( pour Constance, sa fidèle lecture et je crois son amour de ce petit coin génial)
Entre la Marette et le Grouin le chemin dit « des douaniers » s’essouffle en montagnes russes, ce vieux manège dont les voitures montent et descendent impressionnantes.- l’un des premiers est au Prater de Vienne, je crois-. Le sentier grimpe et dévale entre plages blondes et
caps de roches noires.
Chacun est fidèle ici à son carré de sable, souvent pour des raisons sentimentales : des joies d’enfant prolongées, un souvenir de rencontre, le repère entre amis pour des feux et des fêtes nocturnes, des parties de volley au creux de la dune.
Il y en a pour toutes les curiosités. Roquette sauvage, mauve et chèvrefeuille sont encore en fleurs pour le plaisir du botaniste. Les pins et tamaris accrochés à la falaise sont des textures de premier plan et le contraste harmonieux des eaux émeraude et grèves crémeuses. Avis aux croqueurs de paysages paradisiaques. Le collectionneur de galets pourra prévoir de grandes poches pour décliner sur tous les tons les cailloux de son jardin.
Pêcheurs, baigneurs ou paresseux, promeneurs ou sportifs, ou simples contemplatifs du vol d’oiseaux marins, sont chouettes les badauds du bord de mer.
L’amateur d’histoire locale, autour des petites maisons de pierre qui servaient d’abri nocturne et d’observatoire aux douaniers, - du plafond voûté au toit à double pente, elles étaient maçonnées d’une seule masse-, peut imaginer l’aventure de contrebandiers débarquant la nuit au retour des îles Chausey….On les aperçoit dans l’encre de l’horizon, le temps va venir à la pluie avant ce soir.
Fan de Ferré, on pourra s’arrêter devant l’île Du Guesclin et fredonner ce chant à la mer qu’il aurait composé ici.( quelqu’un pourrait me donner le titre exact ?) Et dans une autre maison perchée sur le rocher, entendre crisser la plume de Colette écrivant « Le blé en herbe »…marcher sur ces chemins et ces plages qu’ils ont pu fréquenter donne le frisson.
L’arrière pays aurait presque le même charme dans sa composition de champs maraîchers multicolores, de bocage aux haies de chênes têtards séculaires et velus, de « rues », enfilades de petites maisons de pierre aux toits indigo relevés d’orange, et de malouinières cossues, grands manoirs des corsaires partis courir fortune aux quatre vents du monde marin.
Au retour, c’est comme un rituel de ralentir à la sortie haute de Cancale, pour admirer encore la baie de Saint Michel, ce triangle magique pointant sur la grève immense…
« Bien me semblait que grand repos y aurais si j’y étais enclos :
Jamais n’en pensais partir si là pouvais parvenir »
Guillaume de Deguisleville, poète du moyen âge.
( et pour tous ceux que ça intéresse, bien sûr)