Chant au gisant
Qu'importe le pays, le moment, la race, l'âge ou la beauté,
Qu'importe même la circonstance,
La chair de la chair évanouie, éteinte, emportée, fracassée
Taraude.
Qu'importe la mère maraude ou bonté,
Qu'importe.
Moi, le remplaçant, le fils d'après, l'écho du gisant,
Né sur un lit de douleur chaude,
Je sais la mélancolie, le chagrin, le cri
De ce qui ne se nomme pas,
De ce qui ne s'accepte pas,
De ce qui tient les yeux rougis, les cernes mauves
Et les bras serrés autour du vide inaltérable.
La part des anges est cruelle,
Claudiquant l'arbre amputé de la promesse d'un rameau ,
Trop fugace l'étoile filante,
Navré le voyage attendu compromis,
Ruine la maison rêvée demeurée fondations,
Silence la chanson jamais chantée,
Page blanche le roman laissé au préambule.
Mater dolorosa,
Faute d'oubli, de réparation, de regain,
Il reste à l'oiseau paré de sa cage noire
La faim de vivre, la maigre consolation
De haïr le gâchis, l'injustice et la guerre,
De muer, s'il le peut, les larmes en perles,
Et de tendres mots sur vos plaies ouvertes...
Dors, mon ange, mon frère, dors,
Nous te rejoindrons.