qu’il n’y a rien d’affiché et que vraisemblablement, il le fait pour avoir la paix. Je sais bien que le labo ne fonctionne pas la nuit, sauf pour une urgence, ce que je ne suis pas. Enfin c’est le seul avec qui j’aurai eu maille à partir. Tout le reste du personnel est compétent et discret.
Dernière édition par Cathecrit le Lun 17 Aoû - 3:02, édité 1 fois | |
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Cathecrit Maître
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| Sujet: Re: "Madame, il y a le feu..." Chapitre 6 Lun 17 Aoû - 2:57 | |
| Ah oui c'est vrai, j'ai oublié de changer. J'ajoute que depuis quelques mois, c'est la couleur qui apparaît automatiquement et qu'il faut à chaque fois que je la modifie. C'est pénible. Surtout que ça marchait super avant et que j'ai rien fait pour que ça change. Des histoires de Cath quoi, la routine. | |
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