LE CERCLE Forum littéraire |
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| Comme les miettes avec la main | |
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+8corinne margo Morgane mick constance Lucaerne LaBourrique geho 12 participants | |
Auteur | Message |
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constance Prophète
Nombre de messages : 4029 Date d'inscription : 07/07/2007
| Sujet: Re: Comme les miettes avec la main Lun 12 Jan - 0:55 | |
| Je ne saurais dire, geho, comme tes textes me touchent, profondément. Les blessures, anciennes, les souffrances, tu sais les dire avec une beauté détachée et pourtant pleine d'émotion et d'espoir. Je ne suis pas seulement admirative de ce que tu écris. Je pense déceler derrière les textes l'être humain, et celui-ci, il me semble digne aussi d'être admiré. Dans sa grande simplicité, apaisée, et le souvenir des tourments qu'il n'oublie pas. | |
| | | geho Maître
Nombre de messages : 1290 Date d'inscription : 11/07/2007
| Sujet: Re: Comme les miettes avec la main Lun 12 Jan - 1:09 | |
| Merci Constance. Mais je ne crois pas vraiment mériter ce que tu dis. Il y a peu, j'ai entendu Matthieu Ricard(fils de JF Revel, moine bouddhiste et écrivain), parler de son histoire; Il disait combien, enfant, l'avaient perturbé des gens célèbres par leur talents divers à cause de l'incohérence qu'il constatait entre leur qualité de production(livres, oeuvres d'art) et leur peu de qualité humaine: de sales âmes dans de belles enveloppes, autrement dit. Cela a rejoint complètement ce que j'ai ressenti vis à vis de personnes qui vantaient de grandes idées en pratiquant de vilaines habitudes. Modestement, je cherche à acquérir une cohérence, une unité, mais je sais aussi le chemin qu'il me reste à faire. Fondamentalement, je pense que l'avancée du "vivre ensemble", pour nos sociétés à différentes échelles, devra passer par le cercle de cette vertu. J'en vois des bribes, mais on est loin du compte. | |
| | | constance Prophète
Nombre de messages : 4029 Date d'inscription : 07/07/2007
| Sujet: Re: Comme les miettes avec la main Lun 12 Jan - 1:37 | |
| Je comprends parfaitement ce que tu veux dire, geho. Et j'ai l'habitude d'enveloppes séduisantes et de belles paroles avec des âmes bien noires par derrière. C'est pour cela que j'ai écrit qu'il me semblait déceler des qualités, au delà de tes mots, en adéquation avec ce que tu écrivais. C'est bien sûr une appréciation subjective, mais je le ressens comme cela. Que ta modestie n'ait pas trop à en souffrir... Comme les écrits de Romane ne mentent pas non plus, on décèle un personnage extraordinaire derrière l'écrivain. | |
| | | Lucaerne Maître
Nombre de messages : 1339 Age : 59 Date d'inscription : 11/12/2008
| Sujet: Re: Comme les miettes avec la main Lun 12 Jan - 20:11 | |
| Toujours impressionnée devant la sagesse de celui qui fait de ses souffrances un socle de bonté, de vrai et de profondeur. Et par l'histoire racontée à travers une aussi belle "mélodie". | |
| | | geho Maître
Nombre de messages : 1290 Date d'inscription : 11/07/2007
| Sujet: Re: Comme les miettes avec la main Lun 19 Jan - 2:00 | |
| Fragment 7
Les saisons s'emperlent aux saisons Sur un fil de chagrin Elles se bousculent et à compter les Noël, Il n'en resterait que trois. Mêlant le froid de circonstance aux contrastes: Du matin plein et apaisé émergeant de la brume Aux coulisses obscures d'une scène où donner du clown improvisé, A l'errance une mie nuit sur les nationales, entre Lille et Grenoble. Il ne reste rien du clinquant accroché aux sapins moribonds Rien des complicités ni des embrassades, Ni des enfants émerveillés, ni des festins. Rien ou si peu. N'être bon qu'à donner, indigne de recevoir? Les fêtes ont le goût du surfait, Je préfère le faire: Un chantier, une marche, un théâtre, une chanson, Et ce qui les suit dans la joie d'avoir fait ensemble. Les lendemains où le vrai étincelle Et le jour d'avant, aux préparatifs enfiévrés.
A Mareuil, nous avions animé la veillée de Noël A la demande des jeunes du village. Nous avions beaucoup marché dans la nuit Pour rejoindre le vieux moulin désaffecté. Le reste du groupe parti plus tôt. Je ne me souviens plus du poète Mais scintille encore sa déclamation Et son regard posé sur ma timidité et mon appréhension. Après les lectures et les chants, Les familles manquaient pour l'accueil de tous Et à même le béton couvert de journal ou de carton, La nuit fut pauvre, blanche, et magnifique. Comme la première gorgée de la vie Dans l'eau mêlée de nos regards, La grande marée du bonheur sur une grève vierge, La première goulée d'un cru qui se prolonge en bouche Et tient éveillé dans l'oubli du froid et du fond sonore des histoires drôles, Un trésor tenu enserré jusqu'au premier baiser, plus loin, Au coin de la rue Diderot sombre et déserte. Une marée jamais égalée, Une baie fuie pour de faux absolus Et l'épine encore, Dans la plaie du premier amour avorté Et son abandon malgré soi. De mon miel mille fleurs le parfum le plus tenace: Un coquelicot au pied des terrils. Ne plus lâcher ce qui compte, jamais. | |
| | | constance Prophète
Nombre de messages : 4029 Date d'inscription : 07/07/2007
| Sujet: Re: Comme les miettes avec la main Mar 20 Jan - 0:25 | |
| On peut être émue jusqu'aux larmes, et ne plus rien trouver à dire, devant cette nuit "pauvre, blanche, et magnifique", devant tout le reste, devant ces mots qui transcendent les mots. Je me tais, donc. | |
| | | Lucaerne Maître
Nombre de messages : 1339 Age : 59 Date d'inscription : 11/12/2008
| | | | geho Maître
Nombre de messages : 1290 Date d'inscription : 11/07/2007
| Sujet: Re: Comme les miettes avec la main Ven 13 Fév - 1:01 | |
| Fragment 8
A partir du château le chemin montait dans le parc emmuré d'un appareil de craie et de briques laissant de côté la chapelle puis tournait aux trois hêtres rouges et, par l'allée courbe des marronniers accédait à une voie rectiligne bordée d'une double rangée de peupliers. Au fond, la grille forgée toujours fermée, à gauche le terrain de sports et à droite le pré de l'âne Albert, réincarnation de l'âne de Buridan dont on nous ressassait le triste sort à chaque hésitation: il n'avait pas su choisir entre le boire et le manger. Un dimanche sur quatre les voitures s'alignaient le long des arbres et la traction avant Citroën familiale et noire servait de parloir pour des mots comptés, concurrencés par le goûter copieux comme un manque affectif et la remise du pot de beurre mensuel en échange du bocal rance, complément de la mélasse institutionnelle économique et écoeurante. Jamais n'est venue la question: "pourquoi suis-je ici ?" Seulement l'échange de regards tendus et furtifs: elle souffrait, et je ne sais plus dire maman. Grand mère était là parfois... De ses longs cheveux d'argent ramenés en chignon émanait l'aura d'une douceur aimante. Je la contemplais, petit, assis bouche bée, elle debout devant l'armoire à glace à démêler la riviére blanche, puis à la tresser, de ce geste de côté, grâcieux et féminin, un tableau de Renoir. Elle était humble et silencieuse et pourtant le liant de la famille unie. Sa mort nous a dispersés comme le vent un tas de feuilles: tant qu'elle le tenait, il se tenait mais les distances se sont faites irréductibles et année par année après le dernier cercle autour du grand départ, la gerbe s'est défaite sans relève d'un brin nouant. Comme je l'ai aimée et comme encore ici, à ramasser ces bouts de vie je trouve en traces indélébiles son sourire éternellement beau. Il reste un panier de rotin et sa tache d'éosine, un bout de drap en laine épaisse et grise brodé de fil rouge, quelques aiguilles fixées dessus, la courte pointe en carrés tricotés des fins de bobines, des souvenirs à chaque bouton recousu et une photo rangée aux yeux déjà tournés vers Amédée, son garde champêtre de mari, en allé depuis vingt ans. Ces objets, un mot, l'odeur des buis, le goût de la William rouge et d'une infusion de cassis. Le paquet de tabac gris, les relents de la pipe et les allumoirs découpés dans les boîtes bleues de sucre Béghin, la cour dallée de briques, le parfum des pélargoniums... à quoi s'attache la mémoire? A des bribes et autour aux expressions, aux voix, au bien être diffus. A l'insouciance seulement occupée à l'éveil des sens. Il était là le paradis, sans la conscience pour le savourer. Où le retrouver avec ses habitants chéris? | |
| | | geho Maître
Nombre de messages : 1290 Date d'inscription : 11/07/2007
| Sujet: Re: Comme les miettes avec la main Mar 17 Fév - 0:18 | |
| Fragment 9
L'été du Nord s'étale sur des plages infinies lavées par les marées aux cadences immuables. Des collines crayeuses de Camiers où nous revenions en septembre cueillir les mûres parfumées, on peut voir le cordon de dunes couvertes d'oyats, d'ajoncs, de saules et de trembles s'étendre jusqu'à Etaples et au Touquet au sud-ouest et jusqu'à Hardelot au nord-est, puis cet entre-deux de sable fin et blond et les écailles écumeuses de la Manche aux assauts silencieux et lents. Entre ces extrémités, Sainte Cécile et Saint Gabriel ont vu accourir après la guerre de nouveaux envahisseurs saisonniers pour prendre possession des blockhaus abandonnés du Mur de l'Atlantique. Certains s'enlisaient peu à peu dans le sable au fur et à mesure d'un travail érodeur et conjoint: le rognage des vents et des eaux. La nature reprend toujours et lentement sa marque sur l'empreinte des hommes et leur orgueil, elle atténue simultanément la mémoire endolorie des victimes. Là où il n'y avait qu'un hôtel blindé improbable à l'entrée de la plage et quelques villas des années trente aux charpentes sophistiquées ont émergé des résidences multiples et quelconques. Avec les cousins et les cousines nous roulions du haut en bas des dunes chaudes, courions chancelants jusqu'aux vagues laver notre peau émeri par des plongeons dans les rouleaux avant qu'ils ne s'abattent avec fracas, couvrant nos cris joyeux. Nous allions d'autres fois pêcher au grappin dans la Canche, y accrocher par hasard une plie ou un carrelet, ou ramasser les coques dont les jets chatouillaient les pieds, toujours suivant la laisse de haute mer à l'affût de trésors: bois flottés, boules de verre coloré perdues par les filets des caboteurs, bouts de cordages blanchis par le sel, avec l'espoir de bouteilles à messages venues d'au-delà les eaux. Le vent érodant les talus, la mer qui se retire, laissaient des écritures comme des canyons, des arbres ramifiés aux reflets d'argent des lignes de mains douces à l'oeil et douloureuses aux pieds nus, de celles qu'on observe au-dessus des nuages ou dans les ciels de Van Gogh, elles faisaient imaginer des méduses et des sirènes aux doigts d'artistes déposant encore les algues en arabesques brunes. Au large, les bateaux jouaient à saute-mouton et traînaient leurs chaluts dans un doux ronronnement. Et le pêcheur de crevettes poussait son filet calé sur la hanche au fond des bâches, lagunes éphémères, sans cesse remodelées par les courants. Et après l'horizon, qu'y a-t-il? Peu importe puisqu'ici était l'ailleurs où les goulées de vie rassasiaient faisant oublier le noir des terrils. Le jour commençait et finissait par la mer. Il fallait se gaver de ses rythmes, de ses lumières, de ses odeurs portées par l'air vif, l'eau et le vent mariés dans leurs musiques multiples par l'astre bienveillant. Des plaisirs simples. | |
| | | mick Gardien de la foi
Nombre de messages : 311 Date d'inscription : 13/07/2007
| Sujet: Re: Comme les miettes avec la main Mar 17 Fév - 2:21 | |
| ... simples, mais dont le souvenir intact irrigue toujours ma mémoire. Chaque mot, chaque phrase sont distillés pour rendre l'essence même de ce que fut ce temps là.... Magnifique! .. mais je suis trop partial.... Et puis, qu'est-ce qui s'est brisé depuis pour ne plus jamais se recoller? " ...tanto ch'i' vidi, delle cose belle ...si bien qu'enfin je vis les choses belles che porta 'l ciel, per un pertugio tondo, que le ciel porte, par un pertuis rond, e quindi uscimmo a riveder le stelle. Et par là nous sortîmes, à revoir les étoiles." (Dante, derniers vers de L'Enfer) merci, frérot! mick | |
| | | margo Maître
Nombre de messages : 1790 Date d'inscription : 08/07/2007
| Sujet: Re: Comme les miettes avec la main Mar 17 Fév - 12:02 | |
| "Sa mort nous a dispersés comme le vent un tas de feuilles..."
C'est aussi ce qui s'est passé pour nous... Seulement, il y a eu ce petit recueil que j'ai écrit l'année dernière et dans lequel à ma manière, je parle d'"Elle" et de nos blessures. Il a fini par tomber entre les mains de ma tante âgée de 89 ans avec laquelle j'étais fâchée depuis 30 ans à cause d'un malentendu, bien sûr. Hé bien, nous nous sommes retrouvée. Depuis, les cousins et cousines, étrangement, recommencent à se téléphoner et une grande réunion de famille est prévue au printemps pour la première fois depuis la mort de ma grand-mère, il y a 30 ans...
Merci Geho, pour ces merveilles ! | |
| | | constance Prophète
Nombre de messages : 4029 Date d'inscription : 07/07/2007
| Sujet: Re: Comme les miettes avec la main Mar 17 Fév - 19:24 | |
| Très touchée par ces feuilles dispersées... j'ai retrouvé aussi la famille de mon père il y a quelques années, et bien que nos relations restent épisodiques, je sais qu'il existe un petit cocon douillet, où je serai toujours la bienvenue, où on m'accueillera toujours à bras ouverts, même si je suis une "fugueuse". Merci de nous rappeler ces simples souvenirs... | |
| | | corinne Fidèle
Nombre de messages : 140 Signe particulier : race multicolore Date d'inscription : 24/07/2008
| Sujet: Re: Comme les miettes avec la main Mer 18 Fév - 1:50 | |
| j ai pour image une interminable pluie fine qui,n en finit pas de tomber, un interminable point d orgue, en plein milieu de quelque part... la bas. | |
| | | Lucaerne Maître
Nombre de messages : 1339 Age : 59 Date d'inscription : 11/12/2008
| Sujet: Re: Comme les miettes avec la main Ven 27 Fév - 17:16 | |
| Rien à dire de spécial, sauf que j'aime toujours autant t'accompagner dans ces fragments offerts si généreusement, gorgés d'images, de senteurs, de musiques... | |
| | | geho Maître
Nombre de messages : 1290 Date d'inscription : 11/07/2007
| Sujet: Fragment 10 Lun 2 Mar - 21:05 | |
| FRAGMENT 10
"Le Pays du Sourire": l'austro hongrois Franz LEHAR a titré ainsi une opérette en 1929. Avant ou pendant la crise? Elle est de celles qu'on nous servait sur l'unique chaîne de l'Ortf les samedi après midi. Il en est passé cent autres et celle-ci est restée. Comme l'Ange au sourire de la cathédrale de Reims découvert dans le livre d'histoire et la petite photo de Danielle Darrieux dessinée inlassablement pendant l'étude où la version latine ennnuyait. Et encore "La jeune Fille au turban bleu" de VERMEER de DELFT, -cela ne peut pas être en l'ignorant que Simone VEIL a choisi le portrait de couverture de son dernier livre dans la même pose-; et enfin la Vénus de Botticelli: difficile d'imaginer regards plus aimant et plus doux. Pourtant, cet ange de Reims, je l'ai défiguré lors d'une étude de plâtre aux Beaux Arts de Lille. Son sourire est devenu moqueur, presque déplacé, limite traître... C'est que depuis le commencement le sourire a porté l'ambivalence. De l'autre à soi quand il s'est détourné vers le nouvel arrivant, de soi vers l'autre quand il fut mal interprété comme une insolence et de l'autre à soi encore quand il illusionne sur la retrouvaille du visage perdu et sur le sentiment exprimé... Sourire piège et méprise, sourire et punition. Tu peux faire le clown comme un alcool sur la plaie et sa grimace hilarante cachant le rictus, le regard à chercher dans la béance du manque un sourire posé sur l'appétit repu et son sein chaud dans la fusion des premiers mois, un sourire éternellement disparu. Dans l'errance se précise le contour des lèvres et l'attention des yeux cherchées dans les rues, les magazines, les musées et les gares...quelquefois esquissées, jamais retrouvées. Vous montrerez vous, dites, vous montrerez vous?
"On couche toujours avec des morts, on couche toujours avec des morts, on couche toujours avec des morts, on couche toujours avec des morts", hein Léo? | |
| | | constance Prophète
Nombre de messages : 4029 Date d'inscription : 07/07/2007
| Sujet: Re: Comme les miettes avec la main Lun 2 Mar - 23:25 | |
| Quand l'un inspire l'autre, quand une idée inspire un poète, qui en inspire un autre... j'aime ce jeu entre vous, cette interprétation toute personnelle que tu donnes du sourire, une réponse à Garance peut-être, et un miroir que tu nous tends à tous. Tes textes disent l'intime, le personnel, et pourtant ils nous poussent à réfléchir sur bien plus universel. Voilà en partie leur force. | |
| | | geho Maître
Nombre de messages : 1290 Date d'inscription : 11/07/2007
| Sujet: Re: Comme les miettes avec la main Mar 10 Mar - 0:30 | |
| Fragment 11
Au bas fond de la nuit insomniaque, A l’heure du point de rosée Le plafond s’est animé Du ballet d’un voile à la fenêtre ouverte Et d’un bouquet d’ombres Aux fleurs de printemps.
Ils sont entrés en scène Face à face et silencieux Lui, le père, dominant Et elle, mère soumise, assise, Imitant de Matisse « la Conversation ».
J’ai dû me lever Pour en jeter une encre sur papier de chiffon (ce n’est pas toutes les nuits que les absents visitent), Il était toujours ailleurs et taiseux, Dur, Elle, humble et dévouée, Cachait les larmes de ses sacrifices, Mais pas l'érosion criante au fond des yeux. J’étais né de ce bouquet noir Un lendemain de guerre, Remplaçant un frère disparu. Ma fraternité avec Vincent : « Dans l’impossibilité de rien faire,… comme en prison,… » « Il y a quelque chose au-dedans de moi, qu’est-ce donc ? »(*)
Dessinant mes fantômes, Je suis né neuf cette nuit-là… Un trait d’absence, un trait d’abîme, et la fenêtre ouverte, Faire la part, jeter, garder, pardonner, Accepter ses noirs où la moindre lumière prend force. Elle m’est venue le matin irisée, Avec l’envie d’un bâtisseur chargé d’outils et de matériaux, En marche vers sa cathédrale.
Il y aurait deux gestations, deux enveloppes, L’une libère le premier cri en même temps que ses eaux Et l’autre de la rétention, Lâchés les chevaux et leurs hennissements de délivrance. Ne pas attendre qu’on ouvre le box ! Ruer.
(*) Vincent VAN GOGH à son frère Théo, juillet 1880 | |
| | | Lucaerne Maître
Nombre de messages : 1339 Age : 59 Date d'inscription : 11/12/2008
| Sujet: Re: Comme les miettes avec la main Mer 11 Mar - 16:38 | |
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| | | geho Maître
Nombre de messages : 1290 Date d'inscription : 11/07/2007
| Sujet: Re: Comme les miettes avec la main Mer 11 Mar - 23:53 | |
| Merci Lucaerne d'être passée par là. | |
| | | constance Prophète
Nombre de messages : 4029 Date d'inscription : 07/07/2007
| Sujet: Re: Comme les miettes avec la main Jeu 12 Mar - 0:20 | |
| J'aime cette "heure du point de rosée". Et puis comme Lulu : "Accepter ses noirs où la moindre lumière prend force." Un voyage intime, dur en un sens, mais qui trouve sa liberté à la fin : d'une sensation d'enfermement au début de ton texte, on ouvre grand les portes de l'imaginaire, comme une immense respiration exultante. | |
| | | Garance Maître
Nombre de messages : 1359 Date d'inscription : 04/02/2009
| Sujet: Re: Comme les miettes avec la main Jeu 12 Mar - 0:37 | |
| Geho, je ne sais plus où envoyr mes com. ! J'aime beaucoup ce fragment, ce thème de la naissance, de l'acceptation de ses origines,Van Gogh...et la découverte de CE qui permet de se réaliser dans cette vie. Puisse chaque être le découvrir et RUER ! | |
| | | Lucaerne Maître
Nombre de messages : 1339 Age : 59 Date d'inscription : 11/12/2008
| Sujet: Re: Comme les miettes avec la main Jeu 12 Mar - 12:25 | |
| Hum... T'as une bonne assurance Geho j'espère ? Parce qu'après avoir lu ton texte, j'ai essayé de ruer, et je me suis retrouvée le nez sur le carrelage... | |
| | | geho Maître
Nombre de messages : 1290 Date d'inscription : 11/07/2007
| Sujet: Re: Comme les miettes avec la main Jeu 12 Mar - 16:44 | |
| c'est bien comme ça que j'ai vécu ce moment, Constance, mais la ruade ne s'est pas faite en un instant magique...il a fallu le temps. Cela me permet de répondre aussi à Lulu: excuse-moi, je ne t'ai pas donné le mode d'emploi de mes formules: il ne faut pas bien sûr les prendre à la lettre, d'autant plus que tu n'es pas un cheval. Ruer, c'est d'abord mental, hein! Aussi, pour le rester, dans le mental, je t'envoie un petit souffle chaud sur tes bobos, comme on le fait avec les petits. Je ne doute pas que tu me dises que cela, comme pour moi, t'apporte un petit réconfort. Enfin, Garance, tu mets tes coms où tu veux, mais sache qu'ils me font plaisir. Je vous remercie toutes. | |
| | | geho Maître
Nombre de messages : 1290 Date d'inscription : 11/07/2007
| Sujet: Re: Comme les miettes avec la main Jeu 12 Mar - 17:55 | |
| Fragment 12
Du bac à sable j'ai regardé le « chapeau de Napoléon » comme ils appelaient cette crête en forme de bicorne, et j'ai pleuré d'être laissé seul tandis qu'ils allaient marcher là-haut. A deux ans on ne mesure pas que la montagne est inaccessible et de cette garderie de Gap, au milieu d'un beau jardin, je criai mon premier sentiment de frustration. Je m'empressai à douze ans de l'effacer et de franchir les éboulis menant au pic de Charance, à partir du lac et avec les cousins. La première de courses régulières si possible jusqu'aux névés. Comme une manière de toucher l'éternité, d'embrasser l'étendue des réalités et de mon ignorance. Une façon de faire l'amour à la terre, dans cet effort d'atteindre les cols et le ciel et ces espaces de liberté sans clôtures où la lumière est plus claire, l'air plus pur les fleurs plus vives, l'eau plus limpide et les arbres plus verts. Les roches et leurs plis témoins du magma torturé et des origines millénaires situant le moi à sa place infime. Aux fontes de juin, j'ai traqué la soldanelle face au pic d'Olan dans son décor de rhododendrons écarlates, et un matin de quatorze juillet enneigé, cherchant où capter l'eau pour le copain berger en alpage, je suis tombé nez à nez sur des edelweiss géantes et sur le génépi. Derrière, dans la déchirure des stratus, le lac turquoise de Savines s'évanouissait lointain et sous le chapeau noir à larges bords l'oeil brilla plus émerveillé. Comme autour de ce lac au pied du mont Viso, au belvédère inoublié depuis l'enfance, à la recherche de gentiana verna au bleu de Prusse incomparable. Encore une heure de grimpe dans le chaos pierreux et le géant italien était à portée de la main au bout d'une immense dalle verdâtre. Autour, les monts transalpins et les champs de doronics, en contre-bas, le ciel dans un miroir liquide, écho d'un lac du col Bayard et de sa photo en noir et blanc, magnifique émotion volée d'une indiscrétion dans les archives paternelles. On ne peut jamais s'attarder dans ces lieux magiques aux courants d'air glacés, et les photos comme les mots ne fixent pas tout à fait cette jouissance particulière d'être au balcon du monde, après le pas à pas tendu et essoufflé. L'acteur, après son numéro, le peintre, après son envol, doivent connaître cet état second. Quand le jour s'estompe, dans le silence paisible du campement, je rumine cette nourriture pour en fixer les ingrédients et les saveurs, oubliant le temps d'épluchage. | |
| | | LaBourrique Guide
Nombre de messages : 510 Age : 59 Date d'inscription : 12/12/2008
| Sujet: Re: Comme les miettes avec la main Jeu 12 Mar - 18:15 | |
| En te connaissant de visu, c'est étrange comme ces textes prennent une autre dimension. J'entends ta voix. Ces mots deviennent tranquilles, comme toi | |
| | | Contenu sponsorisé
| Sujet: Re: Comme les miettes avec la main | |
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| | | | Comme les miettes avec la main | |
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