J'ai fait un rêve

J'ai fait un rêve

Partout les morts se sont levés de leurs cendres et de leurs poussières, autant qu'ils furent tués par la haine, la guerre et la cynique bêtise croyant que faire mourir un homme est une solution acceptable, quand l'annonce s'est faite par tous les médias à sa botte qu'un nouveau dictateur montait en puissance parmi la foule moutonnière et apeurée, pour vociférer sa loi, son arbitraire, son bon plaisir carnassier, ses remèdes miracles, extrêmes et finalement génocides.
Les morts ont dit: NON!
De leur poudre se sont reconstitués les os, les squelettes et les chairs livides de leurs corps amaigris.
Ils se sont avancé sans hâte, serrés, l'oeil noir et le pas déterminé.
Ils ne craignent plus les armes, ni les colères, ni la séduction et ils sont innombrables. Ils se sont avancé, pressant le nouveau prétendant à la déité jusqu'au pied du mur de la honte construit pour l'occasion à Guernica, et ils l'ont contraint à éprouver la peur, l'étouffement, la terreur et le piège sans issue.
Il s'est mis à genoux, pleurant sa mère et criant: « pitié »!
Les ressuscités ont fait un conciliabule, laissant le fou prétentieux quelques minutes à l'horreur de ses fantasmes paranoïaques.
Puis l'un d'eux, le plus petit, le plus humble et le plus chétif est sorti de leurs rangs pour lui dire:
« relève-toi, frère, et regarde-nous tous. Chacun de tous ceux-ci passera devant toi, te dira son nom
et comment il fut assassiné. A chacun, tu demanderas pardon d'avoir pu penser que sa vie serait négligeable au regard de ton ambition. Tu n'auras de cesse que tous puissent retourner dormir en paix après avoir reçu tes regrets. Je ne sais si tu auras assez de ta vie. »
Puis il dit son nom, sa mort dans les prisons argentines et laissa sa place aux juifs, aux noirs, aux russes et aux asiatiques, aux protestants , aux catholiques, aux musulmans, à des hommes et à des femmes de toute race, de tout âge, de tout continent, de toute condition ou religion, certains accompagnés de leurs animaux.
Les médias convoqués firent état de l'événement au monde entier, pendant des jours, des mois et des années.
Il fallait bien se rendre compte une fois pour toutes que la dictature et le totalitarisme, y compris ceux pratiqués sournoisement par le tout économique et profit car disséminés discrètement dans les stratégies égocentriques de milliers de porteurs, tuaient énormément plus d'hommes que la route, l'alcool, le tabac et toutes les maladies réunies. Et que leur éradication était la priorité des priorités d'une mondialisation annoncée sur le mode du vivre ensemble et du partage des richesses.
L'indifférence fut mise à l'index, sur la même liste d'un moratoire contre l'exclusion, la peine de mort, la toute puissance, la religion d'état, le monopole et de tous les autres mots et réalités qui n'auraient plus d'usage autorisé, car trop nuisibles à la bonne santé des démocraties et de leurs citoyens.
Avant d'ouvrir son paquet de tabac, sa bouteille de vin, sa voiture ou son lit, chacun devait se dire: « le totalitarisme nuit gravement à la santé du monde en général et des hommes en particulier, veillez à prendre votre place avec modération et douceur, une solution est toujours possible et garantie par la négociation et le dialogue. »
Partout, les affiches proclamèrent que la force qui frappe est une faiblesse qui détruit et que la vraie force se retient et protège.
Des conteneurs de violence furent inventés via Internet et des médiateurs, autorité et qualification nouvelles aux pouvoirs étendus confiés par élection, s'occupaient de leur traitement au quotidien, faisant tri entre celles recycables en matches amicaux et celles à atténuer par une simple intervention apaisante et déconditionneuse d'égoïsme.
On y ajouta des politiques très volontaristes d'élévation pour tous du niveau de culture par la pratique généralisée de tous les arts à laquelle contribuèrent tous les teneurs de l'excellence dans leur domaine. On appela « BAUDELAIRE », ce principe d'élévation collectif dont on s'aperçut vite de sa participation essentielle aux progrès de la paix du monde.
Se développèrent les activités sportives et de jeu sous la bannière du fair play, les compétitions déshabillées de leurs haillons politiques et de domination, l'enjeu placé dans la beauté des gestes plus que dans le résultat. L'intelligence des hommes se concentra sur la recherche des moyens nécessaires à ce que la terre cesse de se défaire,- on baptisa cette opération « Albert CAMUS»-, et à ce qu'elle soit suffisante pour la survie ensemble d'un nombre de générations incalculable.
La guerre demeura, contre la maladie et les gaspillages, l'inculture et la paranoïa démesurée, on ne sait jamais. Chacun prit sa part du bien et du mal.
Chaque mort injustement victime des Hitler, Pol Pot, Staline, Inquisition, Révolution et tout autre extrêmisme démesuré et sanguinaire, put retourner à son repos éternel en se réjouissant que son sort ait permis l'avancée de l'humanité.
La volonté de toute puissance ne fut plus cotée en bourse, elle n'était plus une valeur...
Il fit ce rêve dans la nuit du 10 au 11 septembre 2001. A quatorze heures, heure française, il fut comme tous amer, ricains.
Le scrutin à deux tours suivant remit les bushées doubles à la guerre meurtrière et il avait à peine fini d'écrire qu'il se faisait traiter de con par sa propre fille, ce qui le mit dans une colère noire. Un mur en a gardé la trace qu'il a baptisé: « de la honte ». Il fallait bien que ce rêve commence à se réaliser quelque part.

MON DIEU QUEL MAGNIFIQUE TEXTE GEHO !!!!

Je veux rêver comme toi.

Il faudrait en faire une sorte de pétition que l'on ferait signer à tous les humains qui veulent croire en l'humanité et l'envoyer aux politiques de tout poil...

Mon prof de théâtre fait de temps en temps des lectures publiques dans ma ville et j'ai demandé à participer. J'aimerais beaucoup commencer par la lecture de ton texte... si tu veux bien.

Alors je ne sais pas si tu vas le poursuivre et l'étoffer mais je t'y encourage.

Compliments.

Une magnifique leçon.
Hélas... je ne sais pas si je crois en un mouvement d'ensemble de ce type. Mais je crois, fermement, que si chacun faisait ce petit, ce minuscule effort, qui est pourtant le plus grand renoncement, celui de l'égoisme et de l'auto-apitoiement, je crois que si chacun faisait sa petite part de travail sur soi et partageait, on arriverait à quelque chose.

merci à vous.
J'ai choisi de ne pas attendre que les autres fassent, je fais ce qui est à ma portée. Et je le dis. Ceux qui vivent autour ne pourront pas dire: on ne savait pas. Et moi, je veux pouvoir me regarder dans le miroir sans honte.
Cath, bien sûr tu peux te servir de ce texte. Mais ce n'est qu'un rêve.

"les structures de tous les changements extérieurs qu'amènent des guerres , des révolutions, des réformes, des lois ou des idéologies, ont été incapables de modifier la nature profonde de l'homme, donc des sociétés. En tant qu'individu humain vivant dans la monstrueuse laideur de ce monde, demandons nous s'il est possible de mettre fin à ces sociétés basées sur la compétition, la brutalité et la peur.
posons nous cette question, non pas comme une spéculation ou un espoir, mais de telle sorte qu'elle puisse rénover nos esprits, les rendre frais et innocents, et faire naître un monde totalement neuf.
Cela ne peut se produire, je pense, que si chacun de nous, en tant qu'êtres humains, en quelque partie du monde que nous vivions, ou à quelque culture que nous appartenions, sommes totalement responsables de l'état général du monde."

Krishnamurti
Se libérer du connu.

Ce n'est qu'un rêve, mais quelqu'un a bien dit " I have a dream"!
Et c'est à la portée de chacun, le petit geste qui...

Merci Geho, ton rêve s'inscrit dans la reflexion que je conduis actuellement.