Précieux reportage ! Un journaliste ne ferait pas mieux, surtout que tu apportes poésie et documentation. Certaines photos sont impressionnantes, quelques autres un peu floues, mais si peu...
vestale Prêcheur
Nombre de messages : 937 Date d'inscription : 28/09/2007
J'aime beaucoup l'arbre emmêlé et les couleurs que la ville répand. Toujours aussi subjuguée par la ville bleue et la richesse des intérieurs, j'ai même vu des vitraux. C'est inégalable de beauté, quel savoir faire !
constance Prophète
Nombre de messages : 4029 Date d'inscription : 07/07/2007
Oui c'est vrai filo, je suis consciente que celle du petit martin-pêcheur est un peu floue, mais il me plaisait tellement le pépère que je n'ai pas résisté. Je suis contente que cela vous plaise. Sinon, vestale, il y avait dans certains hôtels de beaux vitraux qui répandaient plein de lumières colorées le matin, c'était si gai, comme vivre dans un bocal de lumières diverses.
constance Prophète
Nombre de messages : 4029 Date d'inscription : 07/07/2007
Sujet: Re: Inde, carnet de route 2011 Mer 3 Aoû - 20:04
10ème partie : Jaïsalmer, Gadisar Lake et les cénotaphes (18 avril).
Départ vers Jaisalmer, une ville que j'aime particulièrement. Pas tant pour son climat : elle donne de plein pied sur le désert du Thâr, et il s'agit d'une des villes les plus ensoleillée au monde (on la surnomme d'ailleurs : « sun city »). Mais malgré la chaleur écrasante, il règne ici une atmosphère bon enfant, nonchalante et particulièrement accueillante.
Nous visitons tout d'abord Gadisar Lake, une retenue d'eau artificielle, comme il en existe beaucoup au Rajasthan, afin de collecter les pluies de la mousson et pouvoir les répartir durant le reste de l'année. Je suis d'ailleurs stupéfaite par la quantité d'eau qu'il y a cette année dans le lac : l'année dernière, il était quasi à sec vu la mauvaise mousson.
Le maharajah de Jaïsalmer venait se détendre avec sa famille dans les petits pavillons construits sur ou autour du lac. L'actuel rajah le fait toujours, l'endroit étant fort agréable et frais.
Le lac est rempli de poissons-chats, considérés comme sacrés. Ils grouillent littéralement, et pour nous en donner la preuve, le guide jette du pain dans l'eau... voilà le résultat. Je vous laisse imaginer les cris de dégoût et d'horreur des copines. Il paraît que la chair du poisson-chat est succulente, mais là il ne s'agit pas de s'amuser à pêcher les poissons sacrés du lac.
Nous nous attardons, la vue est agréable
Et comment résister à cette splendide porte ancienne, typique de la région ?
Après cette visite, le guide nous conduit pour admirer la fin d'après-midi et le soleil couchant sur les cénotaphes. Là, il s'agit de la partie des tombeaux réservés au nobles. L'année dernière, nous avions vu ceux réservés aux maharajahs, famille royale et courtisans... etc
La luminosité sur la pierre blonde, à cette heure de la journée, est particulièrement belle
Rappelons quand même que les cénotaphes sont des tombeaux vides, des mausolées en quelque sorte
Rappelons également que les cénotaphes à toit pointu abritent les stèles des nobles hindouistes, et ceux à toit rond concernent les nobles musulmans
constance Prophète
Nombre de messages : 4029 Date d'inscription : 07/07/2007
Sujet: Re: Inde, carnet de route 2011 Jeu 4 Aoû - 21:08
11ème partie : Jaïsalmer, les temples jains (19 avril)
Jaisalmer, la ville dorée, se trouve dans le désert du Thâr. De nombreuses caravanes passaient par là autrefois, empruntant la route des Epices, ce qui explique que de très nombreux marchands fortunés demeuraient, et demeurent encore bien que le commerce ait beaucoup changé, dans cette cité ancienne. Bien entendu, un certain nombre de marchands avaient adopté la philosophie jain, ce qui explique l'existence de trois petits temples à l'intérieur de la ville médiévale. J'ai surpris les jeunes moines en pleine séance de nettoyage
L'un de ces temples a sérieusement fait surchauffer ma capacité à assimiler la beauté, pourtant assez élevée, tant les statues étaient ravissantes. Chacune était absolument différente, incroyable de finesse, d'expressivité, de vie, j'en étais réduite à courir de l'une à l'autre en essayant de tout absorber.
J'ai d'abord admiré les femmes aux seins ronds et aux hanches pleines, dans des positions de danseuses sacrées
Et puis cette délicieuse mère à l'enfant
Il y avait aussi une vraie femme, qui nettoyait la terrasse du temple et s'arrêtait de temps en temps pour chanter et prier
J'ai beaucoup aimé aussi les couples, la plupart des couples divins
Arrêt devant ce personnage, sans doute Bouddha, qui découvre la sagesse ou l'illumination, symbolisée par une fleur de lotus qui sort de son oreille
Mais aussi des dieux ou des déesses finement sculptés
Ce Ganesh dansant
Et ce prophète du jainisme, que par exception, nous avons le droit de photographier
constance Prophète
Nombre de messages : 4029 Date d'inscription : 07/07/2007
Sujet: Re: Inde, carnet de route 2011 Jeu 11 Aoû - 21:11
12ème partie : journée libre à Jaisalmer (20 avril 2011).
Je vous ai déjà parlé de Jaisalmer, vous aurez compris que j'ai beaucoup aimé cette ville, aussi je vous amène faire une promenade à la rencontre de ses beautés, cachées ou apparentes... Notre journée libre débute très tôt, Annie et moi ne nous attardant jamais au dodo. Là, nous nous sommes royalement octroyées une grasse mat', donc départ vers la ville à 08H30.
Pour vous dire la mentalité de ce coin : nous sortons de l'hôtel à la recherche d'un rickshaw, et à peine avons nous le temps de marcher une minute sous le soleil écrasant qu'une voiture particulière s'arrête. Le chauffeur nous demande en anglais si nous sommes perdues, si tout va bien, et quand nous lui répondons qu'on se rend dans la vieille ville, il se propose tout bonnement de nous y amener. Ils sont trois hommes dans la voiture, et pourtant nous monterons sans appréhension et sans aucun problème. Nous devisons aimablement, à la fin il nous donnera sa carte de visite : il est patron d'un petit hôtel en ville et nous sommes invitées si un jour nous souhaitons résider à nouveau Jaisalmer. Vous vous voyez faire du stop et monter dans une voiture avec trois gars à l'intérieur, en France ?
Nous arrivons au pied de la forteresse
Nous avons la surprise de découvrir un magasin de "bhang" qui a pignon sur rue, en fait un commerce de cannabis, tout simplement. Vous remarquerez qu'ils précisent "autorisé par le gouvernement". Il ne faut pas s'y fier : les forces de l'ordre détestent les touristes qui viennent en Inde pour se droguer, et vous risquez gros si vous êtes pris la main dans le sac. Les prisons indiennes ne doivent pas être très riantes...
Heureusement, il existe des petits commerces plus amusants à voir, comme ce très typique marchand d'éventails en plumes de paon
Au pied des remparts, il y a aussi des magasins qui proposent de nombreuses tentures brochées ou brodées
Nous prenons tout le temps de les admirer, il n'y a vraiment pas grand monde dans les rues ce matin. Il faut dire que la vieille ville est plutôt calme, les ruelles étant trop étroites pour laisser passer les voitures
D'ailleurs, une vache solitaire en profite pour ruminer tranquillement dans son coin
Mais une des merveilles de cette ville, ce sont les anciennes maisons des riches marchands, qu'on appelle les haveli, ce qui signifie : maison des nobles, ou maison des vents, car leur construction était si ingénieuse qu'elle favorisait les courants d'air, afin que la demeure reste fraiche et agréable (n'oublions pas que nous sommes dans le désert). Aujourd'hui encore, ces maisons sont habitées par des marchands, qui exposent leur commerce, souvent de tissus, et vivent tranquillement dans ces merveilles antiques. La façade de celle-ci est si grande que je n'ai pu la photographier en son entier
Admirez l'ingéniosité des branchements électriques, un particularité purement indienne...
Les détails de ces somptueuses maisons, construites vers les XVIIIè et XIXè siècles, sont dus au grand savoir faire des tailleurs de pierre, les silavat
Les portes d'entrée ne sont pas mal non plus. D'ailleurs, c'est une spécificité très rajasthani, ces portes. Hélas, des antiquaires européens ou autres rachètent à prix d'or ces oeuvres d'art pour les revendre encore plus cher en occident, dépouillant l'Inde de ce patrimoine
Cela ne perturbe nullement ceux qui ont la chance d'habiter ces endroits hors du temps, comme ces enfants un peu timides qui nous sourient quand même
Cela ne décourage pas non plus les touristes indiens, qui vénèrent le patrimoine de leur pays et acceptent toujours très volontiers de poser, nous demandant ensuite la pareille
Et évidemment, encore moins les toutous du coin, qui passent la journée à dormir dans les endroits les plus approximatifs. Voilà la plus belle niche de Jaisalmer
Il existe néanmoins des maisons un peu plus modestes. Encore que les façades, toujours décorées, soient un enchantement pour l'oeil. Voici un très beau Ganesh protecteur, annonciateur d'un mariage (vous remarquez les dates)
Celui-ci annonce également un mariage. Les peintures sont faites à l'avance sur le mur de la maison du marié, et servent en quelque sorte de bans officiels
Vous remarquerez sur celui-ci, en plus, la swastika (ou svastika) protectrice, symbole de vie, que les nazis ont dévoyés en la dessinant dans l'autre sens, symbolisant donc la destruction (mais pas dans l'acception indienne de la destruction, qui est positive)
C"est un symbole que l'on retrouve partout. Au début, à cause de l'image que représente pour nous, occidentaux, la croix gammée, certaines du groupe frissonnent... c'est qu'il y a des personnes de confession juive, qui n'ont pas forcément entendu parlé du vrai symbole indien et que ces peintures font frémir
Mais sur le pas de chaque porte, les indiens tracent ce symbole de vie, de prospérité, de chance et de bienvenue. Evidemment, celui des nazis représente juste l'inverse
D'ailleurs, les maisons sont largement ouvertes sur la rue
Et même si nous surprenons les gens vaquant à leurs occupations, ils se contentent de répondre à notre bonjour
Evidemment, il existe un très grand nombre de boutiques dans cette vieille ville. Nous ferons des rencontres magnifiques, comme ce marchand de tissus divers, plus somptueux les uns que les autres, qui nous accueille, nous invite à prendre le thé, et nous explique dans un français parfait toutes les astuces pour déceler la vraie soie des imitations, le vrai pashmina du faux, travaux pratiques à l'appui...etc. Il nous ouvrira les portes de son sous-sol, où il a créé un musée des costumes ethniques de la région, une collection unique avec des tissus brodés à la main incroyables, des robes de mariage qui pèsent des tonnes tellement elles sont rebrodées, bref, on a un super bon karma dans cette ville tellement on rencontre de gens charmants ! Cette boutique aussi est sympa : j'y achèterai deux tentures, et le propriétaire me donnera une très longue et somptueuse écharpe ancienne, si longue qu'elle traine par terre si je la mets juste autour du cou
J'ai bien aimé aussi le magasin internet, entretenu par une indienne on ne peut plus traditionnelle
Et bien sûr, les inévitables marchés de légumes et de fruits frais
[b]
Dernière édition par constance le Lun 15 Aoû - 15:37, édité 1 fois
constance Prophète
Nombre de messages : 4029 Date d'inscription : 07/07/2007
Sujet: Re: Inde, carnet de route 2011 Ven 12 Aoû - 20:40
13ème partie : soirée chez les tsiganes dans le désert, près de Jaisalmer.
Leila, ma prof de danse, a passé plusieurs mois dans le désert avec les tsiganes, près de différentes villes du Rajasthan, pour étudier la danse kalbelya et rendre un mémoire à la Villa Médicis, où elle avait obtenu une bourse. Elle connait donc plusieurs familles de tsiganes et nous amène cette fois-ci dans un village du désert, où normalement réside son très grand ami et prodigieux musicien, Ghazi. Par un coup du sort, Ghazi est en tournée... à Paris, nous serons donc confiés au bon soin de son frère, lui même un chanteur exceptionnel.
Les habitants du village ne font pas partie du clan des tsiganes Kalbelya, que nous avions rencontrés à Udaipur, mais d'une caste des musiciens.
Nous embarquons donc en fin d'après-midi dans notre bus à l'ambiance joyeuse, pour rejoindre un coin dont il ne faudra pas me demander le nom, vu que nous roulons bientôt en plein désert... je ne sais pas comment le chauffeur fait pour se repérer, mais nous tombons sur un point de rendez-vous (?), où nous sommes accueillies par une délégation d'hommes du village. Nous nous installons dans les dunes, pour admirer le paysage et attendre tranquillement le coucher du soleil.
Je suis bientôt rejointe par le frère de Ghazi, qui engage la conversation en anglais et me parle de ses tournées en Nouvelle-Zélande et à Abu Dhabi. Il faut savoir que Ghazi a formé toute une troupe, avec des musiciens de plusieurs villages de la région, qui sont repérés et éduqués tout enfant pour se parfaire dans leur discipline. La troupe, qui change régulièrement d'artistes au gré des tournées, est extrêmement célèbre et voyage dans le monde entier. Les revenus servent à améliorer la vie quotidienne des villages et à construire des écoles où l'art tient une grande place.
Le désert du Thâr n'est pas très attirant dans l'ensemble : il y a beaucoup plus d'étendues caillouteuses et pelées, coupées par une maigre végétation à ras du sol, que de belles dunes de sable comme dans le Sahara. Mais le coin où on nous a amenées ne manque pas de charme
Peu à peu les enfants du village, qui jouaient dans les dunes, s'approchent avec timidité et rigolent en se poussant du coude. Ils finissent par entamer une folle partie de cricket sauvage avec une des jeunes filles du groupe, qui s'amuse avec eux comme une gamine, avec force hurlements, dérapages dans le sable et rires en cascade
Nous aurons aussi la visite des chameaux du village, entravés pour ne pas qu'ils se sauvent mais suffisamment lâche pour qu'ils puissent se nourrir
Enfin le coucher de soleil s'annonce. Un grand calme tombe sur le désert et nous restons à regarder, tout simplement
Après ce spectacle paisible, nous reprenons notre bus pour nous rendre au village tout proche. L'esplanade a été aménagée pour que nous puissions nous installer, assises en tailleur sur des matelas, avec pour chacune d'entre nous une petite table qui servira à déposer les plateaux de nourriture. Et bien sûr, devant nous est installée la troupe de musiciens, qui nous régalera de musique rajasthani tout au long de notre soirée. Nous savons aussi que Anou, un des plus grand danseur de la région, avec qui nous avons eu un cours (ô combien épique !) de danse tout l'après-midi, viendra avec son petit apprenti pour nous offrir le spectacle. Il est un peu surmené en ce moment, car le maharajah de Jaisalmer venant de trépasser, il a été convié comme danseur pour les cérémonies et il s'entraine évidemment toute la journée. Il n'empêche qu'il nous fera cadeau d'un magnifique spectacle, d'autant plus magnifique qu'il y a panne de courant dans le village, et que le temps de réparer, c'est à dire de bricoler des fils pour qu'une unique ampoule éclaire l'esplanade, nous avons pu écouter la musique et les voix sublimes dans la nuit chaude, seulement éclairée par la lune et les étoiles. Cela explique aussi la qualité plus que médiocre des photos...
Oui, ne vous étonnez pas, les danseurs dansent traditionnellement en danseuses, ils portent donc le costume des femmes. Le jeune apprenti est souple et gracieux comme une jeune fille, et Anou... bon, c'est Anou, un danseur stupéfiant qui donne lui aussi des tournées dans le monde entier
Les deux danseurs nous régalent de danses traditionnelles plus surprenantes les unes que les autres. Là, Anou empile les cruches en terre cuite, comme cela se fait également dans les danses des pays orientaux, sauf qu'en plus il s'amuse à piétiner du verre pilé. Les morceaux de verre crissent sous ses pieds, rien que le bruit fait frissonner
Après cette longue et riche soirée, où nous aurons en plus mangé somptueusement, nous rentrons très tard, épuisées mais ravies, à l'hôtel.
constance Prophète
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Sujet: Re: Inde, carnet de route 2011 Sam 13 Aoû - 21:54
14ème partie : le temple des rats à Deshnok, près de Bikaner (21 avril 2011)
ATTENTION, AMES SENSIBLES PASSEZ VOTRE CHEMIN...
Aujourd'hui, nous sommes censées visiter Junagarh Fort à Bikaner, ville que nous avons rejoint après un voyage relativement rapide dans le Dancing Bus. Voici une photo de ce fort, tout à fait magnifique au demeurant, mais que j'ai déjà visité l'année dernière. Je finis d'ailleurs par tellement bien connaître les monuments du coin que je fais la visite guidée à certaines des filles du groupe, qui trouvent mes commentaires beaucoup plus croustillants et culturels que ceux des guides officiels
Mais Annie, qui connait bien la région, a un plan B beaucoup plus alléchant : le temple des rats à Deshnok, une petite ville à une trentaine de kilomètres de Bikaner. Un temple plein de rats, ça va pas la tête ? La plupart des filles poussent les hauts cris. Quant à Leila, notre prof de danse, il suffit de prononcer le mot »souris » pour qu'elle grimpe sur une chaise et hurle jusqu'à ce que la menace soit passée, donc on n'y pense même pas. Par contre, elle a un sens de l'organisation redoutable : en deux temps trois mouvements, elle a loué un minibus à prix d'ami pour nous conduire là bas. Nous serons donc 8 téméraires à partir voir ce temple, que j'estime tout à fait inratable par son originalité. Je n'ai aucune crainte des rats, mais je ne suis pas plus rassurée que cela à cause de l'hygiène et des maladies que transportent ces bestioles.
Nous voilà arrivées devant le temple
Le temple des rats s'appelle en fait temple de Karni Mata, du nom d'une femme mystique du XVè siècle, réputée être la réincarnation de la déesse Durga. Elle appartenait à la caste des Charan, qui correspondrait pour nous à des bardes ou des musiciens, et aurait vécu 151 ans. La légende dit qu'un jour où elle était descendue au royaume de Yama, là où transitent les morts pour être jugés avant leur renaissance, pour essayer de ressusciter un enfant de son clan, elle s'aperçut qu'elle était arrivée trop tard et que l'enfant était déjà réincarné en un rat. Furieuse, elle décida que tous les membres de sa caste n'iraient plus au royaume de Yama mais se réincarneraient directement en rats. C'est pourquoi les rats de ce temple sont entourés de prévenances, nourris, blanchis et adorés. Ils ne présentent donc aucun danger pour les visiteurs... Sur le beau dallage de marbre, de nombreuses écuelles en métal pour que les animaux s'abreuvent et se baignent
La première impression est assez étrange : les rats sont tout petits et absolument pas craintifs, encore moins agressifs. L'odeur est suffocante, par contre
Il y en a partout, des milliers et des milliers de rats, qui trottinent et vaquent à leurs affaires de rats sans se préoccuper de nous. Il paraît que quand un rat vous passe sur le pied, cela porte bonheur, particulièrement s'il s'agit d'un rat roux. J'en aurai deux qui me trottineront sur le pied, dont un roux, me voilà bénie ! Heureusement, nous avons tout prévu : comme nous devons nous déchausser pour entrer dans le temple, nous avons mis des chaussettes, que nous nous empresserons de jeter à la fin de la visite
Annie ira même jusqu'à en toucher un pour voir, malgré mes récriminations (« ça va pas la tête, c'est dégueu, tiens le produit antiseptique" !). Moi qui suis une maniaque de l'hygiène, je dois dire que je souffre
Surtout là, dans ce cul de sac rempli de grains de céréales et autre gâteries, couvert de rats et de pigeons, l'odeur est à tomber par terre (mais je m'en garderai bien !)
Pourtant, on ne peut pas dire que les bestioles ne soient pas plutôt rigolotes, elles font de l'acrobatie
Elles se mettent un peu partout, d'ailleurs, comme sur cette belle grille ouvragée, histoire de faire la sieste
Voilà le goûter, des grandes jattes de lait bien riche
Les p'tites bêtes, serrées en rang d'oignon, grignotent la peau du lait avec un plaisir évident
Voilà une vision plus rassurante : les magnifiques portes d'entrée du temple, en argent massif. On y voit Durga, la déesse de la guerre. Les armes qu'elle brandit, dont le trident que lui prêta Shiva pour vaincre le démon Mahishasura, symbolisent les vertus que l'on doit développer pour vaincre les pulsions du mal (discernement, détachement, connaissance de soi, générosité...etc)
J'ai particulièrement admiré ce motif
… et sourit devant ce pigeon fakir
constance Prophète
Nombre de messages : 4029 Date d'inscription : 07/07/2007
Sujet: Re: Inde, carnet de route 2011 Dim 14 Aoû - 13:22
15ème partie : Gajner Palace, près de Bikaner (22 avril 2011)
Nous sommes depuis hier dans un hôtel enchanteur à côté de la ville de Bikaner, où hélas nous ne resterons qu'une seule nuit. Le chambres y sont d'un luxe suranné et la salle à manger n'a pas bougé depuis l'époque victorienne, trophées de chasse, argenterie et assiettes en porcelaine comprises. Je me suis levée à 5H00 ce matin pour me promener dans le parc, profitant de la fraicheur de l'aube et de la splendeur des lieux. Voici une vue prise de l'arrière de l'entrée du palais
Un peu d'histoire est nécessaire pour situer les lieux.
Bikaner est une ville qui a connu beaucoup de revers au cours de l'Histoire : à sa création vers le XVè siècle, elle développa une grande prospérité car elle se trouvait sur le trajet des grandes caravanes marchandes. Au XVIè siècle, commencèrent les luttes avec les moghols envahisseurs, mais Bikaner résista mieux que les autres royaumes du Rajasthan du fait de sa situation dans le désert. Le grand empereur Akbar fut assez malin pour user de diplomatie et faire des maharajah de la région des alliés militaires. La ville prospéra donc et devint florissante du fait de sa situation sur la route de la soie. Les arts se développèrent, en particulier des écoles de miniatures et de musique. Au déclin des moghols vers le XVIIIè siècle, elle s'endormit et périclita, devenant une région misérable et arriérée, tombant en partie sous la coupe des dacoit, les bandits de grands chemins. Etrangement, ce sont les Anglais qui firent la fortune de la ville au XIXè siècle : ils réalisèrent que les chameaux étaient le seul véhicule opérationnel dans de telles régions, et achetèrent à tour de bras les chameaux qui étaient depuis toujours élevés dans la région pour en doter leur armée. C'est le maharajah Ganga Singh au début du XXè siècle qui assura la prospérité de la ville : il créa le corps des chameaux de Bikaner (Ganga Risala), une force qu'il mena personnellement dans les guerres anglaises, aussi loin que la Somalie, en Chine pour mater la révolte des Boxers, et en Egypte pendant la 1ère guerre mondiale. Le maharadjah profita de la richesse qu'il tirait de ces guerres pour mener de grand travaux afin d'amener l'eau dans la région par l'irrigation, transformant le désert avoisinant en champs très productifs. Il profita aussi de sa renommée pour bâtir ce superbe palais, qui était un rendez-vous de chasse où tout les gens célèbres souhaitaient se faire inviter, des autres maharadjah indiens au roi Georges V, du prince de Galles à Georges Clémenceau. On y chassait le tigre, mais surtout on créait des alliances et le maharadjah de Bikaner y gagnait encore en influence... La principauté de Bikaner est la première a avoir introduit l'électricité en Inde, en 1886.
Voici un des fameux chameaux de Bikaner, rencontré au détour d'une allée, de grand matin. Ils se contentent maintenant de servir d'animal de bât et de trait, et de promener les touristes dans la région
Le palais est construit près le long d'une immense retenue d'eau. Les levers de soleil y sont particulièrement enchanteurs. A droite, vous pouvez remarquer un bout des bâtiments de l'entrée
L'année dernière à la même époque, ce lac était quasiment à sec, du fait d'une mauvaise mousson.
A gauche, l'avancée de la terrasse du restaurant
Je prends le temps d'admirer le paysage
Au milieu du parc, je découvre un petit temple
Et surprends de nombreux oiseaux, dont celui-ci, aux couleurs chatoyantes
vestale Prêcheur
Nombre de messages : 937 Date d'inscription : 28/09/2007
Sujet: Re: Inde, carnet de route 2011 Dim 14 Aoû - 23:30
Toujours de très belles photos. J'aimerais bien voir des oiseaux comme celui-là en liberté ici. Quant au temple découvert lors de ta balade
constance Prophète
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Sujet: Re: Inde, carnet de route 2011 Dim 14 Aoû - 23:40
Je ne sais pas ce que c'est, l'oiseau... une sorte de geai exotique ?
constance Prophète
Nombre de messages : 4029 Date d'inscription : 07/07/2007
Sujet: Re: Inde, carnet de route 2011 Mar 23 Aoû - 22:22
16ème partie : Jaïpur (23 et 24 avril 2011)
Après une longue route, nous arrivons enfin à Jaîpur, capitale du Rajasthan et terme du voyage pour la plupart des globe-trotteuses. Nous sommes logées, magnifiquement, dans un ancien haveli, vous savez, les palais de riches marchands dont je vous avais montré les façades à Jaisalmer. Cette ancienne demeure de nobles est devenu un hôtel ravissant, à l'ambiance à la fois distinguée et familiale, où tout le personnel est au petits soins pour nous. Je surprends au petit matin cette lune pâle au milieu d'un ciel déjà tout ensoleillé
Nous partons visiter Amber Fort ce matin, à une dizaine de kilomètres de la ville, avec en perspective une balade à dos d'éléphant pour parvenir en haut de l'ancienne forteresse des maharaja de Jaïpur. Les remparts sont impressionnants et enserrent les collines environnantes avec des faux airs de muraille de Chine
La dynastie rajpute a longtemps servi les empereurs moghols. D'ailleurs ce palais, qui fut bâti au XVIè siècle, a bénéficié d'ajouts architecturaux un peu plus tardivement, copiés sur les réalisations de Shah Jahan et sur l'art des bâtisseurs moghols en général, comme cette magnifique entrée
L'intérieur du palais est d'ailleurs un vrai labyrinthe de cours intérieures tirées au cordeau
... de jardins soigneusement élaborés et entretenus
...où l'on reconnait les formes typiques de l'architecture moghole
Comparez maintenant avec cette salle des audiences privées, décorées de somptueuses mosaïques et de marbre avec des pierres précieuses ou semi-précieuses (la fameuse technique de la piedra dura), qui se trouve au City Palace, un palais situé dans la ville, construit après le fort d'Amber et où réside toujours le maharaja de Jaïpur
...ainsi que ces mosaïques faite de miroirs et, disait-on, d'argent bien que la plupart de ces décorations aient été arrachées durant les troubles politiques
Nous jouons à cache-cache derrière les colonnes de du palais des femmes (le zenana), après avoir admiré des sculptures un peu lestes et on ne peut plus explicites
En revenant vers Jaïpur, nous nous arrêtons pour admirer ce petit palais d'été
Jaïpur en elle-même est une ville extrêmement animée, bruyante et pleine de magasins alléchants... Bien sûr, nous commençons notre visite personnelle par le spectaculaire palais des vents, une façade de 5 étages comprenant 953 niches et fenêtres, construit par le maharaja Pratap Singh en 1799 pour permettre aux dames de la cour d'observer sans se faire voir les processions passant dans la rue en contrebas
Le même la nuit
Nous visitons également une fabrique de tapis élaborés à l'ancienne, les explications qu'on nous donne gracieusement sont vraiment très intéressantes. Voici d'ailleurs une fileuse, au milieu des pelotons de laine
Et un des derniers stades de la fabrication d'un tapis, à savoir le brûlage des laines et le raclage du tapis, lavé à grandes eaux, avec une sorte de pelle en bois
Nous nous promènerons ainsi toute la journée, jusqu'à la nuit tombée, dans la chaleur et la foule de cette ville, très attachante et fascinante malgré la cohue et la pollution
constance Prophète
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Sujet: Re: Inde, carnet de route 2011 Sam 27 Aoû - 21:55
17ème partie : Bénarès (25 au 29 avril 2011)
Bénarès, Varanasi, Kashi... la ville sainte, la ville qui pour moi représente l'Inde dans ses aspects les plus éclatants et contradictoires. J'y suis comme chez moi et j'ai entrainé par mon enthousiasme quelques filles du groupe, dont notre professeur, Leila, dans ce périple qui met à l'épreuve beaucoup de choses dans notre manière de voir les choses. Nous avons laissé le groupe à Delhi pour un retour vers la France, après un long voyage en bus entre Jaipur et la capitale, et nous sommes parties de notre côté pour ce court voyage, court en temps mais non en influence.
Le trajet entre l'aéroport de Varanasi et la ville même me semble bien long. J'ai hâte de goûter à nouveau à l'ambiance des ghats, sentir l'humidité du fleuve, retrouver l'atmosphère des ruelles étroites du Chowk, voir à nouveau le soleil sur le Gange, et puis retrouver les quelques connaissances rencontrées là bas il y a 4 ans.
Nos taxis s'arrêtent à l'entrée de la vieille ville, inaccessible pour eux, et une nuée de boys viennent prendre nos valises (les pauvres !) pour les transporter jusqu'à l'hôtel, situé sur Dashaswamedh Ghat, un des plus ancien endroit de la ville, qui elle même est la plus vieille ville habitée sans interruption au monde. L'ambiance y est particulière et on est idéalement situé pour se promener dans toutes les directions imaginables. Notre chambre donne sur le fleuve, nous avons un petit balcon surplombant le Gange...
Le temps est couvert, lourd, chaud et poussiéreux. Le soir d'ailleurs, nous essuierons un orage sec avec un vent et des rafales de poussière qui nous chasseront de la grande terrasse de l'hôtel. Mais pour l'instant, je vais me retremper dans l'atmosphère de Bénarès. Sur les bords du Gange, dans la foule, je ne vois que lui
Je retrouve aussi les étalages le long du fleuve
Les pèlerins et les sannyâsin (les "renonçants")
Un château-d'eau repeint de frais en honneur aux divinités
Dans ma hâte à retrouver "ma" ville, je m'engage aussi dans l'une des ruelles de ce qui s'apparente à un gigantesque souk, juste pour le plaisir de déambuler au milieu de la foule indienne
Et le soir, je me rends à la puja, une gigantesque cérémonie religieuse au bord du Gange, un ballet cérémoniel en honneur au fleuve mené par les brahmanes, les prêtres, qui répètent les mêmes gestes qu'il y a 3000 ans. Avant que le soir ne tombe, les estrades sont préparées, jonchées de fleurs fraiches disposées selon un rituel précis, les prêtres se préparent ainsi que leurs accessoires qui symbolisent les éléments (le feu, l'eau sacrée, l'air...etc), puis les cloches retentissent en un bruit incroyable qui se répercute sur le fleuve presque tout au long de la cérémonie
J'ai réussi à nous placer à un endroit où, malgré la foule immense de pèlerins qui chantent et prient, nous pouvons observer toute la cérémonie de près
Les nuages d'encens nous enveloppent et chargent l'atmosphère d'une odeur suave
Mais ce n'est qu'un tout petit avant-goût, je vous réserve des promenades où vous pourrez découvrir bien plus de cette ville fascinante...
17ème partie bis : Bénarès, ambiance de rue
Dernière édition par constance le Sam 10 Sep - 21:04, édité 1 fois
Nighty Guide
Nombre de messages : 600 Age : 61 Date d'inscription : 23/11/2009
Sujet: Re: Inde, carnet de route 2011 Sam 27 Aoû - 23:39
Toutes ces couleurs, cette architecture si finement ciselée, cette vie ... Je crois que tu viens de me donner un grand coup de foudre ! Voyage à prévoir Merci Constance !
constance Prophète
Nombre de messages : 4029 Date d'inscription : 07/07/2007
Sujet: Re: Inde, carnet de route 2011 Dim 28 Aoû - 0:09
Je viens de voir une émission formidable, "des trains pas comme les autres", l'émission du 25/08/2011 sur l'Inde du Nord. Il suffit de chercher sur Google, et on peut la regarder en replay ou en streaming. Le présentateur parcourt une petite partie de l'Inde du Nord en train, Delhi, Agra (oui sophie, le Taj Mahl sous toutes les coutures !), Gwalior, Bénarès, avec une vaste part à la spiritualité, temples sikh ou jain, cérémonie au bord du Gange...etc. Et vous allez rire, mais le prêtre qui apparait dans le reportage et qui lui donne une bénédiction, c'est le même que sur les photos plus haut. Il faisait partie des 7 prêtres qui participaient à la grande puja du soir, et il avait l'air si bienveillant que nous avons engagé la conversation avec lui. Il avait un peu visité la France et vécu à Lyon. Je vous conseille vivement cette émission, elle est vraiment passionnante et pleine d'humanité.
constance Prophète
Nombre de messages : 4029 Date d'inscription : 07/07/2007
18ème partie : Bénarès, suite 1 (25 au 29 avril 2011)
Le temps est couvert, lourd et la ville souffle une haleine brûlante. Cela ne me décourage pas et je pars en promenade à l'intérieur des ruelles, d'abord pour aller voir les frères Bansal, des marchands de soie qui nous avaient reçus à bras ouverts lors de mon premier voyage en Inde en 2007. Ensuite pour visiter la Ravi Classical Music Center, où nous avions choisi un instrument de légende et où nous avions été traités comme des rois. Nul ne déroge à l'hospitalité indienne, et voilà que ces connaissances m'accueillent comme l'enfant prodigue, m'offrent le chai, me parlent de leur famille et prennent des nouvelles de tous nos amis communs.
Dans les ruelles, je savoure le spectacle sans fin de minuscules moments de vie, comme cette vache qui s'obstine à vouloir pénétrer dans cette maison, et que le propriétaire des lieux essaie de dissuader gentiment de grimper les escaliers
Je traverse aussi un quartier où je peux assister, dans les minuscules échoppes, à la fabrication du paneer, en fait du lait caillé qui se présente un peu comme le tofu, et qui sert à la préparation de plein de plats indiens, y compris les desserts
Et puis je ne résiste pas au plaisir de faire poser ce couple typiquement indien : la jeune femme, ravissante dans son beau sari, et le mari habillé à l'occidentale, avec comme les personnes âgées chez nous la chemise soigneusement rentrée dans le pantalon, porté très haut
Puis promenade le long du fleuve avant de prendre un bateau, on revient toujours vers le Gange à Bénarès... Je découvre ce curieux spectacle, des sortes de mannequins qui ont du servir pour une cérémonie votive et qui ressemblent à une sculpture moderne laissée à l'abandon
Chose étrange, une seule rive du fleuve est habitée, exactement comme le Nil à Louxor. Autant la partie habitée l'est, densément, autant l'autre rive semble abandonnée. Elle sert de plage, de lieu de repos aux nombreux pèlerins ou habitants de Bénarès
Il existe un pont, mais le plus simple, le plus court et le moins onéreux reste encore de prendre un bateau
Les troupeaux de buffles y prospèrent, puisqu'un peu plus loin existent des étendues de pâture
On y campe pour la journée dans des petites cabanes
On y étend sa lessive avant de regagner l'autre berge
Du côté habité, le spectacle est tout autre. Les gens se baignent dans le Gange, fleuve sacré, afin de se purifier de leurs péchés et rejoindre l'esprit divin de cet endroit. Il faut dire que Bénarès est une ville très particulière, la plus sainte des villes saintes. En effet, quand Shiva la créa à partir de sa longue chevelure, il obtint des dieux un présent inestimable : celui qui mourrait à Bénarès et dont les cendres seraient jetées dans le Gange sortirait du cycle des vies et des réincarnations (ou samsâra) pour atteindre la libération spirituelle (ou moksha). Ceci explique que tout indien rêve de faire au moins un pèlerinage à Bénarès, et si possible y mourir. Beaucoup de personnes âgées viennent ici pour finir leurs jours, attendant, allongées sur un trottoir, que la mort arrive
Il existe donc de nombreux temples, où les non-hindouistes ne peuvent pas entrer
Quelques beaux palais aussi, parfois en piteux état
Et bien sûr une multitude de prêtres et de "renonçants", les sanyasin, qui ont tout abandonnés pour mener une vie pieuse et ascétique
Amusée, je constate même qu'il existe une école de natation du Gange, où les gamins, munis de bouées, pataugent en créant des remous incroyables dans leur enthousiasme
Le soir tombe. Les bateaux regagnent la rive habitée
Nous admirons les façades multicolores qui parsèment le bord du fleuve
Et nous rencontrons une petite fille, seule sur sa barque, qui vient nous proposer avec aplomb et un sens des affaires redoutable des petites bougies sur des feuilles décorées de fleurs, que l'on lâche traditionnellement sur le fleuve pour symboliser les âmes qui naviguent sur le Gange vers la libération
constance Prophète
Nombre de messages : 4029 Date d'inscription : 07/07/2007
Sujet: Re: Inde, carnet de route 2011 Mer 31 Aoû - 21:02
19ème partie : Bénarès, suite 2 (25 au 29 avril 2011)
Lorsque les filles m'ont demandé où nous pourrions loger à Bénarès, j'ai tout de suite recommandé l'hôtel Alka, qui non seulement se situe sur l'un des ghât les plus sympa de la ville, mais surplombe carrément le Gange. Lever de soleil à domicile sur le fleuve...
Me tirer du lit très tôt ne pose aucun problème. A 5H30, je suis donc sur le balcon à admirer cette vue unique, sublime : le soleil qui se lève sur le Gange. Les filles auront un peu plus de mal...
Début du spectacle
De l'autre côté, la ville se réveille aussi
Quelques instants après, le ciel commence à se teinter de bleu
Bénarès retentit de mille bruits : tintement de cloches de la puja du matin, meuglements de vaches et bêlements de chèvres, conversations sur les ghâts qui montent jusqu'à moi, musiques diverses...
Après ce spectacle en technicolor, je décide d'aller me promener le long du fleuve avant qu'il ne fasse trop chaud. En haut de cet escalier, un magnifique restaurant sous un arbre majestueux
Les bannières d'un temple flottant au vent
Sous le soleil déjà chaud du petit matin, certains s'abritent comme ils peuvent, très "empire des Indes"
Le repas des brahmanes... On les reconnait au cordon blanc qu'ils portent autour du torse dès qu'ils atteignent l'âge de raison, c'est à dire très jeune en Inde. Il faut savoir que les castes différentes ne peuvent pas manger ensemble dans la religion hindouiste. Le repas doit normalement être préparés par une personne d'une caste au moins égale ou supérieure. Les restaurants tenus par des brahmanes sont très réputés, car étant liés par une obligation de charité, ils offrent la nourriture et la boisson à volonté une fois qu'on a payé son repas
Les barbiers à l'ancienne, masseurs, cureteurs d'oreille et autres professions de ce style officient en plein air
L'habituelle pudibonderie indienne n'a absolument plus court lorsqu'il s'agit d'ablutions rituelles : les femmes se baignent en jupon et choli (un petit haut qui découvre le ventre), lavent leur sari pendant leur bain dans le fleuve, et se rhabillent sans aucune sorte de gêne sur les escaliers
D'ailleurs, les gens vivent sur les ghâts, qu'ils soient pèlerins ou habitants de la ville. Certains prêtres restent là pour guider les pèlerins, leur proposer des cérémonies, il y a aussi des commerçants...
Des familles entières se préparent tranquillement. Dans ces conditions de grande promiscuité, les regards ne sont jamais insistants ni indiscrets. Mais il est tout à fait normal d'engager la conversation, et ils le font volontiers, nous expliquant d'où ils viennent, combien de temps ils comptent rester en pèlerinage...etc. Les Indiens sont très curieux de savoir aussi pourquoi nous sommes là et souvent nous demandent si ils peuvent nous photographier. Il est bien sûr de bon ton de demander avant si on peut prendre une photo, mais les mères sont tellement fières de leurs enfants qu'elles refusent rarement
A l'endroit où se tenait hier soir la grande puja, les gens se sont tout naturellement installés pour leurs activités quotidiennes
Le long des ghâts, plus au nord, les femmes ont étalé leur lessive
Bien sûr, après cela, vient le moment du pliage des sari
Les hommes se baignent avec une simple bande de tissu blanc enroulée autour des hanches
Beaucoup méditent ou semblent penser en contemplant le fleuve
filo Admin
Nombre de messages : 2078 Age : 52 Signe particulier : grand guru Date d'inscription : 06/07/2007
Sujet: Re: Inde, carnet de route 2011 Sam 3 Sep - 4:28
Que de belles photos encore ! La dernière notamment me plaît particulièrement, malgré le pont en arrière plan.
Sinon pour le lever de soleil, je rappelle, filmé du même endroit, ce document d'une minute, un accéléré correspondant à 20 minutes en temps normal :
constance Prophète
Nombre de messages : 4029 Date d'inscription : 07/07/2007
Sujet: Re: Inde, carnet de route 2011 Sam 3 Sep - 22:08
Merci de ce beau lever de soleil ! Ca tombe bien, voilà mon cadeau du jour...
19ème partie bis : Bénarès, lever de soleil sur le Gange
constance Prophète
Nombre de messages : 4029 Date d'inscription : 07/07/2007
Sujet: Re: Inde, carnet de route 2011 Dim 4 Sep - 21:05
20ème partie : Bénarès, suite 3 (25 au 29 avril 2011)
Chaque matin apporte son lot de beauté et de surprises sur le Gange. Je ne peux me lasser de ce spectacle... Aujourd'hui, le temps couvert donne des couleurs étranges au lever du soleil Un dégradé de rose et de bleu layette pour commencer
... puis un étrange soleil rouge
... le bleu du ciel apparait enfin
... pour terminer dans une apothéose d'or fondu
... qui fonce presque jusqu'au brun pour faire place au jour
Les filles viennent se promener ce matin avec moi le long des ghâts, mais toutes n'ont pas envie de passer sur les ghâts de crémation, où les fumées des corps en train de brûler prennent à la gorge, aussi nous ne serons que deux à admirer le très ancien temple de Shiva, qui est là depuis si longtemps qu'il s'est enfoncé dans le Gange et ressemble à une tour de Pise indienne
J'admire les délicieuses statues sculptées sur ce temple, des lions, des chouettes et tout un bestiaire imaginaire
Les baigneurs du petit matin sont là, après leurs ablutions rituelles ils s'habillent et s'apprêtent à entamer leur journée
J'aime observer discrètement ces personnes qui paraissent absolument seules avec leurs pensées, alors que des milliers de gens se pressent sur les rives du fleuve
... et puis les groupes d'hommes tout occupés à ce rituel, mais qui prennent le temps de saluer les gens dans les bateaux et de vous sourire au passage
Sur les ghâts les plus animés, la vie quotidienne reprend ses droits. On termine de se préparer par un bon rasage à l'ancienne
... on finit de se coiffer
Les familles de pèlerins mettent déjà leurs beaux vêtements, surtout les petites filles qui sont vêtues comme des poupées
Comme tous les jours, la lessive propre est étendue sur les marches pour sécher. J'ai sourit devant celle-ci, sans doute gérée par une ménagère plus zélée que les autres : les pièces délicates sont soigneusement étalées à part, sur un drap
Il n'y a pas que des ménagères, il existe aussi bon nombre de lavandières qui viennent laver le linge qu'on leur confie, sans parler des lavandiers, en plein pliage de draps. Bizarre, mais aujourd'hui j'ai l'impression que c'est jour du blanc...
Il y en a que toute cette activité ne perturbe pas, et qui prenne la pose devant le fleuve
Ces renonçants dévoués à Shiva (voir le trident, un des symboles de cette divinité) vaquent à leurs occupations de leur côté, ils sont déjà fin prêts pour leur journée de dévotion
Les ghâts deviennent trop chauds pour continuer à s'y promener. Je passe généralement l'après-midi à me promener en ville dans le quartier du Chowk, à la recherche d'un petit restaurant populaire pas cher pour un déjeuner rapide, et puis les boutiques, une visite de courtoisie aux frères Bansal, les rencontres avec les Indiens ou les expatriés, nombreux ici. Il existe au sud de la ville une très grande université, la "Benares Hindu University", fondée en 1916, et qui se consacre à l'étude de l'art et de la culture indienne, ainsi que du sanskrit. Beaucoup d'étrangers viennent y étudier et restent de longues années dans cette ville. Il existe d'ailleurs tout un quartier d'expatriés au sud de Bénarès. Je ne m'attendais pas non plus à rencontrer tellement d'israéliens. Il semblerait qu'après leur expérience traumatisante du service militaire (et donc de la guerre), obligatoire là bas pour les hommes comme les femmes, ils cherchent un lieu où oublier toutes ces horreurs. Bénarès est un endroit qui parait leur convenir. Dans une des ruelles du Chowk, un pèlerin âgé tout d'orange vêtu peine à rattraper son groupe... hé oui, la couleur des pèlerins ici est l'orange, et des pièces de tissus typique de la ville sont vendues à tous les coins de rues
Le soir, je vais à la puja, parfois les filles m'accompagnent. J'arrive souvent très en avance, d'abord pour trouver une bonne place avant que la foule n'envahisse les lieux, ensuite pour regarder les préparatifs de la cérémonie. Un des prêtres, avec qui j'aurai une discussion très intéressante et qui est particulièrement bienveillant, prépare l'estrade sur laquelle il fera la cérémonie. Il répand des pétales de fleurs selon un dessin et un rituel bien précis, tout à fait fascinant à observer
La nuit tombe, les cloches qui sonneront tout au long de la puja commencent à retentir
Les prêtres commencent la longue cérémonie dédiée au fleuve Gange, maniant dans une chorégraphie trois fois millénaire les instruments de leur culte, représentant tous les élèments. On commence par de lourds encensoires, qui répandent une fumée odorante sur la foule innombrable qui se presse à la puja
Puis les prêtres saisissent des sortes de chandeliers, ensuite des cratères à feu qu'ils alimentent en encens
Il y aura bien d'autres éléments convoqués lors de cette cérémonie, avec des éventails en plumes de paon, des sortes de longs fouets en crins, pour se terminer par une très longue et impressionnante sonnerie dans des conques marines, dont le bruit sur le fleuve donne la chair de poule et marque la fin de la puja...
Cathecrit Maître
Nombre de messages : 1269 Age : 62 Signe particulier : increvable Date d'inscription : 11/07/2007
Sujet: Re: Inde, carnet de route 2011 Mar 6 Sep - 4:20
Oh lo lo tout ce que j'ai loupé moi ! J'ai fait défiler toutes les photos rien que la dernière page et pi je suis partie en Inde .... Tes photos sont une merveille de beauté, bien sûr à cause du pays mais il n'y a pas que ça. Je dois, je veux revenir te lire... Alors à bientôt
constance Prophète
Nombre de messages : 4029 Date d'inscription : 07/07/2007
Sujet: Re: Inde, carnet de route 2011 Mar 6 Sep - 22:26
Hé bé, ben courage dear cath... il y a de la lecture !
constance Prophète
Nombre de messages : 4029 Date d'inscription : 07/07/2007
Sujet: Re: Inde, carnet de route 2011 Sam 10 Sep - 21:18
20ème partie bis : Bénarès (fin de la puja près du Gange)
La cérémonie s'achève par une longue sonnerie, faite par les prêtres au moyen de conques marines. La qualité de cette vidéo est assez moyenne, mais je voulais restituer l'ambiance
constance Prophète
Nombre de messages : 4029 Date d'inscription : 07/07/2007
Sujet: Re: Inde, carnet de route 2011 Sam 10 Sep - 21:50
21ème partie : Bénarès, suite 4 (25 au 29 avril 2011)
C'est le dernier matin. L'avion ne décolle pas trop tôt, mais comment envisager de dormir alors que le soleil donne un nouveau spectacle sur le Gange ?
Dès l'aube, je descends sur la plus grande terrasse de l'hôtel pour contempler une dernière fois ceci :
En bas, sur le ghât, les gens dorment encore
On descend vers le fleuve pour les premières ablutions matinales
Certains méditent déjà... mais regarder, simplement regarder, est une méditation en soi
Le soleil continue son spectacle en technicolor
J'adore particulièrement cet endroit, Dashaswamedh Ghat, que surplombe l'hôtel : c'est un des endroits le plus ancien et fréquenté de Bénarès. En effet, c'est sur ce site qu'eut lieu, selon la mythologie hindoue, un sacrifice rituel effectué par le roi Divodasa, à savoir le sacrifice de dix chevaux (d'où le nom du ghât). Cette cérémonie étant d'une extrême complexité, et le roi ayant réussi à la mener à bien, le mérite retombe sur tous ceux qui se baignent dans le Gange à cet endroit précis. Il y a donc toujours pas mal de pèlerins qui fréquentent précisément ce lieu
Le petit matin, comme à la tombée du jour, c'est le moment où les singes viennent pour chercher de la nourriture près des habitations, ou dans les habitations d'ailleurs, car ils ne sont absolument pas effarouchés par l'homme. Il existe des endroits sur les ghâts ou en ville où l'on dépose de la nourriture pour eux, comme une offrande, mais je les soupçonne de trouver beaucoup plus amusant de chiper
Derniers aperçus du soleil levant
Et cela, c'est la dernière image que je veux emporter de Bénarès, celle qui me suit partout, celle qui reste dans mon coeur comme un immense cadeau de la vie, celle que j'évoque quand les choses ne vont pas bien. Ma consolation
Cathecrit Maître
Nombre de messages : 1269 Age : 62 Signe particulier : increvable Date d'inscription : 11/07/2007
Sujet: Re: Inde, carnet de route 2011 Dim 11 Sep - 2:48
Ayai, j'ai lu la première page et....... comment te dire.... La culture de ce pays, j'ai toujours dit que ce n'était pas mon truc, sans en connaître grand chose d'ailleurs mais ces images, ces monuments monumentaux..... le Taaj Mahal (j'ai un doute sur l'orthographe, pardon), splendeur immaculée d'une irréelle et étrange beauté, c'est.... sidérant. Bref, j'ai envie d'y aller. Je m'y suis même un peu rêvée en ta compagnie, maboule que je suis ! Enfin je me suis régalée. Bravo pour tes commentaires précis et détaillés, on sent que tu aimes et que c'est pas le premier voyage. A bientôt pour les 3 autres pages.... et mille merci